roman

Dvacet tisíc mil pod mořem (Julius Verne, Zdeněk Hobzík, 1937)


Dvacet tisíc mil pod mořem (Julius Verne, Zdeněk Hobzík, 1937)
titre original :Dvacet tisíc mil pod mořem
type :roman
année :1937
pays :Tchécoslovaquie
auteur :Julius Verne, Zdeněk Hobzík
illustrations :Zdeněk Burian
éditions :Jos. R. Vilimek, Prague
site web :http://www.stramberk.cz/muzeumzb/


A propos de cette œuvre

Si nous évoquons cette traduction tchécoslovaque du roman de Jules Verne, c'est pour mettre quelque peu en lumière les illustrations l'ayant accompagné (notre site présentant exclusivement des adaptations, nous consacrons toutefois un article sur telle traduction, lorsque le volume comporte un intérêt particulier). Ainsi, l'éditeur Jos. R. Vilimek (fils), après avoir publié en 1898 une première traduction de Vingt mille lieues sous les mers, par Jaroslav Immanuel Janeček (1870-1963) - (rééditée en 1911, 1920, 1921, 1923, 1926, et 1932) - proposa en 1934 une seconde traduction, celle de Zdeněk Hobzík (rééditée en 1937, 1941, 1948 et 1949). Cette dernière - au contraire de la précédente et de ses rééditions qui étaient accompagnées des illustrations originales de Neuville et Riou - était nouvellement illustrée à partir de sa 2ème édition, en 1937, par le peintre Zdeněk Burian (1905-1981). Celui-ci réalisa ainsi 16 gouaches insérées en travers du texte, de même que l'illustration couvrant la couverture du volume (doutant de cette information, mais ne pouvant la vérifier, nous signalons tout de même que certaines sources mentionnent que la traduction de l'édition de 1934 était encore celle de Janeček).

Ce voyage extraordinaire de Jules Verne est ici merveilleusement représenté par le style déjà très mature de Burian avec en ses toiles, par delà leurs imposantes mises en scène qu'elles exposent, la puissance de vie des formes qui s'expriment et s'imposent au regard. Ainsi les divers effets, notamment de plongées et de contre-plongées sur tel animal ou paysage marquent également de manière indéniable, et encore un peu plus, la forte présence que la représentation peut transmettre au-delà de son image. Le réalisme qui en émane est également baigné dans une lumineuse clarté apportant entre autres aux sombres profondeurs une certaine phosphorescence. Concernant le capitaine Nemo, on pourrait voir en son visage – cela est une impression subjective –, bien que les traits de sa physionomie soient plus sévères, un léger écho à celui du peintre Rubens, ou tout du moins une approche similaire dans la représentation du visage et de certains des auto-portraits (à cet égard une oeuvre de Rubens figure dans la bibliothèque du Nautilus). Sur l'illustration que le capitaine Nemo partage avec le professeur Aronnax, un tableau se situant à l'arrière-plan peut également se prêter à quelque interrogation, celui-ci étant signé semble-t-il de deux noms, dont l'un pourrait être celui de Gustave Doré (n'ayant pas, pour l'heure, réussi à déterminer cela, et ne pouvant reconnaître si ce tableau correspond à une réelle oeuvre picturale...).

