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Vingt Mille Lieues sous Les Mers (Jean Bolo, Jacques Poterat, Pierre Rosenwald, Maurice Jarre, 1955)


Vingt Mille Lieues sous Les Mers (Jean Bolo, Jacques Poterat, Pierre Rosenwald, Maurice Jarre, 1955)
titre original :Vingt Mille Lieues sous Les Mers
type :33 tours, livre-disque, 29 min
année :1955
pays :France
réalisation :Pierre Rosenwald
textes :Jean Bolo, Jacques Poterat
compositeur :Maurice Jarre
illustrations :Raoul Auger
interprètes :Jean Gabin, Jean-Pierre Lituac, Jacques Galipeau, Frédéric O’Brady
producteur :Lucien Adès, Walt Disney Productions France
production :Disques Adès / Disneyland Record (rééditions)
collection :Le Petit Ménestrel


A propos de cette œuvre

En France, suite au succès du film américain 20.000 leagues under the sea / Vingt Mille Lieues sous les Mers de Richard Fleischer, un enregistrement sonore suivant quelques lignes de la trame du long-métrage est réalisé. Le récit de cette production Disney fut ainsi adapté par Jean Bolo, et réalisé sous la direction de l'ingénieur du son Pierre Rosenwald, cela dans le cadre de la collection récemment créée du Petit Ménestrel de Lucien Adès. Ce dernier avait acquis dès le début de cette décennie, la licence des droits d'exploitation des productions Disney. La compagnie aux grandes oreilles n'adaptera ses oeuvres sous cette forme qu'à partir de 1957, et il faudra attendre 1963 pour voir et entendre une version américaine de cet enregistrement 20.000 leagues under the sea mais sans l'apport de la partie ''livre'', puis avec celle-ci en 1971 20.000 leagues under the sea. Ce dernier album sera de même réadapté par le Petit Ménestrel en 1975, avec Dominique Paturel à la narration - 20.000 lieues sous les mers. Cette version américaine différait toutefois de sa précédente comparse française dans sa conception, puisqu'une narratrice évoquait toute l'aventure entrecoupée de temps en temps par des extraits sonores du film, et donc des comédiens tels James Mason et Kirk Douglas, et il en sera de même avec la version française qui en découlera (Jean Marchat, Richard Francoeur...).

Maurice Jarre, qui composa les divers pièces musicales de cet enregistrement, n'avait pas encore écrit pour le cinéma (Lawrence d'Arabie, Docteur Jivago...), si ce n'est pour des courts-métrages. Il avait toutefois une grande expérience de la composition pour la scène, et il participait alors à divers enregistrements produit par Lucien Adès, comme l'année précédente où il composa, et oeuvra à la technique, pour la version du Petit Ménestrel de Fanfan la tulipe avec Gérard Philipe. Pour son ouvrage disneyen, les ambiances sous-marines issues de ses portées étaient à l'image du capitaine et de la traversée, ténébreuses et harmonieuses.

Contrairement à certains enregistrements futurs reprenant la voix des comédiens issue du métrage, celui-ci aura une tout autre distribution. Parmi ces artistes, on citera Jean-Pierre Lituac dans le rôle du Professeur Arronax – il joua dans de nombreuses pièces radiophoniques, notamment pour Les maîtres du mystère –, le québécois Jacques Galipeau dans celui du canadien Ned Land, et Frédéric O’Brady et son accent aux origines hongroises dans le rôle de Conseil, le brave flamand. Si dans la version française du film, ce dernier personnage n'avait pas d'accent (voix de Raymond Rognoni), on soulignera que Peter Lorre qui interprétait le rôle à l'image avait été précédemment doublé par Frédéric O’Brady dans Arsenic et vieilles dentelles de Frank Capra.
Ce qui constituera toutefois l'attrait majeur de cet ouvrage, et mis évidemment en avant lors de la distribution de celui-ci, c'est la présence de l'acteur Jean Gabin interprétant le rôle du capitaine Nemo. Le comédien, qui avait notamment servi dans la Marine française (lors de son Service militaire et pendant la Seconde Guerre mondiale – voir note en bas de page), incarna ainsi vocalement le maître du submersible.
Si cette promenade sous les mers était dirigée par Jean-Pierre Lituac qui en était le narrateur, Jean Gabin en sera un agréable accompagnateur. Deux décennies plus tôt, ne chantait-il pas sur les paroles de Louis Poterat et Julien Duvivier, la célèbre chanson Quand on s'promène au bord de l'eau extraite du film La Belle Equipe ? A cet égard, c'est Jacques Poterat, fils de Louis, qui écrivit les paroles de la chanson que l'on peut entendre sur ce disque, et interprétée par Ned Land dont la voix chantée était celle de Jean Stout (Le livre de la jungle). Ainsi, pour en revenir à notre fil de l'eau, Jean Gabin nous emmenait encore au gré de cet élément liquide si cher à son cœur, mais cette fois-ci dans une tout autre perspective. Sa stature au sein du cinéma français, et sa filiation avec l'élément marin, imposa sans doute son nom pour incarner un tel personnage. Comme le capitaine Nemo, Jean Gabin repose parmi les flots océaniques, ses cendres y ayant été dispersées après sa mort.
Hormis le chant, ce n'était pas la première fois que Jean Gabin se prêtait à ce genre d'exercice artistique centré sur la voix. Pour exemple, en 1951, il avait participé au récit radiophonique, poétique et musical De sacs et de cordes créé par Léo Ferré.
On notera toutefois que sur cet enregistrement, la voix de ce géant du cinéma français surprend quelque peu dans ses premières répliques. Non pas qu'elle fasse défaut au mythique personnage, tout au contraire, la gravité de son timbre y est des plus agréables, mais celle-ci est tellement imprégnée du Gabin que l'on connaît au travers de ses rôles, de sa façon typique de parler, que pendant un petit instant, on hésite à l'associer pleinement au capitaine Nemo. Puis, on se plaît à apprécier cette prestation, qui comme celle des autres comédiens, y est de grande qualité. Bien évidemment, les plus jeunes auditeurs ayant encore peu entendu l'acteur, ont pu apprécier différemment cette chaude voix du capitaine.
Chose amusante, du moins pour l’auteur de ces lignes, Jean Gabin évoquera très légèrement le Nautilus du capitaine Nemo, cela trois ans plus tard, au travers du scénario écrit en partie par Michel Audiard pour le film Archimède, le clochard. Ce métrage réalisé par Gilles Grangier prenait justement sa source d'une idée d'un certain Jean Moncorgé alias Jean Gabin. L'évocation prenait place alors qu'Archimède offrait du champagne Bollinger à quelques amis travaillant au marché, le dit clochard s’empressant auprès de Camille, le patron du bar (interprété par le sympathique Paul Mercey, le reste de la distribution étant tout aussi délicieuse), et de lui dire, après que la première fut vide « Alors Camille... cette seconde bouteille, tu la sors de la glace ? C'est pas le Nautilus ! ». Puis à la fin de cet ouvrage cinématographique des plus amusants, alors qu'il l'aperçoit sur le rivage, les pieds dans l'eau, Noël Roquevert de nommer Archimède d’insubmersible. Ce patronyme venait bien évidemment de son refus de mettre de la glace dans son verre, et de réciter à chaque fois qu'on le lui propose, la fameuse force qui en découle, celle de la poussée d'Archimède.

