roman

Kapitán Nemo (Jan Matzal Troska, 1939)


Kapitán Nemo (Jan Matzal Troska, 1939)
titre original :Kapitán Nemo
type :roman, 3 tomes
année :1939
pays :Tchécoslovaquie
auteur :Jan Matzal Troska
illustrations :Zdeněk Burian, Jiří Wowk
éditions :Jan Toužimský a Jaroslav Moravec, Prague (1939), Karel Červenka, Prague (1947)


L'histoire

Cette trilogie, quoique mettant en scène un certain capitaine Nemo, n'est pas une adaptation des romans de Jules Verne. Toutefois, elle lui emprunte le personnage dans l'ensemble de ses fondements, tout en modulant certains aspects de sa personnalité, cela en fonction, entre autre, des nouveaux éléments narratifs le côtoyant. Elle peut être ainsi appréhendée - de par cet unique protagoniste qui en est issu - comme un prolongement des romans verniens, même si cela est en contradiction avec la fin de L'île mystérieuse, celle-ci nous montrant l'homme des océans se mourant en son Nautilus. De même, si le capitaine Nemo est toujours le maître de son environnement, il ne l'est plus dans le cadre des profondeurs sous-marines - du moins dans un premier temps - mais dans celui d'un royaume sous-terrain. Cela participe toutefois à créer une certaine filiation avec L'île mystérieuse où il était déjà mis en retrait des grands espaces océaniques. Bien que l'histoire en soit également très différente, certains de ses aspects font quelque peu écho au film que James Hill réalisa en 1969 - Captain Nemo and the Underwater City - où le célèbre personnage incarné par Robert Ryan était le maître d'une ville sous-marine qu'il avait conçu. Par ailleurs, comme dans ce film appartenant à un cinéma dit de genre, l'extravagance fantastique est de mise dans cette trilogie, où la science, même si elle repose sur de réels fondements, est également mise en perspective bien au-delà de ses concepts.

Résumé : en 1939, Arne Farina (Arnošt Farm), 50 ans, chimiste et professeur en génie électrique, et son ami Pavel Holan, 46 ans, ingénieur en mécanique, sont décidés à concevoir un sous-marin dont la coque sera composée d'un matériau indestructible : l'Holanit, du nom de son concepteur, le père de Pavel. Avec ce submersible, ils projettent d'étudier les fonds océaniques, mais aussi de partir à la recherche des vestiges de l'Atlantide (Pavel a connu, deux décennies plus tôt, une première expérience sous-marine dans un précédent roman Vládce mořských hlubin / Le maître des profondeurs, de même que Arne Farina fut le héros du livre qui suivit). Pour cela, ils achètent tout d'abord une usine à Prague, et y conçoivent les différentes pièces du sous-marin. Pour ne point ébruiter la mise en oeuvre finale d'un tel bâtiment, ils décident d'installer leur chantier naval sur une petite île de la Mer de Weddell, en Antarctique. Pour les repérages, Arne Farina fait appel à Kmitko alias Juraj, l'un de ses amis slovaques, concepteur de dirigeables. Ainsi, le trio explore cette petite île volcanique qu'ils nomment tout simplement Volkanus (on notera ici parmi quelques descriptions, une erreur avec la présence d'ours polaires, animal vivant exclusivement près du Cercle Arctique...).
En prévision de former un équipage, Pavel Holan écrit à son ancien compagnon des mers, le capitaine français Léon de Fabre. Mais celui-ci lui répond ne pas pouvoir participer à cette nouvelle aventure, son état de santé lui ayant fait prendre sa retraite. Mais il lui recommande toutefois le capitaine Marcella Gilberta, ainsi que diverses personnalités de confiance, comme le professeur de sciences naturelles Jules Charni, et le médecin Charles Baudin.

