BDThe League of Extraordinary Gentlemen (Alan Moore, Kevin O'Neill, 1999)

Le Nautilus (Kevin O'Neill) - The League of Extraordinary Gentlemen (Alan Moore, Kevin O'Neill, 1999)Le Nautilus (Kevin O'Neill)Le capitaine Nemo (Kevin O'Neill) - The League of Extraordinary Gentlemen (Alan Moore, Kevin O'Neill, 1999)Le capitaine Nemo (Kevin O'Neill)


A propos de ce Nautilus / capitaine Nemo

Le Nautilus, qui prend ici la forme même d'un calmar géant, jouera un grand rôle dans cette aventure. Il servira à la fois de base pour le groupe qui pourra y trouver un endroit pour se reposer et réfléchir sur les plans à élaborer, et également d'arme pouvant riposter à quelque attaque. Sur la couverture du premier volume, on peut le voir peint sur un tableau signé par Basil Hallward. Ce dernier n'est autre que l'artiste qui fit le portrait de Dorian Gray dans le roman éponyme d'Oscar Wilde. Est-ce à dire que l'on pourrait voir l'usure du temps sur le submersible de la toile...

Concernant le capitaine Nemo de Moore, il est celui-là même dont on apprend dans L'île mystérieuse la véritable origine, celle d'un prince indien. De ce fait, O'Neill respect physiquement cette particularité que l'on découvre dans l'originale alors que le personnage se meurt. Il le vête également d'habit spécifiquement indien. Comme le soulignera le film, même si ici le capitaine Nemo ne se prosterne pas devant elle, il est évident qu'il voue un culte à Kâli, la Noire, Déesse Mère destructrice et créatrice dans l'hindouisme. Elle est la Mère du Temps, et celui qui l'a vénère n'a plus peur de la destruction : http://ganapati.club.fr/dieux/shakti/kali.html Nemo dira quelques mots faisant écho à celle-ci : Bond nous prend pour des pions. Il croit que personne ne voit dans son jeu. Je suis personne, et je vois tout... jouer avec Nemo, c'est jouer au jeu de la destruction.
Quant à son âge, il ne fait pas les 90 ans qu'il devrait avoir, si l'on prend en considération qu'il s'agit du même personnage mis en scène par Jules Verne. De ce fait, Moore prend sans doute en considération le contexte du Wold Newton Universe (voir article principal) où, tout comme Phileas Fogg, le capitaine Nemo a reçu un traitement des Capelléens qui lui octroie une durée de vie de 1000 ans, tout en conservant une apparence d'une moitié de siècle (toutefois le début de Century 1910 semble contredire cela). C'est également avec l'aide des Capelléens et de la société secrète des Neuf Inconnus qu'il construira deux sous-marins fonctionnant à l'énergie atomique, cela pour assouvir sa vengeance contre les anglais responsables de la mort de sa femme et de ses enfants.
C'est sa méfiance envers tous les hommes qui fera douter le capitaine Nemo du pourquoi de sa mission, et permettra de découvrir que ses compagnons et lui-même ont eu bien tort de croire M. Bond : il fait suivre ce dernier par Hawley Griffin qui découvre que James Moriarty est le supérieur auquel obéit M. Bond. Le capitaine Nemo n'est doté d'aucun pouvoir particulier, si ce n'est qu'il possède un bâtiment sous-marin d'une grande puissance. Sa personnalité, même si elle est écrasée par ses sentiments négatifs envers les hommes, et bien plus encore ceux de la couronne, n'en demeure pas moins serviable dans le cadre de cette mission. Le capitaine Nemo semble ainsi revenir sur certaines de ses idées, car bien que détestant toujours autant les sujets de sa Majesté, il se battra ici à leur coté. Malgré cela, il se considère toujours comme le cauchemar des anglais.
C'est encore grâce à lui que la Ligue pourra combattre dans les airs le vaisseau du Professeur Moriarty. En effet, le Dr Samuel Fergusson confia au capitaine sa montgolfière - Le Victoria (ballon) - après avoir survolé avec elle une partie du continent africain. Bien évidemment, ce docteur et son aéronef sont connus des lecteurs de Jules Verne pour avoir été les protagonistes du premier Voyages Extraordinaires : Cinq semaines en ballon. Après ce combat aérien, le Nautilus sera encore là pour récupérer le ''club des cinq'' se noyant dans les eaux de la Tamise. Une autre référence vernienne sera exposée lors de la visite dans le British Museum (p.45). Elle concerne le Voyage au centre de la Terre, dont on peut voir, accrochée sur un mur, une plaque où sont gravées sous formes de cryptogrammes, les initiales d'Arne Saknussemm. De même, on peut y observer un spécimen d'ichtyosaure rapporté par le géologue Otto Lidenbrock lors de sa descente au centre de notre globe en 1864.
Outre Moriarty et la menace martienne, Nemo combattra également Fu Manchu. A cet égard, George Alec Effinger avait évoqué Nemo et Fu Manchu dans un univers assez proche de celui-ci, dans sa nouvelle Ce qu'en dit Musgrave / The Musgrave Version, dans le recueil Sherlock Holmes in Orbit. De même, d'après Philip José Farmer (ou encore Dennis E. Power et Starr), le capitaine Nemo avait déjà eu l'occasion de s'opposer à Moriarty. Lors de cette confrontation, ce dernier s'emparera de l'un des submersibles de Nemo qui le poursuivra, avant d'abandonner, son Nautilus ayant été saboté. Ainsi, semble-t-il, ce n'était pas le prince Dakkar que rencontra le professeur Aronnax, mais le Nemo-Moriarty, ce qui expliquerait en partie les nombreuses incohérences chronologiques que l'on rencontre dans les romans Vingt mille lieues sous les mers et L'île mystérieuse. Cela se complique si l'on admet les théories plus récentes de Jean-Marc Lofficier (voir The Young All-Stars), qui suggère que Joseph Balsamo (Alexandre Dumas), Adam Weishaupt (George Sand) et Arthur Gordon Pym (Edgar Allan Poe) était la même personne, celle-ci ayant usé également du nom de Nemo, ce qui en ferait celui des romans de Verne.