Cet artiste peintre est, pour le lecteur tchèque, évocateur de nombreux autres romans d'aventures dont il a signé également la couverture et les peintures internes, tels ceux de Jack London, Alexandre Dumas, Robert Louis Stevenson, James Fenimore Cooper, Rudyard Kipling, Edgar Rice Burroughs, James Oliver Curwood, Karl May, Jaroslav Foglar, ou encore Max Brand. Au travers de ces illustres noms, nombreuses seront les représentations des peuples Indiens, de même que de l'Amérique, et d'une certaine idéalisation de ses héros, comme au travers de ses magnifiques dessins à la plume sur Tarzan (il fit quelques travaux pour ce personnage dès ses 15 ans). Cette imagerie ainsi mise en lumière depuis quelques années - plus éloquente de par son aspect directement visuel que les textes en eux-mêmes -, aurait pu avoir quelques incidences sur sa carrière au moment où le communisme s'empara de son pays en 1948, s'il n'avait pas alors connu une certaine popularité depuis ses débuts.
Il a ainsi fait de même pour de nombreux Voyages extraordinaires de Jules Verne traduits en Tchécoslovaquie, associant sur plusieurs décennies - de 1928 à 1966 / de ses 23 ans à ses 61 ans (la seconde moitié de cette période étant davantage le fait de nombreuses rééditions) - son nom à celui de l'écrivain français, dont parmi quelques titres qu'il illustra : Do středu Země / Voyage au centre de la Terre, Dobrodružství kapitána Hatterasa / Voyage et aventure du capitaine Hatteras, Nový hrabě Monte Christo / Mathias Sandorf, Patnáctiletý kapitán / Un capitaine de 15 ans, Zemí šelem / La maison à vapeur, Hvězda Jihu / L'étoile du Sud, ou encore et bien évidemment parmi les plus populaires Dvacet tisíc mil pod mořem / Vingt mille lieues sous les mers et Tajuplný ostrov / L'île mystérieuse.
Il devint ensuite célèbre dans le monde entier grâce à ses travaux d'ordre scientifique reproduisant les mondes préhistoriques, cela dans de nombreux ouvrages ayant traversé les frontières de son pays, tels ceux du Dr Josef Augusta (dans une moindre mesure, il a illustré des récits pour la jeunesse d'Eduard Štorch mettant en perspective la vie des hommes préhistoriques). S'il est à cet égard connu dans l'hexagone grâce à la traduction de ces livres, ses travaux auront illustré également diverses publications françaises traitant des dinosaures et de la préhistoire, cela jusqu'aux environ des années 80. Bien que certaines les représentations qu'il a mis en scène ne conviennent plus avec exactitude à diverses découvertes et analyses qui ont suivi, ses paysages des périodes très lointaines ont néanmoins conservé un certain charme qu'il leur avait insufflé ; car quoique travaillant en étroite relation avec les spécialistes scientifiques, le caractère de ses peintures reste imprégné d'une atmosphère poétique qui lui était propre. Imprégnées est également le terme qui convient aux couleurs qu'il apposait sur ces animaux, ceux-ci étant toujours en étroite relation avec leur environnement végétal et terreux. Ainsi, s'il a marqué l'art de l'illustration, c'est notamment par l'apparente simplicité de sa marque graphique mêlée à une sincère affection pour les sujets qu'il représentait, apposant de la sorte un degré de romantisme et de naturalisme réprouvé par quelques critiques de l'art, mais dont l'attrait était indéniable. De grands artistes se sont inspirés de ses ouvrages, tel son compatriote Karel Zeman qui - tout en étant conseillé par Josef Augusta - utilisa les dessins de dinosaures de Burian pour donner forme à ses modèles pour son film Cesta do pravěku / Voyage dans la préhistoire, cela tout comme l'avait fait Ray Harryhaussen, maître du stop motion, s'inspirant des œuvres d'un autre grand peintre de la préhistoire - Charles R. Knight (1874-1953) - dont les travaux marquèrent également Zdeněk Burian [nous évoquons de même Karel Zeman pour ses œuvres verniennes : Une invention diabolique et Le dirigeable volé]. A propos de Ray Harryhausen et de son ouvrage sur L'île mystérieuse de Cy Endfield, il semble qu'il se soit plus particulièrement inspiré de l'artiste tchèque pour concevoir son oiseau de terreur ou phorusrhacidés.
Le regretté Stephen Jay Gould avait de chaleureux sentiments à l'égard de ces artistes mêlant représentations scientifiques et arts, insufflant à la paléontologie, une certaine valeur sentimentale (pour les noms déjà évoqués en cette page, on notera que J. M. Troska, Karel Čapek, Karel Zeman, Stephen Jay Gould, et Zdeněk Burian auront chacun leur nom apposé sur un astéroïde, chose que l'on a pas encore attribué à Jules Verne, ce dernier ayant tout de même un cratère lunaire lui rendant hommage).