Les différentes équipes étant installées sur l'île depuis plusieurs jours, et les travaux sur l'assemblage du submersible étant bien entamés, Arne Farina, Jules Charni et le professeur Roger, géologue voulant étudier les formations alentours, partent explorer les lieux environnants. Mais au cours de cette excursion - Jules Charni étant rentré à la base entre temps - une tempête se lève. Arne Farina et le professeur Roger attendent dans une grotte que les vents se calment. Mais non loin de l'entrée, ils découvrent une porte conçue artisanalement. Ils l'enfoncent et pénètrent dans une petite pièce où ils découvrent un cahier de notes, tel un journal d'expédition, écrit en norvégien, et dont les premières pages alimentent leur surprise. Ne pouvant traduire cette langue, ils feuillètent l'ouvrage jusqu'aux toutes dernières pages, qui elles, sont écrites en anglais, l'auteur voulant alors se faire comprendre de toutes personnes qui passeraient en cet endroit. Ses derniers messages, datés de janvier 1929, font ainsi écho d'une découverte qu'il n'avait pas encore totalement appréhendé, au moment où il écrivait ses derniers mots. Il y évoque un mystérieux bruit provenant des profondeurs de la Terre, tel un vrombissement d'avion. Comme il le note encore, quelques jours plus tard, il découvre au fond d'une galerie, un début d'explication, puisqu'il y aperçoit comme un ascenseur et un véhicule se déplaçant vers les profondeurs, lesquelles il a du lui-même emprunter, le récit se terminant ici. Mais que ne fut pas l'étonnement de Farina et Roger quand ils virent le nom signant la fin du texte : Roald Amundsen (le chapitre ayant pour titre le nom de ce célèbre aventurier). Il s'agissait donc du grand explorateur norvégien qui avait quelques trente ans plus tôt atteint, en traineau à chiens, le Pôle Sud géographique, et fait de même en 1926 avec le Pôle Nord, mais cette fois-ci par les airs, avec Umberto Nobile et son dirigeable. Ainsi, ce héros des expéditions polaires qui fut porté disparu en juin 1928, à bord d'un Latham français, alors qu'il recherchait Nobile qui venait de s'écraser dans l'Océan Arctique, s'était retrouvé en cet endroit quelques mois plus tard... Encore sous l'effet de cette double découverte, Farina et Roger décident de suivre les indications données par Roald Amundsen pour tenter de trouver cette mystérieuse entrée.
Bien évidemment, le romancier fait ici un clin d'oeil au Voyage au centre de la Terre de Jules Verne, et du fameux parchemin codé écrit par Arne Saknussemm, parchemin qui conduira le professeur Lidenbrock et son neveu dans les profondeurs du globe terrestre.

Ainsi, après avoir trouvé la galerie les conduisant au seuil de ce nouveau monde - dont ils observent les premières traces sous formes de tunnels et longs couloirs aménagés sous une technologie qui leur semble au-delà de celle qu'ils connaissent - ils sont capturés par de grands robots qui les conduisent dans une sorte de métro. Ils sont ensuite transportés pendant un certain temps vers d'autres profondeurs, pour y découvrir une cité souterraine, qui d'après la vitesse estimée du moyen de locomotion qu'ils ont emprunté, et le temps qui s'est écoulé selon la perception qu'ils en ont eu, devait se trouver à quelques 500 kilomètres au dessous de la surface terrestre. Ils sont alors accueillit par quelques personnalités contrôlant une partie de ce monde, et leur donnant bien évidemment quelques explications quant à son existence et son fonctionnement. Ce dernier se révèle tout aussi divers que celui de la surface, mais avec ses propres caractéristiques. La lumière naturelle y est notamment remplacée par d'autres sources, influençant certains aspects de l'agriculture dont certains champs s'étendent sur des surfaces impressionnantes baignées justement d'un éclairage artificiel. Ils découvrent également des moyens de locomotions ayant des vitesses bien supérieures à ceux de la surface, et bien d'autres éléments d'une technologie dont ils ne peuvent, à chaque instant, qu'admettre l'avance sur le temps de celle ayant pour toit le ciel. Entre autre merveille se dévoilant à leurs yeux : quelques espèces animales vivantes ayant perduré depuis le Jurassique, de même qu'une forêt de champignons géants... mais ce n'est que dix jours après y avoir pénétré, qu'ils rencontrent le maître de ces lieux. Ainsi, après avoir pris connaissance du surprenant message de Roald Amundsen, une nouvelle surprise du même genre, et tout aussi extraordinaire, les attend. En effet, celui qui est à la tête de cet empire n'est autre que Nemo ! le capitaine Nemo ! Celui dont les aventures furent comptées par Jules Verne. Ils font de la sorte connaissance avec cet homme qu'ils croyaient être seulement de fiction, alors qu'il est bien vivant devant eux, centenaire, et maître de cet univers sous-terrain qu'il a créé après ses aventures verniennes. Il leur fait encore découvrir nombre de ses créations technologiques, comme ses robots effectuant toutes sortes de taches, ou encore son système de télécommunication hautement perfectionné.

