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A propos de cette œuvreAu milieu des années 70, alors que Miyazaki Hayao (futur créateur de Totoro, Porco Rosso, ou encore Chihiro) travaille activement pour Nippon Animation, avec notamment le succès de Heidi sur l'année 1974, la Tôhô, qui ne produisait pas de dessins animés, fait appel à ses services pour créer d'éventuels projets dans le cadre de séries télévisées d'animation. Ce studio venait précédemment de distribuer au cinéma Panda Kopanda (1972) et Panda Kopanda Amefuri Sâkasu no Maki (1973), deux oeuvres d'animation réalisées par Takahata Isao et conçues par Miyazaki Hayao. Il écrira ainsi un synopsis titré approximativement Autour du monde sous les mers qui ne dépassera pas l'étape du script. Le sujet contait les aventures de deux jeunes orphelins frère et soeur qui, poursuivis par une organisation malfaisante voulant s'approprier un mystérieux médaillon en leur possession, rencontreront sur leur chemin le capitaine Nemo. Celui-ci leur viendra en aide et les prendra à bord du Nautilus. La mise en forme de cette histoire n'ayant pas eu lieu, la Tôhô conserva tout de même les droits dans l'éventualité d'exploiter ce texte ultérieurement. Quant à Miyazaki, il réutilisera quelques idées issues des grandes lignes de cet écrit dans la série Conan le fils du futur (1978) qu'il réalisera peu après pour la NHK, ainsi que sur le long-métrage Laputa, le château dans le ciel (1986). Deux oeuvres où Miyazaki puisera également quelques inspirations dans l'univers vernien. On ajoutera que pour le cas de Conan le fils du futur, il s'agissait de l'adaptation d'un roman de science fiction pour la jeunesse d'Alexander Key, écrivain né quelques mois avant la mort de Jules Verne, et dont le studio Disney venait en 1975 d'adapter en long-métrage le roman Escape to Witch Mountain (La montagne ensorcelée, John Hough). Ce film, quelque peu maladroit, mettait également en scène deux jeunes orphelins, frère et soeur, possédant une mystérieuse boîte à étoiles qui leur permettra de retrouver leurs origines, et étant poursuivis par un individu voulant se servir des pouvoirs parapsychiques qu'ils possédaient. Les deux jeunes enfants seront aidés dans leur quête par un homme qui, s'il n'a pas de rapport direct avec le personnage de Nemo, a laissé toutefois son passé le rendre quelque peu aigris. Veuf, il traverse en solitaire les Etats-Unis à bord de son camping-car Winnebago dans lequel il va accompagner les enfants dans leur aventure, et les aider à contrecarrer les desseins de leurs poursuivants.On notera que le titre de ce projet faisait écho, mais sans s'y rapporter, au titre du film américain Around the World Under the Sea réalisé en 1966 par Andrew Marton (Les mines du roi Salomon, Crack in the world). Celui-ci n'était pas une adaptation des aventures sous-marines de Jules Verne, mais s'inspirait du milieu aquatique et de son imagerie. A cet effet justement, il nous faut souligner que Miyazaki n'avait peut-être pas encore défini une appellation précise pour les quelques mots qui composaient cet embryon de série. Ainsi le titre que nous utilisons ici Kaitei Sekai Isshû (Autour du monde sous les mers) est à prendre avec une certaine distance, d'autant plus que quelques sources informatives lui ajoutent les 80 jours du tour du monde. Il en est de même pour la date que nous indiquons, celle-ci étant une supposition se basant toutefois sur de nombreuses supputations à partir des éléments informatifs qui y sont liés. Le contexte Tôhô "graphique"La Tôhô, alors âgée de quatre décennies, était très connue à cette époque pour sa production de films de monstres, les fameux kaiju eiga dont le premier représentant fut Godzilla en 1954. Son réalisateur Honda Ishirô mettra en scène une pléiade de films de ce genre pour ce studio. A cet effet, l'une des particularités de cette compagnie fut la production de films utilisant moult effets spéciaux comme ceux de Tsuburaya Eiji, notamment pour de nombreux films de guerre. Parmi les plus illustres metteurs en scène qui officieront au sein de cette structure, on peut citer quelques figures des plus imposantes du cinéma mondial comme Naruse Mikio, Ichikawa Kon, ou Kurosawa Akira. Ce dernier était déjà présent à la P.C.L., studio créé en 1932 et qui en 1936 donnera naissance à la Tôhô. La compagnie enfanta également de grandes séries de films comme parmi les plus connues en Occident, Zatoichi ou Baby Cart.Durant les années 60 et 70, la Tôhô était présente sur le petit écran par l'intermédiaire de séries en prises de vues réelles comme les tokusatsu avec Ultraman ou Kamen Rider, mais elle ne produisait pas encore de séries d'animation. C'est au cours de ces années-là que