Quant à l'équipage présenté dans la BD, hormis quelques marins sans signe distinctif (dans l'adaptation cinématographique, ils sont tout comme Nemo vêtus à l'indienne), on soulignera la présence de deux membres du Nautilus en qui Nemo semble prêter toute sa confiance (p.73). Il s'agit d'Ishmael (alias Mr Mate : appellation courante dans la marine pour le poste qu'il occupe) et de Jack la flèche. Le premier ne peut faire référence qu'au personnage du roman Moby Dick d'Hermann Melville. En plus de son nom, un simple indice confirme cela : la présence, dans les cales du Nautilus, d'une caisse estampillée du mot Pequod. Ce nom n'était autre que celui du baleinier commandé par le capitaine Achab. L'époque à laquelle se déroula la chasse au cachalot blanc se situant aux environs de 1850, quand Melville écrivit son livre, prêterait donc ici à ce personnage, un âge avoisinant les soixante ans, ce qui correspond à l'adolescent, narrateur de l'aventure ayant embarqué sur le Pequod. Pour un jeune marin ayant navigué sous l'autorité d'une telle personnalité comme le capitaine Achab, se retrouver un peu plus tard sous celle du capitaine Nemo procédait d'une certaine continuité. Quant au second, dont le nom original est Broad-Arrow Jack, il provient d'une série de romans populaires anglais écrits à partir de 1866 par Edwin Harcourt Burrage (1839-1916, prolifique auteur pour la jeunesse ayant eu un immense succès au travers de multiples récits édités pour la presse juvénile). Cet écrivain, dont aucun récit n'a été traduit en français, œuvrait dans la même sphère littéraire que Bracebridge Hemyng que nous avons évoqué avec Dick Lightheart; or, the Scapegrace at Sea. Son personnage de nationalité anglaise, dont le véritable nom est John Ashleigh, a fait naufrage sur les côtes de l'Australie, pays où il voulait s'installer. Seul survivant avec son frère et son père, ils se retrouvent tous les trois prisonniers d'une bande de hors-la-loi. John Ashleigh, au contraire de ses deux parents, sortira vivant de cet enfer, mais portera désormais, incrustée sur la peau de son dos, une flèche dont on le marqua au fer. Il se vengera de ses oppresseurs et deviendra un défenseur de la justice. Vu la date de sa création, si l'on veut être tatillon, il semble peut-être un peu trop jeune sous les crayons de Kevin O'Neill. Mais cela n'a guère de gravité, et ces deux personnages, et membres d'équipages du Nautilus, sont assez bien assortis au submersible et à son capitaine.