Pendant ce temps, sur l'île où se trouve le chantier naval, les derniers préparatifs de mise à l'eau ont lieu. Bien évidemment, en l'absence de nouvelles, Pavel Holan est depuis tout ce temps très inquiet de la disparition de ses compagnons, mais il ne peut abandonner son expédition. Mais alors qu'il dirige la manœuvre d'une première plongée, un appel radio couvert par une voix inconnue se fait entendre. Le capitaine Nemo a décidé de soutenir le projet de Pavel Holan après que Arne Farina lui ait expliqué le pourquoi de leur présence en Mer de Weddell. Une certaine confiance s'est ainsi créée entre les deux hommes, malgré la méfiance de Nemo toujours en vigueur face à l'humanité. Cet appel surprit bien évidemment l'équipage du sous-marin, mais Arne Farina vint confirmer de sa propre voix qu'il était encore bien vivant, et qu'ils pouvaient avoir confiance en leur nouvel ami qui se proposait de les aider.

L'observation du nouveau monde souterrain fait alors place à celui de l'exploration sous-marine. Dans ce voyage où le submersible emprunte son nom à celui du Nautilus, le capitaine Nemo reste en contact radio avec Pavel Holan pour lui donner quelques instructions, et le conseiller entre autre sur la route à suivre. Reprenant le mythe de la cité engloutie au travers des écrits de Platon, tout comme Jules Verne l'avait fait, les recherches de l'Atlantide s'effectuent donc dans l'Océan Atlantique...
Ce périple aquatique est évidemment l'occasion d'une sortie en scaphandre, alors que des signes sur le sol sous-marin indiquent quelques traces de vestiges qui confirmeront l'existence de l'antique cité. La présence d'étranges créatures est également révélée peu avant que ne se clôt le premier volume...

Puis, le deuxième tome nous fait découvrir un peu plus encore les ruines de l'Atlantide prenant la forme d'un sphinx, ou de nombreuses autres sculptures, telle une statue de Némésis, la déesse grecque de la justice et de la vengeance. Pavel Holan et ses compagnons découvrent également les cadavres conservés d'un tyrannosaures et d'un tricératops - qui ne manqueront pas de les interroger quant à leur présence en un tel endroit - de même qu'un crâne étrange pouvant suggérer l'existence des cyclopes. Des machineries conçues avec une haute technologie font aussi parties de cette récolte de découvertes perdues au plus profond de l'océan. Quant aux Hydronautes occupant les lieux, cette espèce aquatique, qui semble avoir évolué en cette région, aurait des origines lunaires ; du moins, selon les hypothétiques conclusions émises par le capitaine Nemo à l'égard de la disparition du continent perdu, une partie du satellite ayant peut-être été responsable de l'engloutissement de l'Atlantide après une catastrophe entre les deux corps célestes étroitement liés...

Puis l'aventure sous-marine se poursuit vers le Groenland, plus précisément vers un avant poste de l'empire de Nemo, celui-ci étant toujours en contact avec ses nouvelles connaissances. Amundsen, toujours en vie, et s'occupant justement de cette base groenlandaise, les y attend. Le Nautilus emprunte alors quelques passages sous les ''vertes contrées'', faisant du Groenland, sous cette perspective, comme une sorte d'île flottante. Pendant cette balade, les occupants du submersible pourront apercevoir un mégatherium pris dans la glace, l'animal n'étant pourtant pas connu pour avoir vécu sous cette latitude arctique. Le sous-marin fait ensuite surface au coeur d'un lac se situant dans un cratère. Amundsen accueille alors l'équipage dans un espace de vie se présentant comme une oasis verdoyante, au coeur de cette île recouverte d'une calotte glaciaire.
Pour aller à l'encontre de la curiosité de ses invités, Amundsen reviendra sur l'épisode de sa vie qui a mis un terme à celle-ci pour le reste de l'humanité. Ainsi, on apprend que le Latham dans lequel il se trouvait s'était écrasé sur les côtes du Groenland. Ayant survécu seul à cet accident, il trouva ensuite un navire qui le ramena en Europe où il apprit sa propre disparition, et décida de ne pas faire savoir au monde ce qu'il en était réellement. Sans révéler sa véritable identité, il monta à bord d'un bateau à destination de Cape Town avec l'intention de retourner en Antarctique. Mais encore une fois le sort s'acharnait sur lui, car le navire, pris dans une tempête, fut abandonné par l'équipage. Resté seul à bord, il s'échoua sur une petit île, celle-là même où s'était installée l'expédition de Farina et Holan. Il découvrit ensuite l'empire de Nemo, et en accord avec ce dernier, il obtient d'en diriger la station groenlandaise...

