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Vingt Mille Lieues sous les Mers (Serge Danot, 1981)


Vingt Mille Lieues sous les Mers (Serge Danot, 1981)
titre original :Vingt Mille Lieues sous les Mers
type :téléfilm, 55 min
année :1981
pays :France
réalisation :Serge Danot
interprètes :Jean Pellotier (capitaine Nemo), Zbigniew Horoks (Aronnax), Michel Bruzat (Ned Land)
studio :FR3 Limoges


A propos de cette œuvre

Au tout début des années 80, la télévision française conservait encore, depuis les premières heures de la RTF jusqu'aux dramatiques plus récentes en passant par le fameux « Théâtre de la jeunesse » de l'ORTF, un certain savoir faire pleinement issu de la tradition théâtrale concernant l'adaptation d’œuvres littéraires et une pleine acceptation de cette imagerie de l'art scénique. C'est ainsi que furent produites et adaptées avec FR3 Limoges quatre grandes aventures de Jules Verne sous le nom de Les Voyages Extraordinaires de Jules Verne. Outre Cinq Semaines en ballon, Maître du monde et Le Tour du monde en quatre-vingt jours, Serge Danot, le créateur du célèbre Manège Enchanté et instigateur de cette production vernienne, adaptera et mettra également en scène Vingt Mille Lieux sous les mers, celui-ci comme les autres voyages s'étalant sur une durée de 55 minutes.
Cet ouvrage télévisuel fut diffusé dans la fameuse case horaire de 19h55 proposant chaque soir de la semaine cinq minutes d'aventure (chaque titre est alors découpé en 11 ou 12 épisodes). Il fut également diffusé en décembre 1980 et décembre 1981 (la première partie des aventures du capitaine Nemo fut diffusée le jeudi 24 décembre 1981, à 17h30), lors des vacances de Noël, dans la programmation de « FR3 Jeunesse » (chaque aventure était alors proposée en deux parties).

L'adaptation de ces romans, et pour prendre pour exemple le plus célèbre et fantastiqueVingt Mille Lieues sous les mers et objet d'étude de ce site, quoique empruntant un certain degré de liberté quant à concentrer un si grand voyage en un si court espace de temps, faisait montre de respect quant à l'oeuvre originale. Les dialogues se jouaient toutefois sur une certaine élasticité de l'interprétation, les acteurs s'amusant à surjouer légèrement leur texte avec quelques notes d'humour, mis à part le comédien Jean Pellotier interprétant le capitaine Nemo avec la gravité que le personnage impose. Patrick Michaëlis, de la compagnie Bagages de sable créée en 1989, semblait à ce titre appuyer avec amusement les vocalises du personnage de Conseil d'origine flamande qu'il interprète avec un leger accent et une certaine nonchalance.

On pouvait notamment être surpris (ou s'en amuser) à la vue vestimentaire de Ned Land, fameux harponneur qui ici était vétu tel le trappeur Davy Crockett avec une toque en fourrure de raton laveur sur la tête (il est vrai qu'un autre et plus célèbre Ned Land, celui de la production disneyenne de Richard Fleischer en 1954, fut lui aussi trappeur à ses heures, toutefois sans un tel couvre-chef auprès d'une captive aux yeux clairs). De même, la barbe du professeur Aronnax était fort fournie alors que le personnage n'en porte pas à l'origine.
Le céphalopode quant à lui, quoique muni de bras et tentacules, remporte quelque peu la palme des effets spéciaux sans effet justement de par la matière inerte qui le compose tel un jouet de plastique lorsqu'on le voit en entier (les dialogues évoquent ici un calmar mais il ressemble beaucoup plus à une pieuvre). Mais si l'on veut bien se prêter au jeu, on trouvera un peu plus « réalistes » les scènes où sont montrées « grandeur nature » ses tentacules alors que les hommes tentent de repousser ses attaques sur le pont du Nautilus. A propos de ce dernier, celui-ci est représenté sous la forme de dessins directement extraits des gravures du roman lorsqu'il est à la surface (de même que la timonerie vu de l'intérieur). Le sous-marin apparait également au travers d'un véritable modèle réduit en trois dimensions respectant la forme d'origine avec de menus variations conférant au navire, de par le matériau utilisé, un aspect lui donnant une simple mais néanmoins belle apparence. On remarquera également la qualité des scaphandres (casques et systèmes respiratoires), mais aussi le peu d'éléments de décors accompagnant les illustrations de fond (une table, une nature morte accrochée sur un mur, une armure médiévale...), celles-ci se suffisant toutefois à elle-même. Quant aux scènes de déroulant dans les profondeurs sous-marines, c'est tout simplement au travers d'un aquarium qu'elles sont filmées comme en d'autres adaptations télévisées du même roman tel le téléfilm soviétique Kapitan Nemo réalisé en 1975 par Vasili Levin et Edgar Smirnov ou celui tchécoslovaque Dvacet tisíc mil pod mo?em réalisé en 1980 par Pavel Kraus (téléfilms inédits en France).