De nombreux artistes actuels ne cachent pas leur admiration face aux travaux de Zdeněk Burian, tel le paléontographiste français Alain Bénéteau, l'espagnol Mauricio Antón, l'italien Fabio Pastori, ou l'américain Mark Hallett, de même que le bédéiste et illustrateur allemand Jens Harder qui s'en inspire pleinement dans son documentaire séquentiel Alpha, directions (Actes Sud - l'An 2, 2008). On peut deviner également une certaine influence de Burian sur d'autres bédéistes, tel Jacques Tardi (que nous avons évoqué pour Le démon des glaces) qui semble y avoir puisé quelque inspiration pour ses propres représentations d'animaux préhistoriques dans Adèle Blanc-Sec, notamment sur le stégosaure en page 20 du premier album Adèle et la bête particulièrement proche de l'une des toiles de l'artiste (voir la galerie d'images), de même que pour la page suivante - toujours dans le rêve de Zborowsky - où l'on trouve quelques accointances morphologiques propres aux représentations de Burian.
Frank Frazetta (1928-2010), autre immense figure de la bande dessinée, a également absorbé beaucoup de la matière et de l'essence des oeuvres de cet artiste. Parmi encore d'autres de ses successeurs, Josef Moravec a dès son plus jeune âge été sous l'emprise des toiles de Zdeněk Burian, et tout comme son homologue Jan Sovák qui fut également sous cette même emprise étant enfant, il est depuis devenu un peintre spécialisé dans la représentation des animaux préhistoriques (malgré un nom analogue, il ne semble pas que Josef Moravec ait un quelconque lien de parenté avec l'un des éditeurs de la trilogie Kapitán Nemo sur laquelle officia Zdeněk Burian).

Le centenaire de la naissance de Zdeněk Burian fut fêté en 2005, l'anniversaire de la mort de Jules Verne lui faisant écho quelque cinq semaines plus tard. Pour admirer une grande partie de son oeuvre, voici un site qui lui rend pleinement hommage : ZDENěK BURIAN > O malíři, ainsi que la page correspondante proposant les couvertures des romans de Jules Verne illustrées par ses soins ZDENěK BURIAN > O malíři. A visiter également impérativement, la page du Muzeum Zdeněk Burian – Štramberk, site officiel montrant plus en détail les ouvrages de Jules Verne dont l'artiste illustra les couvertures entre 1928 et 1966, et signa également, pour nombre d'entre eux, les gouaches internes.

En ce début de 21ème siècle (du moins à l'heure de cet article...), les illustrations de Zdeněk Burian sont toujours bien présentes dans les esprits, et accompagnent encore quelques rééditions de romans, dont ceux de Jules Verne. A cet effet, Ondřej Neff, à qui l'on doit un nouveau récit pour quelques Voyages extraordinaires, a ainsi illustré ses ouvrages écrits en 2008 et 2009 avec les peintures que l'artiste avait réalisées d'antan : Dvacet tisíc mil pod mořem / Vingt mille lieues sous les mers et Tajuplný ostrov / L'île mystérieuse.

Article écrit en avril 2010, revu et augmenté le 14 avril 2012.

Jacques Romero, 04/2012

Les images de la galerie de 02 à 07 sont issues du blog Show and Tell de Muttpop du scénariste français de bande dessinée Jerry Frissen, auteur notamment de la célèbre série Lucha Libre, et grand adorateur de l’œuvre de Zdeněk Burian. Elles proviennent d'un collectionneur tchèque. Nous remercions vivement ces deux personnalités qui nous permettent ainsi de découvrir encore un peu plus de l'ouvrage vernien de l'artiste tchécoslovaque. Les images 09 et 10 sont les couvertures de l'édition roumaine (1941). Concernant les images 11 et 12, elles présentent respectivement un stégosaure de Zdeněk Burian et celui de Jacques Tardi.


Galerie

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