Comme quelques années plus tôt Amundsen l'avait emprunté pour se déplacer de l'Antarctique au Groenland, Arne Farina - qui était resté depuis tout ce temps près du capitaine Nemo - arriva à l'aide d'un avion ultra-rapide à la station Amundsen. Il apportait une bien mauvaise nouvelle que confirmera le capitaine par écrans interposés, nouvelle concernant le maintien de la paix mondiale, cette dernière étant fort menacée...



A propos de cette œuvre

J. M. Troska (Jan Matzal Troska, 1881-1961), l'auteur tchécoslovaque de cette trilogie, fut diplômé de l'école du commerce, et travailla entre autre pour l'entreprise des automobiles Skoda à Mladá Boleslav, dirigea des travaux d'ingénierie en Serbie, puis fut expert-comptable dans des usines. Il commença à écrire au début des années 30, alors qu'il avait atteint sa cinquantième année. Son nom d'écrivain qu'il choisit alors - Troska - signifie en tchèque ''ruine'', ce qui soulignait son état de santé devenue, après la Première Guerre mondiale, encore un peu plus fragile (il souffrait depuis son enfance de la maladie de Ménière). De par une certaine image de ses écrits, il fut appelé alors en son pays le Jules Verne tchécoslovaque, mais son oeuvre est toutefois beaucoup moins dense et prolifique que celle de l'auteur français. De même, les aventures qu'il créait étaient souvent très éloignées du réalisme scientifique si cher à Jules Verne. Cependant, même si ses romans se maintiennent dans une science fiction populaire de l'aventure et de l'extraordinaire, ils adoptent aussi divers sujets de la littérature de science fiction moderne, tels ceux de ses plus fameux représentant d'alors, comme les récits des magazines Amazing Stories et ''Astounding Stories'', ou des auteurs tchèques comme Karel Čapek (1890-1938). A l'égard de ce dernier, et plus particulièrement de son frère - Josef Čapek - qui en subira les terribles conséquences en camp de concentration, on soulignera que les romans de J. M. Troska furent écrits alors que son pays se désagrégeait sous l'impulsion de l'Allemagne, qui finira par l'envahir en mars 1939 (le tourbillon de mars). Bien que le premier roman du Kapitán Nemo n'évoque pas la situation d'alors, il introduit toutefois, sans trop les développer, des personnages allemands aux rôles négatifs, notamment dès l'introduction du premier volume où une usine est mise aux enchères, soulignant par ce passage, l'appropriation des richesses tchécoslovaques par l'Allemagne. Dans le troisième volume, le conflit mondial sera mis au premier plan, le Kapitán Nemo y prenant part avec une puissante armée de robots qu'il avait conçu dans l'éventualité d'une telle catastrophe. Ainsi, la réalité historique s'insinuait alors dans cette création, apportant au personnage de Jules Verne une autre dimension, celui-ci s'interrogeant, bien plus que dans les volumes précédents, sur sa place dans le monde, et son rôle qu'il avait à y jouer...

En matière de contenu et de forme, la qualité littéraire des romans de J. M. Troska était assez peu étoffée, et la psychologie de ses personnages très succinctement développée. Le récit tenait en une suite d'évènements qui se devaient de maintenir le lecteur dans un certain rythme, offrant toutefois, comme pour cette trilogie, des descriptions techniques ou scientifiques s'étalant quelque peu à la manière de Jules Verne, sans pour autant en avoir la richesse. De même, certaines situations y étaient exposées de manière très simplistes, avec parfois même des passages ou des dialogues sans réels intérêts. On peut attribuer une certaine légèreté des premiers textes de J. M. Troska, au fait que ceux-ci paraissaient en feuilleton - donc se devaient d'être soumis à un certain format - dans l'un des plus célèbres magazines pour la jeunesse d'alors, le Mladý Hlasatel (1935-1941), journal mettant en avant les valeurs positives et humaines du scoutisme ; mais cela devait être également, dans une certaine mesure, un choix d'auteur.

