roman

Voyages très extraordinaires de Saturnin Farandoul [dans les 5 ou 6 parties du monde et dans tous les pays connus et même inconnus de M. Jules Verne] (Albert Robida, 1879)


Voyages très extraordinaires de Saturnin Farandoul [dans les 5 ou 6 parties du monde et dans tous les pays connus et même inconnus de M. Jules Verne] (Albert Robida, 1879)
titre original :Voyages très extraordinaires de Saturnin Farandoul [dans les 5 ou 6 parties du monde et dans tous les pays connus et même inconnus de M. Jules Verne]
type :roman, 808 pages
année :1879
pays :France
auteur :Albert Robida
illustrations :Albert Robida
éditeur :Maurice Dreyfous
éditions :Librairie Illustrée


L'histoire

Comme le titre l'indique, le héros de cette histoire se nomme Saturnin Farandoul. Sa première grande aventure ce déroulera alors qu'il avait l'âge honorable de 4 mois ! En effet, le navire, sur lequel il était avec ses parents, sombra en pleine mer. Il fut le seul rescapé de ce naufrage, et atteignit dans son berceau, les rives d'une terre située dans l'Archipel Tonga. Une famille d'orang-outang, proche de celle des pongos, le recueillit et l'éleva comme l'un des leurs.
Après quelques années, Saturnin Farandoul, jeune enfant, se rend compte qu'il est différent des autres singes. Non pas qu'il pense ne pas faire parti de cette famille, mais il a un handicap, il ne peut grimper aux arbres, et de queue, que les singes possèdent, et qui permet d'aller de branche en branche, il n'en a pas. Pour ne pas peiner ses parents de cette différence, parce que cela l'afflige également, il décide de partir. Il embarque sur le tronc d'un cocotier qui flotte à la mer et s'éloigne du rivage.

Heureux hasard, le premier d'une très longue liste, le roman jouant beaucoup sur la providence, il sera aperçu par l'équipage de la Belle Léocadie commandé par le capitaine Lastic. Celui-ci découvre sur le jeune enfant, son acte de naissance qui ne l'avait jamais quitté, et qui lui révèle que ce jeune garçon sauvage est le fils de son ami, le capitaine Barnabé Farandoul perdu en mer il y a onze ans et demie. Il décide de suite de l'adopté et de lui apporter l'éducation humaine qui lui fait défaut.
L'une des premières grandes aventures de Saturnin Farandoul, jeune adulte, verra son père adoptif périr face à des pirates maltais qui ont capturé l'équipage de la Belle Léocadie. Grâce au courage du jeune homme, les hommes du capitaine Lastic retrouveront leur liberté, et resteront fidèles à Saturnin qui devint alors leur nouveau capitaine. Le roman sera ainsi fait, en partie, d'une succession d'emprisonnements, d'évasions, de courses poursuites et divers conflits pour Saturnin Farandoul et ses marins. Cela, parfois généré par eux même, l'auteur soulignant au passage un certain égoïsme de la part de ses personnages.