Le livret de 18 pages fut illustré par Raoul Auger (né en 1904, comme Jean Gabin), qui en parallèle dessinera un album de Vingt mille lieues sous les mers pour les éditions Hachette. Mais contrairement à certaines illustrations du livre-disque, ou éléments de celles-ci, qui se devaient de faire écho au film produit par Walt Disney, comme le Nautilus de Harper Goff typique de cette production, ou l'otarie nommée ici Snoopy (Esmeralda dans le métrage), l'album Hachette qui reprendra des dessins similaires pour les personnages, offrira toutefois un récit plus respectueux envers le texte original, et un Nautilus plus proche de celui de Neuville et Riou. A cet égard, nous vous invitons à lire l'article que nous lui avons également consacré, et où nous évoquons particulièrement la carrière de l'illustrateur : 20.000 lieues sous les mers.


Quatre décennies plus tard

En 1997, quelques secondes de cet enregistrement seront utilisées directement par le groupe IAM, en guise d'introduction du titre L'Empire du Côté Obscur issu de l'album L'école du Micro d'Argent. Le passage ainsi introduit reprenait ces quelques mots énoncés par le professeur Aronnax : « Un escalier de fer, un couloir étroit et obscur… Au fond de ce couloir une porte entrouverte, d’où nous parviennent les accords d’une musique, qui en ce lieu paraît irréelle… » (face A, Jean-Pierre Lituac). Cette filiation, entre le capitaine Nemo et le coté obscur de la force, était une idée bienvenue et originale de par cette source sonore. De plus, la voix de Jean-Pierre Lituac, résonnant quelque peu dans les couloirs du Nautilus, imposait de par son ambiance une certaine étrangeté, d'où émanait également une sensible appréhension émotionnelle adéquate pour lancer une telle composition monumentale, tout comme l'album d'où elle était issue.


Cinq décennies plus tard

Après une première édition avec un livret à spirale, plusieurs rééditions du vinyl suivirent (…1960, 1966, 1970). C'est en 2009, que l'album est sorti pour la première fois en CD, publié dans un premier temps sous le label Ulysse, en début d'année, puis par RDM Edition en octobre.

Jacques Romero, 01/2010



Article rédigé en 2007 puis réécrit en janvier 2010.

Note :

Jean Gabin interprétant un personnage mythique des océans, cela pouvait quelque peu surprendre si l'on s'en réfère à une grande partie de ses rôles au cinéma, excepté tout de même pour des films comme Remorques, Le baron de l'écluse ou encore de par le passé de son personnage dans Un singe en hiver. Mais comme évoqué dans cet article, l'acteur avait fait ses preuves sur l'élément liquide. Un récent ouvrage titré Gabin le marin - de Jean Moncorgé à Pépé le moko (septembre 2009) revient sur les diverses aventures maritimes que vécu l'artiste. Ecrit par René Bail pour Marines Editions, ce livre évoque son expérience militaire, de son service national dans la Marine en 1924-1925 (son fils Mathias fera de même en 1975), à son engagement dans le conflit mondial comme fusilier-marin dans la 2ème Division Blindée du Maréchal Leclerc, ainsi que les liens qu'il conservera avec ses compagnons d'armes.



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