Les trois ouvrages de la trilogie du Kapitán Nemo seront édités en 1939. Toutefois, même s'il n'en faisait pas partie, un précédent roman que J. M. Troska écrivit en 1936 - Vládce mořských hlubin / Le gouverneur des profondeurs (paru dans la revue Mladý Hlasatel en 1936-1937) - plongeait déjà dans l'univers des fonds océaniques, cela avec quelques remous verniens. Il était justement comme un préambule du premier tome de Kapitán Nemo, puisque l'un des personnages principaux de ce dernier y était mis en scène : ainsi quelques mois après la Première Guerre mondiale, on y découvrait un jeune Pavel Holan, ses études terminées, tentant de concevoir une sphère sous-marine proche du futur bathyscaphe, mais encore reliée au navire, comme les premiers modules des frères Williamson. Pour ce faire, il comptait utiliser le matériau sur lequel son père, un chimiste, avait œuvré dans le plus grand secret, ce qui toutefois, ne manquera pas d'attirer quelques convoitises (un espion au nom allemand sera démasqué vers la fin du roman). La France jouera un rôle important dans cette aventure, le jeune technicien faisant une demande auprès des ministères concernés, afin de l'aider à concevoir son projet essentiellement dans le but des explorations scientifiques, et non à des fins militaires, ce qui lui sera accordé. La mise en chantier se déroulera à Marseille, et la sphère sera transportée par le Cuirassé Neptune sous les ordres du commandant Léon de Fabre.
Ce choix géographique s'explique bien évidemment de par la nationalité de Jules Verne envers lequel l'auteur tchèque s'inspirait. Mais il peut être également attribué par le fait que la France occupa un rôle important pour la Tchécoslovaquie, quand celle-ci se constitua comme telle en 1918, puisque le 26 septembre de cette année-là, son gouvernement provisoire fut constitué à Paris, et qu'en amont, la France l'avait soutenu pendant la Grande Guerre.
Les profondeurs de la Méditerranée seront alors explorées donnant lieu à des observations sur le milieu vivant, ainsi qu'à des découvertes archéologiques. Puis, passée par le Canal de Suez et la Mer Rouge, l'expédition se poursuivra dans l'Océan Indien jusqu'aux Philippines, où le navire accostera au port de Bagunga (Baganga), sur la côte Est de l'île Mindanao. De nouvelles explorations et aventures sous-marines auront lieu en cette géographie choisie notamment pour ses fosses les plus abyssales de la planisphère. Lors d'une sortie, une catastrophe naturelle se produira dans les fonds marins remués par un tremblement de terre. Sous les chocs, la sphère occupée par Pavel Holan se détachera du navire pour se perdre dans les profondeurs, et se retrouver un peu plus tard au sommet d'un cratère, sur une petite île, plus au Nord, vers Masbate. Pavel Holan jouera alors les Robinsons et réfléchira au inconvénient de sa sphère, tout en repensant au fameux Nautilus créé par Jules Verne... peu de temps après, dans un état d'extrême fatigue, il sera retrouvé par le Neptune et son équipage.
Cette première aventure restée longtemps non rééditée, au contraire de la trilogie elle-même, à toutefois refait surface, en 2005, dans un ouvrage rassemblant enfin les quatre romans (Editions Saga, 2005). On notera encore pour le compagnon d'aventure de Pavel Holan dans Kapitán Nemo - Arne Farina (Arnošt Farm) - qu'il avait fait lui aussi son apparition dans un précédent roman qui suivait celui conté précédemment : Paprsky života a smrti / Les rayons de vie et de mort (reposant sur l'invention d'un rayon laser de Farina, paru dans la revue Mladý hlasatel en 1937-1938, et révisé en 1941 - Pistole míru - avec des changements incluant les évènements qui bouleversaient alors l'Europe). Le passé de ces deux personnages, dans ces précédents ouvrages, seront légèrement et fort justement évoqués - notamment leur rencontre - dans les premières lignes de la trilogie. A celle-ci, une autre suivra - Zápas s nebem / Luttes dans les cieux -, où on retrouvera dans une certaine mesure ces protagonistes, ainsi que le capitaine Nemo, dans une aventure lunaire (faisant référence à celle de Wells, et reliant la précédente trilogie à celle-ci avec des descendants de l'Atlantide vivant sur le satellite) et martienne pour le 1er tome, puis vénusienne et mercurienne dans les suivants. On y découvre ainsi un Système solaire aux multiples mondes habités. Pour un tel voyage spatial digne des space-opéra d'alors, un Aeronautilus sera utilisé. Ainsi, un sous-marin - s'apparentant ici à une sonde spatiale au nom évocateur - fit irruption dans l'espace quelques 35 années avant qu'un cuirassé notamment, en fit autant, à savoir le Yamato, avec la série d'animation Uchû Senkan Yamato (1974, de Leiji Matsumoto et Yoshinobu Nishizaki). On notera toutefois que dans le film de Georges Méliès Le voyage à travers l'impossible, le train traversant l'espace, transportait déjà en son chargement, le submersible avec lequel l'histoire se concluait. Le dernier arc de cet univers Planeta Leon pourrait ne pas en être inclus, mais dans le second volume le composant, un personnage issu de la trilogie précédente y joue également un rôle.