Bien que Nemo et le Nautilus aient une place imposante dans cette aventure, l'univers et l'atmosphère de Vingt mille lieues sous les mers sont ici mis en retrait, et il en est de même pour les univers des autres protagonistes. Mais en partie, car comme ceux-ci, seul le personnage et sa véritable identité indienne, ainsi que son sous-marin, sont mis en avant. Toutefois, quelques évocations s'insinuent dans les dialogues. Ainsi, la mort du capitaine Nemo dans L'île mystérieuse est évoquée, cela quand Miss Murray apprend à Quatermain que les autorités françaises le croient mort depuis la disparition de l'île Lincoln. De même, Moore évoquera très subrepticement, voire imperceptiblement un lien entre Nemo et la Société des Neuf Inconnus : le père du prince Dakkar ayant été un agent de cette société secrète aux origines indiennes (voir les travaux de Ciremya Perenna sur le Wold Newton Universe).

Déçu par la solution finale qui met fin à l'invasion extra-terrestre, Nemo démissionne, et annonce son départ pour l'île Lincoln où il compte retrouver sa femme et son enfant... Sans doute aurons-nous quelques précisions concernant ces derniers - censés être morts - dans la prochaine aventure qui est publiée depuis avril 2009, et portant le titre de Century 1910. Déjà l'on sait que l'enfant est une jeune femme portant le nom de Pirate Jenny, nom inspiré par le personnage de Jenny et la chanson Jenny-des-pirates dans L'Opéra de Quat'sous de Bertolt Brecht et Kurt Weill. Mais quel sera son rôle dans le nouveau siècle dans lequel la Ligue sera encore présente avec de nouveaux membres ? Il semble qu'elle aura bien plus d'importance que son père vieillissant et mourant semble-t-il en 1909... Seul le temps nous le dira, comme il a déjà dit bien des choses, pour ne pas dire toutes choses... et celui-ci nous en dira bien plus encore quand l'éditeur français publiera cette suite.

Pour conclure, voici quelques propos croustillants tenus par le Nemo de Moore :

Les livres d'Histoire sont écrits par les vainqueurs, Mlle Murray.

Avancez-vous! Avancez les anglais! Dites aux dieux que c'est Nemo qui vous a envoyés! Propos tenus alors qu'il tire avec une extrême efficacité sur les hommes de James Moriarty. Ce qui fait dire à Miss Murray, ces quelques mots dont on ne sait à qui ils s'adressent, à l'homme ou son arme dévastatrice : Bonté divine! Cette machine est inhumaine! Ils n'ont aucune chance! Cette planche ne manquant pas de cette dérision tant appréciable chez Moore. On peut y lire également les propos de Mister Hyde : Moi et le bronzé (Nemo), on se charge de tous ces petits sacs pleins de sang!. L'association des deux personnages est par ailleurs assez juste, le capitaine, comme le docteur, étant en quelque sorte déchiré entre deux états de sa nature.

Comme vous le disiez, garder l'espoir est une faiblesse toute anglaise. De grandir à Bombay ou Calcutta vous donne une autre vision des choses...

Avec un peu de chance, ces tripodes n'attendent pas de renforts. Ceux qui sont là ont déjà détruit ce qu'ils pouvaient. Quant à la population, espérons qu'elle pourra s'enfuir à temps. Sinon ce ne sera pas une perte stratégique majeure. Ce ne sont que des... Humains? propose Hyde.
Anglais. conclut Nemo.

Galerie

Le Nautilus (Kevin O'Neill) / Le capitaine Nemo (Kevin O'Neill) - The League of Extraordinary Gentlemen (Alan Moore, Kevin O'Neill, 1999) Le Nautilus (Kevin O'Neill) / Le capitaine Nemo (Kevin O'Neill) - The League of Extraordinary Gentlemen (Alan Moore, Kevin O'Neill, 1999) Le Nautilus (Kevin O'Neill) / Le capitaine Nemo (Kevin O'Neill) - The League of Extraordinary Gentlemen (Alan Moore, Kevin O'Neill, 1999) Le Nautilus (Kevin O'Neill) / Le capitaine Nemo (Kevin O'Neill) - The League of Extraordinary Gentlemen (Alan Moore, Kevin O'Neill, 1999) Le Nautilus (Kevin O'Neill) / Le capitaine Nemo (Kevin O'Neill) - The League of Extraordinary Gentlemen (Alan Moore, Kevin O'Neill, 1999)

<< choix du Nautilusfiche de l'œuvrefiche de l'œuvre