Outre le jeu théatral des acteurs – tels les comédiens et metteurs en scène Jean Pellotier (1926-2014), professeur d'art dramatique au conservatoire de Limoges entre 1966 et 1993 et Michel Bruzat qui fut son élève, également professeur et directeur du Théâtre de la Passerelle créé à Limoges en 1987, de même que Charles Caunant grande figure du théâtre limougeaud –, la particularité de cette création s'inscrivait dans la conception des décors faits de dessins originaux plus ou monis proches de ceux des romans, mais en couleur (le générique quant à lui montrait également les gravures originales publiées aux éditions Hetzel). L'utilisation de ces décors évoquait à un certain degrés les ouvrages cinématographiques de Karel Zeman, lui-même imprégné des œuvres de Jules Verne qu'il avait mis notamment en images dans son Dirigeable Volé, ainsi que ses Aventures Fantastiques, avec également l'influence au plus loin en amont de Georges Méliès. Mais la mise en forme de Serge Danot, même si elle se référait en partie picturalement à ces oeuvres, voir aussi au jeu des acteurs, était plus basique et assumée par les moyens que pouvait alors lui offrir la vidéo. Cela n'en était pas moins un agréable divertissement,
Ces décors reposaient ainsi sur la technique d'incrustation et du fond bleu (certaines œuvres du cinéma expressionniste allemand avait déjà utilisé des fonds avec un rendu assez proche). Ils étaient très usités dans les émissions jeunesses de l'époque et de même depuis les années 60 avec le grand Jean-Christophe Averty qui employa à foison cette technique dans moult téléfilms et shows pour la télévision française (mais aussi allemande quand il y dirigea les Bee Gees lors d'un programme dédié à la sortie du magnifique album Idea en 1968). Pour rester dans la science et les voyages extraordinaires, on signalera que cette année-là, en 1981, et usant également pour quelques séquences de cette technique, fut diffusée sur Antenne 2 l'une des plus grandes séries de documentaires scientifiques du 20ème siècle, à savoir Cosmos de Carl Sagan.

La musique de ces excursions verniennes fut composée par Jacques Loussier à qui l'on doit les partitions de célèbres séries télévisées comme Thierry La Fronde ou Vidocq. Il a également connu une grande popularité pour avoir jazzifié l’œuvre de Jean Sébastien Bach avec le Trio Play Bach où officiaient Pierre Michelot à la contrebasse et Christian Garros à la batterie. Ses compositions naviguent ici entre légèreté, mystère et gravité.