le studio commencera à produire et distribuer des long-métrages issus de séries télévisées d'animation, avec dans les années 60 Jungle Taitei (Léo roi de la jungle) ou les films de Kyôjin no Hoshi (L'étoile des Giants), puis pour les années 70 Attack n°1 (Les attaquantes) ou Lupin the third alias Edgar de la cambriole (à partir de 1978 avec Le Secret de Mamô, quatre ans après que Tôhô eut distribué le film en prise de vue réelle adaptant librement ce Lupin troisième du nom), ainsi que Doraemon à partir de 1980, ou plus récemment Pokemon et Naruto. Il en sera de même pour les films dirigés par Miyazaki Hayao à partir de 1979 avec Le Château de Cagliostro. Les années 80 verront tout de même ce studio produire quelques séries d'animation, dont parmi les plus connues Belle et Sébastien (1981), Touch (1985), Une vie nouvelle (1987) Max et Cie (Kimagure Orange Road, 1987) et Nadia et le secret de l'eau bleue (1990). A l'égard de cette dernière, après avoir produit le film Les ailes d'Honneamise (1987) du tout jeune studio de la Gainax qui travaillait alors sur Gunbuster, la Tôhô proposa à celui-ci plusieurs projets dans l'optique de lui confier la réalisation d'une série télévisée pour la chaîne NHK. Parmi ceux-ci figurait le synopsis de Miyazaki écrit la décennie précédente. Il sera remarqué et apprécié entre autre par Anno Hideaki qui décidera de le choisir. Si la Gainax pris pour base l'idée générale émise par Miyazaki, le studio créa une série qui lui était propre. Ainsi Autour du monde sous les mers devint Nadia et le secret de l'eau bleu, oeuvre qui puisera également et par la même son inspiration dans Conan le fils du futur et Laputa le château dans le ciel. En prenant également en compte le contexte de l'époque, on pourrait émettre quelques hypothèses qui ne sont que de simples conjectures pouvant être vues sans rapport direct. Ainsi la Tôhô a peut-être suggéré une histoire de sous-marin à Miyazaki, suite à la première diffusion au succès mitigé de la série Uchû Senkan Yamato (Yamato le cuirassé de l'espace, 1974) où le véritable cuirassé Yamato, qui fut coulé en avril 1945, est restauré pour combattre un ennemi extra-terrestre. Le sous-marin étant en premier lieu un bâtiment militaire comme le cuirassé, une certaine filiation d'idées pouvait être utilisée. La Tôhô voulait peut-être également retrouver un peu de ses productions cinématographiques comme le film Kaitei Gunkan / Atragon réalisé en 1963, et où Honda Ishirô mettait en scène un sous-marin pouvant également s'élever dans les airs ou s'enfoncer dans les terres. Il s'agissait pour ce film d'une libre adaptation du roman Kaitei Gunkan (Le navire de guerre sous-marin) écrit en 1900 par Oshikawa Shunrô (1876-1914). Cette oeuvre, qui venait justement d'être rééditée au début des années 70, avait de nombreux parallèles avec le Vingt mille lieues sous les mers de Jules Verne (consulter à cet effet l'article que nous lui consacrons). Peut-être que Miyazaki avait eu l'occasion de lire ce grand classique de la science-fiction japonaise, ou d'en voir son adaptation cinématographique dix ans plus tôt. On notera qu'il inspira lui aussi la Gainax qui le fit apparaître dès ses débuts dans son Deacon IV, mais cela n'est en rien révélateur, ce petit film présentant en peu de temps un grand nombre de références visuelles que le petit et le grand écran d'alors avaient créé. Miyazaki avait-il lu également le récit sous-marin du russe Grigory Adamov écrit en 1938 et traduit au Japon en 1956, quand fut réalisée quelques mois plus tôt son adaptation cinématographique, où un jeune enfant est secouru par un sous-marin ? La Tôhô développa encore ce genre d'univers avec pour exemple la série Mighty Jack (1968) qui mettait en scène à nouveau un engin alliant les caractéristiques d'un cuirassé à celles d'un sous-marin pouvant également voler, et mêlant comme l'aventure russe l'espionnage à son récit, ou encore le film Latitude Zero (1969, considéré comme un second Atragon) réalisé à nouveau par Honda Ishirô, avec Joseph Cotten et César Romero. Bien évidemment tout cela ne reste que de simples réflexions qui, même si elles se situent un peu dans les mêmes eaux, sont dans l'ensemble fort éloignées du script de Miyazaki. Il s'agissait seulement dans ces dernières notes de griffonner maladroitement une géographie du moment qui aurait pu non pas influencée le futur co-créateur du Studio Ghibli, mais être quelque peu nourricière. Miyazaki Hayao et Jules VerneLors de quelques entretiens, Miyazaki Hayao a cité l'oeuvre de Jules Verne comme l'une de ses lectures d'enfance qu'il a beaucoup apprécié, et dont il s'est inspiré à quelques occasions pour ses travaux. Ainsi, tout au long de son évolution, l'oeuvre