Cette saga au sein de l'œuvre de Troska peut être présentée de la sorte :

Volume 0.1 - Vládce mořských hlubin / Le gouverneur des profondeurs (1936)
Volume 0.2 - Paprsky života a smrti / Les rayons de la vie et de la mort (1938)
Volume 1.1 - Kapitán Nemo - Nemova říše / L'empire de Nemo (1939)
Volume 1.2 - Kapitán Nemo - Rozkazy z éteru / Les commandes de l'éther (1939)
Volume 1.3 - Kapitán Nemo - Neviditelná armáda / L'armada invisible (1939)
Volume 2.1 - Zápas s nebem - Smrtonoš / Smrtonoš (1940)
Volume 2.2 - Zápas s nebem - Podobni bohum / Dieu semblable (1940)
Volume 2.3 - Zápas s nebem - Metla nebes / Le fléau du ciel (1941)
Volume 3.1 - Planeta Leon - 1 (1943)
Volume 3.2 - Planeta Leon - 2 (1944)

Parmi encore la bibliographie de J. M. Troska, on notera la présence d'un roman dont le titre ne peut qu'évoquer Jules Verne : Záhadný ostrov / L'île mystérieuse ou L'île énigmatique (1941). Malgré cela, l'ouvrage n'a aucun rapport avec celui de l'écrivain des Voyages extraordinaires. En effet, l'aventure, saupoudrée de quelques éléments fantastiques, se déroule dans un cadre qui se veut exotique dans l'imagerie occidentale : les îles Fidji, à l'Est de l'Australie, dans le Pacifique (lieu qui fut évoqué par Jules Verne, notamment au travers d'une autre île, flottante celle-là, L'île à hélice). Il y sera exposé les rapports entre les hommes originaires de ces îles, et ceux qui les ont colonisé. La recherche d'un diamant viendra également s'adjoindre à l'aventure, ainsi qu'un reptile géant dont l'espèce vivait à l'air Paléozoïque. Cette créature y sera présentée comme une divinité fidjienne, gardienne du diamant.

Bien qu'elle appartienne à une littérature assez peu estimée des littéraires, il serait intéressant d'étudier l'œuvre de J. M. Troska dans les différents aspects de sa création, notamment par rapport aux connaissances scientifiques, voire géographiques, de ce romancier. De même, une grande partie de ses livres furent écrits pendant la Seconde Guerre mondiale, et une analyse plus approfondie pourrait peut-être aider à replacer ses ouvrages dans leur contexte historique, ainsi qu'à y souligner avec plus de pertinences les liens qu'ils entretiennent avec l'œuvre vernienne. Mais à notre connaissance, les romans de J. M. Troska n'ayant pas connu une quelconque traduction en langue anglaise ou française, l'exercice n'en sera que plus difficile dans un cadre hexagonale. Du moins, ces quelques lignes, en cette page, auront tenté très légèrement de les évoquer...