Voyages très extraordinaires de Saturnin Farandoul Une nouvelle fois, Saturnin Farandoul et son équipage rencontreront les pirates maltais commandés par leur chef, Bora Bora. A bord de la Belle Léocadie, ils découvriront et se réfugieront sur une île non indiquée sur les cartes, une île bien évidemment mystérieuse !
Repliés sur une hauteur, à l'entrée d'une grotte, ils seront cernés par plus de six cent pirates. Se préparant à l'affrontement, Saturnin et Mandibule, compagnon du capitaine Lastic, rencontreront un étrange personnage leur annonçant pouvoir les aider. En attendant l'assistance de cet homme qui s'en est retourné, la bataille est engagée avec moult péripéties. Ils seront enfin sauvés grâce à l'arrivée du capitaine Nemo, qui avait précédemment embarqué Farandoul à bord de son Nautilus, cela pour se diriger vers l'île où le jeune homme fut élevé par sa famille orang-outang. Là-bas, il leur demanda de l'aide, et un grand nombre de singes le suivirent à bord du submersible. Fort de ce soutient cumulé avec les scaphandriers de Nemo, les pirates furent vaincus. On a ainsi, dans cette partie du roman, un pastiche de l'attaque des pirates dans L'île mystérieuse.
Voyages très extraordinaires de Saturnin Farandoul Avant de se quitter, Nemo offrira à Farandoul plusieurs scaphandres qui lui permettront de faire quelques excursions sous-marines. A cet égard, les observations et les descriptions du monde animal sont parfois et consciemment drôles, avec par exemple une huître géante disposant de pattes pour se déplacer. C'est lors d'une de ses promenades en scaphandre, que Farandoul tombe amoureux de la belle Mysora, fille du rajah Ra-Tafia. Alors qu'il lui fait la cour, lors d'une promenade en scaphandre où ils peuvent communiquer par la voie d'un téléphone, une baleine les surprend et avale Mysora. Farandoul retourne alors à bord de la Belle Léocadie et pourchasse le cétacé. Celui-ci, fatigué par sa fuite, ira se perdre sur une plage australienne où un savant le capture pour son aquarium. Le scientifique découvrira alors la belle Mysora, encore en vie dans son scaphandre, et ne voudra plus la libérer. Cela, autant pour lui-même, que pour ce qu'elle apporte à son aquarium, car malgré son scaphandre, elle y est telle une sirène auprès du public. Farandoul ayant retrouvé la trace de sa bien aimé, demande à la recouvrer, mais le savant s'y oppose et la veut garder pour lui seul.
Saturnin Farandoul n'aura alors qu'un choix, déclarer la guerre à l'Australie. On pourrait y voir un parallèle avec Nemo, qui déclara la guerre à l'empire britannique, suite à la perte d'êtres chers. Bien évidemment ici, la dimension dramatique est différente et emprunte à l'absurde, peut-être aussi pour signifier, que quelque soit la cause, toute guerre est une aberration. Farandoul demandera une nouvelle fois de l'aide à ses amis les singes, mais cette fois-ci avec plus d'ampleur que précédemment, car il se composera une armée de quarante mille à soixante mille soldats. Il réussira à prendre possession de ce pays, mais hélas Mysora sera victime de l'acharnement du scientifique. Cet amour perdu sera lui aussi l'un des premiers d'une longue liste, bien que les autres le seront moins dramatiquement. Farandoul pense alors à reprendre l'Inde aux anglais, mais il n'en aura pas l'occasion car le Royaume-Uni ne lui en laisse pas le temps. Malgré ses forces, l'Australie lui est repris et il se retrouve prisonnier. Alors qu'il devait prendre la mer en tant que tel, le capitaine Nemo réapparaît, lui rend sa liberté, et lui confit quelques courriers à remettre à un certain Jules Verne.

Voyages très extraordinaires de Saturnin Farandoul Notre héros qui a la bougeotte se retrouvera ensuite aux Etats-Unis où il décidera de devenir mormons. La perspective d'être entouré de nombreuses épouses n'est pas pour lui déplaire, mais cela sera de courte durée. Les circonstances l'amèneront à être prisonniers des apaches. Mais ces derniers en feront un des leurs, car il s'est acquit un certain respect envers eux, en peignant divers sujets sur les corps des guerriers. Après ceux-ci, il oeuvrera également sur certaines femmes, dont Lune-qui-se-lève, pour qui de doux sentiments sont nés. Cela rendra jaloux Bison Rouge qui poursuivra les deux tourtereaux ayant pris la fuite.
Au cours de cette aventure, il fera la rencontre d'un grand ingénieur du nom de Horatius Bixby qui fit aussi mieux, si ce n'est plus, qu'un certain Cyrus Smith et ses compagnons. En effet, cet Horatius, après avoir échappé à des indiens, tout en y ayant laissé son scalp, se retrouvera sur une île tel un robinson. Grâce à trois cheveux qui lui restaient sur la tête, il réussit à faire tout ce qu'un monde civilisé peut produire. Pour combler sa solitude, il inventa même un phonographe qui lui répondait. Petite parenthèse amusante, on trouve dans le film Robinson et le triporteur (1959), une scène, où Darry Cowl, sur son île déserte, utilise un procédé similaire pour apaiser son existence esseulée.