miyazakienne présentera quelques références verniennes plus ou moins prononcées. Pour exemple, on peut citer l'utilisation du nom de l'Albatros pour l'engin volant mis en avant dans le 145ème épisode de la deuxième série Lupin III titré Shi no Tsubasa Albatros (L'Albatros, les ailes de la mort). Celui-ci emprunte sans nul doute sa dénomination à l'Albatros des romans Robur le conquérant et Maître du monde. Plus évident, pendant le générique de Laputa, le château dans le ciel défilaient sous nos yeux un grand nombre de machines volantes matinées de la vision du 19ème siècle, mais aussi d'un Leonardo da Vinci, ou encore d'un Albert Robida. L'une d'entre elles était fort proche de l'Albatros de Robur. On retrouvera des machines volantes du même genre dans Le château ambulant avec toutefois une influence peut-être un peu plus prononcée envers Albert Robida.Laputa, le château dans le ciel soulignait également la fierté des mineurs que Miyazaki a voulu mettre en avant suite à l'un de ses voyages de repérage au Pays de Galles. Cela rappelle également l'honnête fierté de ces hommes soulignée par Jules Verne dans Les Indes Noires se déroulant dans un autre pays du Royaume-Uni, l'Ecosse. On pouvait déjà voir un petit clin d'oeil envers ces travailleurs dans l'épisode La disparition des pièces d'or que Miyazaki réalisa en 1982 pour la série Sherlock Holmes. Dans cette même série, l'esprit de Jules Verne soufflera sur quelques autres aventures qu'il signera. On notera également pour cette dernière une autre influence en la présence de l'engin volant du professeur Moriarty, engin ayant la forme d'un ptérodactyle. Celui-ci nous faisant de suite penser au ptérodactyle que Moebius avait mis en scène quelques années plus tôt en 1975-76 dans sa bande dessinée Arzach, puis que l'on retrouvera quelque peu à partir de 1981 dans L'Incal. Miyazaki étant un admirateur de l'oeuvre giraudienne et inversement, il est fort probable que cela soit un clin d'oeil à celle-ci comme il le fera légèrement dans Nausicaä de la vallée du vent. On soulignera également que l'univers sous-marin était quelque peu apprécié dans les scénarii d'alors. En 1969, Miyazaki participa à la conception du film d'animation Sora Tobu Yûreisen (Le vaisseau fantôme volant) d'après un manga de Ishinomori Shôtarô, où le jeune héros sera confronté entre autre à un robot géant ou à des crabes mécaniques. Il sera secouru par un mystérieux navire des airs évoquant quelque peu le Hollandais Volant, et dont le bâtiment fera également office de sous-marin. Ce dernier se verra aussi confronté à une pieuvre gigantesque. La même année, quelques mois plus tôt, Tezuka Osamu emmenait également les téléspectateurs dans le milieu marin avec Till a City Beneath the Sea Is Built. En 1970, c'était à nouveau au tour de Tamiya Takeshi de plonger au fond des mers avec Kaitei Sanman Miles / 30 000 lieues sous les mers (ce film connu une version française également sous le titre Bulles sous les mers). L'histoire originale, adaptant une nouvelle fois un manga de Ishinomori Shôtarô, empruntait surtout un aspect vernien de part son titre, mais offrait tout de même quelques ballets aquatiques soulignant les merveilles du monde sous-marin. Ce film apparaît sur quelques listes filmographiques de Jules Verne alors qu'il n'en est aucunement une adaptation. Il s'inscrit même dans un genre très usité alors, celui des civilisations cachées ou perdues comme pour les films Kaitei Gunkan (1963), et la même année que ce dernier Godzilla contre Mothra dont ils se partageaient les danses, ou encore un autre volet filmique du monstre Godzilla contre Megalon (1973). De l'autre coté du globe, l'Atlantide était alors à la mode, et l'on pouvait voir notamment dans City under the sea (1965), Jacques Tourneur mettre en scène une civilisation disparue avec à sa tête un mystérieux capitaine campé par Vincent Price. On peut encore ajouter que peu avant que Miyazaki imagine le synopsis Autour du monde sous les mers, Hara Toru, un de ses amis ayant créé le studio Topcraft en 1972 et précédemment producteur pour Tôei, produisait avec le studio américain Rankin & Bass une version plus classique de Vingt mille lieues sous les mers. Hara Toru et Miyazaki Hayao avait déjà oeuvré ensemble sur Hols prince du soleil (1968) et les séries Himitsu no Akko-chan (1969-70) et Sarutobi Ec-chan (1971-72). Ils se retrouvèrent en 1984, quand Miyazaki choisit le studio Topcraft pour produire Nausicaa de la vallée du vent. Studio qui ferma quelque temps plus tard et vit naître une nouvelle structure avec le studio Ghibli créé par Miyazaki et Takahata, et dont Hara se retrouvait président... Jacques Romero, 08/2007
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