Dans le même temps où fut produit et diffusée cette création, il fut édité via Dynamisme Presse Edition (Le Journal de capitaine Flam) et sous la légère supervision de Serge Danot, une collection d'ouvrages sous l'intitulé « Le Journal de Jules Verne ». Bien que faisant plus ou moins référence à la production télévisée commentée ici avec le logo de FR3, parmi les six oeuvres verniennes adaptées sous la forme de bandes dessinées, seulement deux des aventures produites pour la télévision font partie de cette collection : Le Tour du monde en quate-vingt jours (volume 1), Vingt Mille Lieux sous les mers (volume 2, également édité par Télé-librairie des Deux Coqs d'Or), Michel Strogoff (volume 3), Les Enfants du capitaine Grant (volume 4), L'Île mystérieuse (volume 5), De la Terre à la Lune (volume 6). A noter encore que ces bandes dessinées dont les noms des scénaristes et des dessinateurs n'étaient pas mentionnés furent réalisées par le studio de publicité Match 3 (ce studio réalisa notamment les illustrations pour le magazine français de La Bataille des planètes et il est à l'origine de la série Bibifoc), ce pour un résultat sans grand éclat et sans rapport esthétique avec la version télévisée.

Avec pour interprètes : Jean Pellotier orthographié Jean Pelloteir sur certains programmes de l'époque (Phileas Fogg, capitaine Nemo) ; Zbigniew Horoks orthographié Morosch Zbiniev sur certains programmes de l'époque (professeur Aronnax) ; Michel Bruzat (Ned Land) ; Patrick Michaelis (Conseil) ; Hervé Lombardy (narrateur) ; Charles Caunant (Passepartout) ; Christian Duc (inspecteur Fix) ; Paul Bisciglia (capitaine).

Cet article reprend pour base le court texte de présentation de cette oeuvre rédigé en cette page en 2007. Il a donc été totalement revu et réécrit, et ce à l'occasion de sa rédaction pour le site Planète Jeunesse.


Jules Verne dans la petite lucarne française

Les années 60 et 70 furent propices à l'élaboration de nombreuses adaptations de l’œuvre de Jules Verne à la télévision française. Hormis celles qui nous intéressent spécifiquement sur ce site, il y eut les téléfilms Les Indes Noires (1964) réalisé pour Le Théâtre de la Jeunesse par Marcel Bluwal (Corsaires et Flibustiers, Vidocq) avec Alain Mottet, Georges Poujouly et André Valmy, La Chasse au Météore (1966) de Roger Iglésis avec Philippe Avron, Joseph Paster et Bernard Lajarrige, Le Secret de Wilhelm Storitz (1967) dirigé par Eric le Hung avec Jean-Claude Drouot (l'année précédente il était encore le grand héros à la fronde), Bernard Verley et Pascale Audret, L'Orgue Fantastique (1968, adaptation de M Ré-Dièze et Mlle Mi-Bémol) mise en scène par Jacques Trébouta avec Marie-Pierre Casey et François Vibert, Maître Zacharius (1973) de Pierre Bureau avec Gronwall Murray, Pierre Vial et Angelo Bardi, la série Deux ans de vacances (1974) de Gilles Grangier avec Marc Di Napoli, Le Château des Carpathes (1976) réalisé par Jean-Christophe Averty avec Jean-Roger Caussimon, Le Tour du Monde en 80 Jours (1979) de André Flédérick avec Daniel Ceccaldi, Roger Pierre et Jean-Pierre Darras, la série Mathias Sandorf (1979) de Jean-Pierre Decourt avec l'acteur hongrois Istvan. Bujtor, ou encore le téléfilm Zacharius (1984) de Claude Grinberg avec Charles Denner et Emmanuelle Béart.
La plupart de ces adaptations étaient des coproductions avec différents pays européens, comme cela était très courant à la télévision française pour bien d'autres productions de cette époque. Ceci permettait bien évidemment d'avoir un budget plus étoffé, apportant également une couleur artistique imprégnée par le ou les pays coproducteurs. De plus, une certaine évidence était de mise, comme pour exemple la coproduction franco-hongroise de Mathias Sandorf mettant en scène ce héros magyar de Jules Verne.


Jacques Romero, 08/2015


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