Si les femmes sont encore relativement peu représentées chez Jules Verne, du moins alors, quand Albert Robida écrivit ce roman, il n'en est pas de même avec ce dernier. Tout au contraire, chaque nouvelle aventure est l'occasion de rencontres, comme peu après, lorsque Farandoul croise sur son chemin, en pleine pampa d'Amérique du sud, quelques trois cent cinquante-huit femmes. Leur présence ici n'est due qu'à la présence de celui qu'elles considèrent comme leur sauveur, Phileas Fogg. En effet, la renommé qu'il eu à travers le monde, pour l'avoir traversé en quatre-vingt jours, lui fit quelques admiratrices qui ne désiraient qu'une chose, être un jour secouru par cet homme. Aussi, dans ce second tour du monde alors entrepris, il a voulu renouveler son exploit en diminuant sa durée à soixante-dix-sept jours. Mais hélas, le nombre de femmes à qui il du venir en aide fut tel, qu'il perdit beaucoup de temps, et que celui-ci se cumule maintenant à trois années !
Les différents évènements qui suivront amèneront ni plus, ni moins, Saturnin Farandoul à entrer en guerre contre Phileas Fogg. Pour cela, les deux hommes n'hésiteront pas à raviver l'animosité calmée entre les deux Nicaragua, l'un en prenant la tête du Nord du pays, l'autre du Sud. Cela, en référence avec la présence anglaise sur ce territoire dans la seconde moitié du 19ème siècle.

Saturnin Farandoul se retrouvera ensuite sur le continent africain. Il y rencontrera un peuple dirigé par les femmes et dont les guerriers sont aussi des guerrières. Ayant échappé grâce à elles, à une tribu ayant quelques affinités gustatives avec la chair humaine, il restera en leur compagnie pendant quelque temps. Les deux reines, alors au pouvoir, étaient blanches et parisiennes. Le hasard voulu qu'il se trouva là, peu avant la cérémonie qui devait voir ces deux reines laisser leurs places à deux nouvelles souveraines qu'elles avaient formées. Mais Farandoul apprendra que lors de ce passage, les deux anciennes reines se devaient de finir au fond de l'estomac des deux nouvelles, qui ainsi acquéraient la sagesse de toutes les reines qui les avaient précédées. Chose dont les parisiennes n'étaient pas renseignées. Farandoul sauvera celles-ci, ainsi que les deux prétendantes qui apprirent le sort futur qui leur était réservé. Ils seront bien entendu pourchassés.
Après moult évènements, Farandoul et ses amis seront happés par une comète de passage. Cela donnera à notre héros, l'occasion de rencontrer sur cet astre le capitaine Hector Servadac, l'astronome Palmyrin Rosette, et quelques autres personnages de cette petite communauté vernienne qui acceptait avec peu d'enthousiasme la venue de ces visiteurs. Pendant cet excursion spatiale, Farandoul séjournera quelques temps sur Saturne (choix de planète logiquement lié à son prénom) où vivaient un peuple, dont la spécificité était d'être formé de sept espèces féminines, pour une masculine. Là encore, le système du mariage n'était pas très éloigné des mormons.

Peu après, revenu sur Terre, il rencontrera dans leur résidence, et indépendamment de sa volonté, les huit cent femmes du roi de Siam, alors que cela est formellement interdit et puni de mort aux multiples variations. Il eu bien évidemment des ennuis, mais il parti, tout de même pour ce qu'il l'avait amené en ces lieux, c'est-à-dire, à la recherche de l'éléphant blanc que des pirates avaient dérobé au roi. La récompense étant une des causes de cette action.
Pendant cette recherche, Farandoul fera quelques "tribulations" en Chine, où il sera responsable de la destruction de la Tour de Porcelaine de Nankin. Fait réel s'étant déroulé en 1853. Cet exemple montre que Robida parsème de références historiques son récit, même si ce dernier est aussi truffé de légères invraisemblances, comme quand peu après, et toujours à la poursuite de l'éléphant blanc, Farandoul et ses hommes débarquent au Japon, dans le port de Yokohama qui s'ouvrit véritablement aux européens à partir de 1859, même si l'ouverture du Japon fut proclamée en 1854. On peut souligner également qu'il croise sur son chemin des personnages de Jules Verne ayant été mis en scène entre 1860 et 1879. De même, Robida ne donnera jamais de date dans le présent de son récit, si ce n'est le siècle, ce qui donne à son roman une liberté par rapport au temps, pour une mosaïque de situations.
Par inadvertance, au pays du soleil levant, Farandoul se retrouvera marié à celle qui était destiné au prince. Cela mettra en colère ce dernier qui devait l'épouser, alors qu'il l'avait choisi pour avoir l'occasion d'être trompé par elle, ce qui aurait été de bon augure d'après un oracle. Encore une fois, les circonstances sépareront Farandoul de cette femme dont il s'était éprit.