Les illustrations

Les couvertures des premières éditions de la trilogie Kapitán Nemo furent illustrées par Zdeněk Burian (1905-1981), tout comme une grande partie des ouvrages de Troska. Cet artiste peintre est, pour le lecteur tchèque, évocateur de nombreux autres romans d'aventures dont il a signé également la couverture et les peintures internes, tels ceux de Jack London, Alexandre Dumas, Robert Louis Stevenson, James Fenimore Cooper, Rudyard Kipling, Edgar Rice Burroughs, James Oliver Curwood, Karl May, Jaroslav Foglar, ou encore Max Brand. Au travers de ces illustres noms, nombreuses seront les représentations des peuples Indiens, de même que de l'Amérique, et d'une certaine idéalisation de ses héros, comme au travers de ses magnifiques dessins à la plume sur Tarzan (il fit quelques travaux pour ce personnage dès ses 15 ans). Cette imagerie ainsi mise en lumière depuis quelques années - plus éloquente de par son aspect directement visuel que les textes en eux-mêmes -, aurait pu avoir quelques incidences sur sa carrière au moment où le communisme s'empara de son pays en 1948, s'il n'avait pas alors connu une certaine popularité depuis ses débuts.
Il a ainsi fait de même pour de nombreux Voyages extraordinaires de Jules Verne traduits en Tchécoslovaquie, associant sur plusieurs décennies - de 1928 à 1966 / de ses 23 ans à ses 61 ans (la seconde moitié de cette période étant davantage le fait de nombreuses rééditions) - son nom à celui de l'écrivain français, dont parmi quelques titres qu'il illustra : Do středu Země / Voyage au centre de la Terre, Dobrodružství kapitána Hatterasa / Voyage et aventure du capitaine Hatteras, Nový hrabě Monte Christo / Mathias Sandorf, Patnáctiletý kapitán / Un capitaine de 15 ans, Zemí šelem / La maison à vapeur, Hvězda Jihu / L'étoile du Sud, ou encore et bien évidemment parmi les plus populaires Dvacet tisíc mil pod mořem / Vingt mille lieues sous les mers et Tajuplný ostrov / L'île mystérieuse.
Il devint ensuite célèbre dans le monde entier grâce à ses travaux d'ordre scientifique reproduisant les mondes préhistoriques, cela dans de nombreux ouvrages ayant traversé les frontières de son pays, tels ceux du Dr Josef Augusta (dans une moindre mesure, il a illustré des récits pour la jeunesse d'Eduard Štorch mettant en perspective la vie des hommes préhistoriques). S'il est à cet égard connu dans l'hexagone grâce à la traduction de ces livres, ses travaux auront illustré également diverses publications françaises traitant des dinosaures et de la préhistoire, cela jusqu'aux environ des années 80. Bien que certaines les représentations qu'il a mis en scène ne conviennent plus avec exactitude à diverses découvertes et analyses qui ont suivi, ses paysages des périodes très lointaines ont néanmoins conservé un certain charme qu'il leur avait insufflé ; car quoique travaillant en étroite relation avec les spécialistes scientifiques, le caractère de ses peintures reste imprégné d'une atmosphère poétique qui lui était propre. Imprégnées est également le terme qui convient aux couleurs qu'il apposait sur ces animaux, ceux-ci étant toujours en étroite relation avec leur environnement végétal et terreux. Ainsi, s'il a marqué l'art de l'illustration, c'est notamment par l'apparente simplicité de sa marque graphique mêlée à une sincère affection pour les sujets qu'il représentait, apposant de la sorte un degré de romantisme et de naturalisme réprouvé par quelques critiques de l'art, mais dont l'attrait était indéniable. De grands artistes se sont inspirés de ses ouvrages, tel son compatriote Karel Zeman qui - tout en étant conseillé par Josef Augusta - utilisa les dessins de dinosaures de Burian pour donner forme à ses modèles pour son film Cesta do pravěku / Voyage dans la préhistoire, cela tout comme l'avait fait Ray Harryhaussen, maître du stop motion, s'inspirant des œuvres d'un autre grand peintre de la préhistoire - Charles R. Knight (1874-1953) - dont les travaux marquèrent également Zdeněk Burian [nous évoquons de même Karel Zeman pour ses œuvres verniennes : Une invention diabolique et Le dirigeable volé]. Le regretté Stephen Jay Gould avait de chaleureux sentiments à l'égard de ces artistes mêlant représentations scientifiques et arts, insufflant à la paléontologie, une certaine valeur sentimentale (pour les noms déjà évoqués en cette page, on notera que J. M. Troska, Karel Čapek, Karel Zeman, Stephen Jay Gould, et Zdeněk Burian auront chacun leur nom apposé sur un astéroïde, chose que l'on a pas encore attribué à Jules Verne, ce dernier ayant tout de même un cratère lunaire lui rendant hommage).
De nombreux artistes actuels ne cachent pas leur admiration face aux travaux de Zdeněk Burian, tel le paléontographiste français Alain Bénéteau, l'espagnol Mauricio Antón, l'italien Fabio Pastori, ou l'américain Mark Hallett, de même que le bédéiste et illustrateur allemand Jens Harder qui s'en inspire pleinement dans son documentaire séquentiel Alpha, directions (Actes Sud - l'An 2, 2008). On peut deviner également une certaine influence de Burian sur d'autres bédéistes, tel Jacques Tardi (que nous avons évoqué pour Le démon des glaces) qui semble y avoir puisé quelque inspiration pour ses propres représentations d'animaux préhistoriques dans Adèle Blanc-Sec, notamment sur le stégosaure en page 20 du premier album Adèle et la bête particulièrement proche de l'une des toiles de l'artiste, de même que pour la page suivante - toujours dans le rêve de Zborowsky - où l'on trouve quelques accointances morphologiques propres aux représentations de Burian. Parmi encore d'autres de ses successeurs, Josef Moravec (malgré un nom analogue, il ne semble pas qu'il ait un quelconque lien de parenté avec l'un des éditeurs de Kapitán Nemo) a dès son plus jeune âge été sous l'emprise des toiles de Zdeněk Burian, et il est depuis devenu un peintre spécialisé dans la représentation des animaux préhistoriques, tout comme son homologue Jan Sovák.

