BD

Voyage sous les eaux (François Rivière, Serge Micheli, 2003)


Voyage sous les eaux (François Rivière, Serge Micheli, 2003)
titre original :Voyage sous les eaux
type :BD, 77 pages (vol.1, 2 vol.)
année :2003
pays :France
scénario / adaptation :François Rivière
dessins :Serge Micheli
éditions :Emmanuel Proust
collection :Atmospheres


A propos de cette œuvre

Si le sous-titre du premier volume de cette bande dessinée se nomme La genèse de 20 000 lieues sous les mers, c’est d’une part, qu’elle emprunte pour sa nomination principale Voyage sous les eaux, le premier titre provisoire qu’avait donné Jules Verne au récit qu’il rédigeait. C’est aussi au travers de son scénario, une histoire mettant en scène l’auteur des voyages extraordinaires totalement absorbé par sa création, au point même qu’elle et lui semble se confondre. A cet égard, Voyages sous les eaux est aussi un voyage entre deux eaux, celle de la réalité de l’écrivain, ainsi que d’icelle de son imagination, qui avec une certaine fluidité scénaristique, coulent de l’une à l’autre. Ainsi, Bert, le jeune orphelin qui accompagne ici Jules Verne lors d’un séjour en Angleterre, et qui semble t-il connaissait mystérieusement l’existence du Nautilus et de son capitaine, cela, avant même que l’auteur ai terminé d’écrire son roman, disparu un soir où l’écrivain vécut une étrange aventure avec un médium du nom de Robert Lee. L’adolescent fut capturé par les hommes du Nautilus, submersible dans lequel fut imposée sa présence, et que l’auteur imaginait alors dans l’ouvrage de fiction qu’il écrivait. De même, lors de cette soirée, était présente Mikah, une jeune princesse que Jules Verne rencontra lors de sa visite qu’il rendit à l’artiste Daniel Wragg, dont l’œuvre avait quelques affinités avec les mystères abyssales. Cette jeune femme aux origines indiennes était à la recherche de sa parenté. L’on devinera au fil des pages qu’elle pourrait être la fille du capitaine Nemo, celui-ci apparaissant sous les traits de Jules Verne, dans les pages évoquant certains passages de Vingt mille lieues sous les mers. Ainsi l’on peut suivre en parrallèle le récit littéraire, avec notamment quelques planches sur l’attaque des calmars géants sous une pourpre luminosité, la visite du cimetière sous-marin, ou encore le voyage au Pôle Sud, de sa possession à l’emprisonnent dans les glaces, jusqu’aux derniers instants du submersible.

Certains éléments feront quelques références à d’autres œuvres de Jules Verne, comme de par le château où vit la princesse Mikah, près des Monts Grampians que Verne évoque notamment dans Voyage au centre de la Terre, où le personnage même de Mikah qui pourrait évoquer également celui de la princesse Aouda dans Le tour du monde en 80 jours.
Bien que François Rivière adapte le roman en l’insérant dans une trame fantastique, avec quelques personnages fictifs, de nombreux éléments biographiques marquant la vie de Jules Verne, lors de l’écriture du roman, seront soigneusement introduits, tel Le Crotoy, le lieu où il vivait alors, ainsi que son bureau flottant sous la forme de son voilier le Saint-Michel I, ou encore les jours qu’il passa en Angleterre grâce à ce dernier. A cet égard, l’on peu ainsi considérer que toute l’action de ce premier volume se déroule entre la France et le Royaume-Uni, via la Manche, où l’histoire du Nautilus faillit prendre fin, si Hetzel, l’éditeur de Verne, n’avait pas imposer un autre choix à ce dernier. Ainsi, l’on peut dire que cette adaptation de Vingt mille lieues sous les mers situe une partie de l’action dans une géographie qui n’est pas décrit dans le roman, mais qui aurait pu l’être, et qui comme pour la France, est quasi absente de ses œuvres en général (lire à cet effet Les épisodes fantômes de ‘‘Vingt mille lieues’’ de William Butcher http://home.netvigator.com/~wbutcher/).

Il sera également évoqué dans quel contexte littéraire il écrivit sur un sujet alors peu représenté, mais qui faisait tout de même dans le même temps l’objet de quelques ouvrages, et qui justement pouvait selon son éditeur être jugé pour du plagiat, ou souffrir d’une certaine concurrence. Cela même si Jules Verne était certain de son originalité dans ce récit sous-marin, qui sera par ailleurs le seul à avoir un succès mondial qui perdure encore. Rivière fera notamment référence au feuilleton littéraire du docteur Jules Rengade (qu’il écrivit sous le pseudonyme d’Aristide Roger), Les Aventures extraordinaires du savant Trinitus paru dans Le Petit Journal, de mai 1867 à janvier 1868, et publié en cette dernière en volume chez P. Brunet, sous le titre Aventures extraordinaires de Trinitus. Voyage sous les flots, rédigé d'après le journal de bord de l'Éclair.

Le volume qui suivra, intitulé Voyage sous les eaux : L’île mystérieuse, nous apprendra le lien qui uni Mikah à Nemo, sans toutefois le préciser. Cette suite est tout aussi troublante que la première aventure, et tel le labyrinthe qui se trouve sur l’île où s’abandonna Cyrus Smith qui officiait alors pour une mission géographique, le lecteur se laissera se perdre agréablement dans un scénario quelque peu éthéré. Mikah y croisera le comte Dakkar, incursion du Nemo d’un autre temps, celui des années où le bonheur était encore présent, avant de retrouver Bert devenu jeune homme...
Ainsi les réponses que l’on attendait après avoir fermé le premier volume, n’ont points vraiment été apportées sur cette île, qui elle-même suscite encore bien des interrogations et diverses interprétations. C’est donc dans un certain flou artistique que l’histoire se termine, donnant à cette œuvre un aspect poétique et suggestif, touchant au fantastique, où le temps se joue de l’espace, l’imagination de la réalité, et l’œuvre de l’auteur.

Quant à la qualité graphique de l’ouvrage, elle est indéniable. Le dessin de Serge Micheli, peintre corse débutant alors dans cette forme artistique qu’est la bande dessinée, offre parfois de par ses crayons, des sensations maritimes et aventureuses rappelant quelque peu celles d’un Corto Maltese. La forme est ainsi agrémentée des couleurs de Sébastien Ferran, dont les teintes vives et chatoyantes accentuent encore le coté fantastique de l’œuvre, tout en devenant plus douces dans le second volume. On peut lire sur le site BD-Thèque, une interview de cet artiste, également auteur et dessinateur, notamment d’adaptations d’œuvres mythologiques comme Ulysse ou L’anneau des Nibelungen : http://www.bdtheque.com/interview.php?id=29. Il y évoque notamment son travail sur les planches de Serge Micheli, ouvrage qui lui permis d’explorer de nouvelles gammes de couleurs qu’il n’avait pas utilisées jusqu’alors pour ses travaux personnels.

Ces deux albums ont été réunis à l’occasion du centenaire de la mort de l’écrivain, dans un coffret, cela auprès d’Un drame en Livonie, précédente adaptation vernienne réalisée en 1999 par François Rivière au scénario, et Serge Micheli aux dessins et couleurs. Le canevas scénaristique de cette dernière y était construit déjà avec une certaine approche que l’on retrouvera dans Voyages sous les eaux.



Jacques Romero, 02/2008


Galerie

Voyage sous les eaux (François Rivière, Serge Micheli, 2003) Voyage sous les eaux (François Rivière, Serge Micheli, 2003) Voyage sous les eaux (François Rivière, Serge Micheli, 2003)

<< liste des œuvres