Après le Japon, il poursuivra l'éléphant blanc jusqu'à la muraille de Chine, où celui-ci échappa même à ses voleurs. Farandoul le poursuivit encore jusqu'en Sibérie où enfin il le captura. Sur ce territoire, il rencontra Michel Strogoff qui réquisitionna l'éléphant, dans une lettre, après avoir déguerpis sans demander l'avis de l'intéressé. Farandoul retrouvera les deux personnages gelés. Après les avoir réchauffés, Michel Strogoff s'en retournera chez lui, et Farandoul rapportera enfin l'éléphant blanc au roi de Siam, avec il est vrai, une trompe plus courte qu'à son départ, le bout de celle-ci ayant cassée suite au froid qui l'accabla.
Après avoir profité de la récompense pour avoir rapporté l'éléphant, Farandoul rassemblera une nouvelle fois ses hommes, qui d'ailleurs avaient déjà tout dépensé, et s'étaient plus ou moins fourvoyés dans quelques affaires problématiques.
Leur nouvel objectif était la découverte du Pôle Nord ! Deux expéditions scientifiques, l'une anglaise, l'autre allemande, étaient déjà parties à la recherche d'une colonie romaine en ce lieu. Tout cela parce que l'on avait découvert en Nouvelle-Zemble, deux phoques pouvant prononcer en latin, pater et mater. Cette dernière aventure conduira Farandoul à la rencontre du capitaine Hatteras, autoproclamé gouverneur du Pôle Nord, dont il occupait l'île qui en marquait la zone (île imaginé par Jules Verne), et dont il ne voulait, en aucun cas, ne partager avec personne.
Ce flot d'aventures, débité dans ce résumé, pourrait faire croire à une certaine répétitivité de l'action, mais il n'en est rien. Le récit est ainsi agrémenté de multiples originalités, et l'humour qui l'accompagne, ouvre à quelques réflexions sur le monde et les rapports entre les nations.



A propos de cette œuvre

Voyages très extraordinaires de Saturnin Farandoul Albert Robida (1848-1926).
Pour une présentation de cet auteur et illustrateur, nous vous invitons à lire la biographie qui lui est consacrée sur le site qui lui est dédié. Site présentant de nombreux aspects de ses multiples travaux des plus plaisants :
http://www.robida.info/bio_biblio_filmo.htm

Avec ce roman, écrit en 1879, Albert Robida se permettait de survoler les vingt années de création vernienne qui l'avaient précédé. S'il s'inspirait dans une certaine mesure du genre créé par l'auteur des voyages extraordinaires, il se démarquait de celui-ci, par un souci de liberté totale, alliée à une certaine ironie envers ce dernier, et surtout une trépidante suite d'aventures et de voyages des plus rocambolesques, du moins dans la manière dont les vivra le personnage Farandoul. Ce roman, des plus amusants, peut également faire penser à cette exubérance que l'on peut trouver dans Les aventures de Ijon Tichy de Stanislas Lem, ou encore, dans un autre style, à quelques aventures écrites par Philip José Farmer. On notera également qu'Albert Robida anticipe tout autant le futur que Jules Verne.

L'ouvrage, d'un format de 28 cm, est illustré de 450 dessins noirs et coloriés. Il a été publié en livraison et comprend 5 parties. Bien qu'il n'existe qu'un petit nombre d'exemplaires de l'unique édition de 1879, le roman est toutefois disponible en format PDF, sur Gallica, le site de la bibliothèque numérique de la Bibliothèque nationale de France.

Ce roman fut adapté au cinéma, dans une production franco-italienne. Voici la fiche que nous lui avons consacré : Le Avventure straordinarissime di Saturnino Farandola

On peut noter également, que lorsque cette parodie fut écrite par Albert Robida, Jules Verne lui-même se parodia quelque peu, dans une oeuvre certes moins amusante, mais qui s'interrogeait sur ses précédentes créations, tout en faisant se croiser de nombreux personnages issus de ses divers romans : Voyage à travers l'impossible

Jacques Romero, 02/2007

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