Le centenaire de la naissance de Zdeněk Burian fut fêté en 2005, l'anniversaire de la mort de Jules Verne lui faisant écho quelque cinq semaines plus tard. Pour admirer une grande partie de son oeuvre, voici un site qui lui rend pleinement hommage : ZDENěK BURIAN > O malíři, ainsi que la page correspondante proposant les couvertures des romans de Jules Verne illustrées par ses soins ZDENěK BURIAN > O malíři. A visiter également impérativement, la page du Muzeum Zdeněk Burian – Štramberk, site officiel montrant plus en détail les ouvrages de Jules Verne dont l'artiste illustra les couvertures entre 1928 et 1966, et signa également, pour nombre d'entre eux, les gouaches internes.

En ce début de 21ème siècle (du moins à l'heure de cet article...), les illustrations de Zdeněk Burian sont toujours bien présentes dans les esprits, et accompagnent encore quelques rééditions de romans, dont ceux de Jules Verne. A cet effet, Ondřej Neff, à qui l'on doit un nouveau récit pour quelques Voyages extraordinaires, a ainsi illustré ses ouvrages écrits en 2008 et 2009 avec les peintures que l'artiste avait réalisées d'antan : Dvacet tisíc mil pod mořem / Vingt mille lieues sous les mers et Tajuplný ostrov / L'île mystérieuse.

Quant à Jiří Wowk, dessinateur des illustrations accompagnant le texte de la trilogie Kapitán Nemo, il fit de même pour les autres ouvrages de Troska. Il œuvra également à cet exercice pour bien d'autres romans de la littérature classique considérée pour la jeunesse. Il fera encore par ailleurs des dessins pour plusieurs ouvrages dont la couverture était le fait de Zdeněk Burian, notamment des recueils de nouvelles de Tarzan de Edgar Rice Burroughs.

On soulignera encore que cette trilogie connue une adaptation en bande dessinée en 1969-1970, en parallèle de la publication de la 4ème édition des romans. Elle fut dessinée par Miloš Novák (1909-1988), autre illustrateur de talent, qui avait justement signé les couvertures de Kapitán Nemo pour la précédente édition publiée en 1947-1948.

Jacques Romero, 04/2010

Image de présentation de l'article, et images 1 et 2 de la galerie : Zdeněk Burian (couvertures, 1939-1941)
Images 3 et 4 de la galerie : Miloš Novák (couvertures, 1947-1948)


Galerie

Kapitán Nemo (Jan Matzal Troska, 1939) Kapitán Nemo (Jan Matzal Troska, 1939) Kapitán Nemo (Jan Matzal Troska, 1939) Kapitán Nemo (Jan Matzal Troska, 1939)

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