roman

The Other Log of Phileas Fogg (Philip José Farmer, 1973)


The Other Log of Phileas Fogg (Philip José Farmer, 1973)
titre original :The Other Log of Phileas Fogg
titre français :Chacun son tour / L'Autre Voyage de Phileas Fogg
type :roman, 191 pages
année :1973
pays :États-Unis
auteur :Philip José Farmer
éditions :Daw (USA,1973), Terre de Brume (France, 2004)


A propos de cette œuvre

En 1874, Jules Verne écrivit Le Tour du Monde en 80 Jours. Exactement cent ans plus tard, Philip José Farmer décide non pas d’en faire une adaptation, ou un roman s’en inspirant, mais tout simplement de réécrire le récit de Verne. S’il s’est décidé à reprendre le texte d’origine, lui donnant de nouvelles formes sous sa plume, c’est qu’avant tout, Philip José Farmer soucieux de vérité, désirait lever le voile sur certaines zones d’ombres du roman. Ainsi, reprenant les grandes lignes tracées sur les pages du nantais, il y insère tout au long du parcours des rectifications sur quelques méprises de l’auteur. Erreurs éclairant un contexte nouveau dont Farmer prendra plaisir à révéler le récit parrallèle occulté par Jules Verne, et pour cause, méconnaissant la véritable identité de Phileas Fogg, l’auteur des Voyages Extraordinaires ne dira qu’assez peu de chose sur cet homme. Quant à savoir comment Farmer en sait plus que Verne sur Fogg, la toute dernière ligne de L’Autre Voyage de Phileas Fogg vous l’apprendra s’en que vous n’esquissiez un large sourire, ou selon votre sensibilité, qu’un éclat de rire vous échappe, ce qui est somme toute logique devant un ouvrage de l’un des plus grands ‘‘amuseurs’’ de la science-fiction. Car une fois encore, même si l’exercice que s’est imposé Farmer rend la lecture légèrement lourde, voire quelque peu ennuyeuse puisque l’on refait un tour du monde en 80 jours, et que c’est également la même expédition, on appréciera tout de même le nouvel éclairage sur le roman où le fantastique était quasi inexistant, pour devenir ici un véritable récit de science-fiction où Farmer a su marier et utiliser ses idées dans quelques espaces vides laissé par Verne.

Ainsi donc, Philip José Farmer nous emmène à nouveau faire le tour du monde en compagnie de Phileas Fogg et de Passepartout, ainsi que les autres personnages mis en scène par Jules Verne dans cette excursion encore plus mouvementée que celle racontée par ce dernier. Mais Farmer va tout de même introduire un personnage qui selon Verne ne faisait pas parti du voyage. Le capitaine Nemo, que tout le monde connaît pour son rôle tenu dans les deux grandes œuvres verniennes que sont Vingt mille lieues sous les mers et L’île mystérieuse, va ainsi accompagner Phileas Fogg dans son périple. Mais d’accompagnement, devrions-nous préciser qu’il s’agissait en vérité d’un combat acharné entre les deux hommes. A cet égard, si leur nature d’être humain est soulignée, il n’en reste pas moins qu’ils font parti de deux peuples extra-terrestres s’opposant et ayant infiltré l’humanité, désirant être civilisateur pour l’un, alors que l’autre veut la dominer. Phileas Fogg, Eridanéen d’identité et d’adoption, tente donc d’échapper au Capelléen Nemo. De ces extra-terrestres étant présent sur Terre depuis des siècles, on ne sait qu’assez peu de choses, si ce n’est que leur nombre décroît, cela en proportion avec l’activité que se livre les deux peuples, ainsi qu’une espérance de vie qui dépasse de loin celle des hommes et qui pourrait se compter en siècles, quand encore l’activité précédemment mentionnée ne vient pas entraver cet état. La longévité de ces deux peuples est inoculée aux terriens qu’ils adoptent, ainsi on peut plus que supposer que Fogg et le capitaine Nemo ont continué leur ‘‘entretien’’, et qu’ils le poursuivent peut-être encore, bien que l’activité d’écrivain de Farmer (gentleman ?) tenterait à prouver le contraire... A cet égard, on apprendra que Nemo prendra plus tard une nouvelle identité en la personne d’un certain Moriarty, faisant ainsi écho au texte Le professeur Moriarty, c'est le capitaine Nemo écrit par H. W. Starr (alias Bill Starr), spécialiste en science holmésienne, texte que l’on peut lire dans l’ouvrage Sherlock Holmes et la France (.Bibliothèque des Littératures Policières, 1996 / on peut y lire également Jules Verne s'est-il inspiré de Sherlock Holmes? de Cornélis Helling, co-fondateur en 1935 de la Société Jules Verne). Certain se diront que l’on a jamais vu le professeur Moriarty à bord d’un sous-marin. Certes, mais l’on s’amusera tout de même à voir celui-ci au commande d’un submersible dans le 12ème épisode Le trésor de la mer de la série d’animation Meitantei Holmes (Sherlock Holmes, 1981-84), adaptation réalisée par le studio TMS (Tokyo Movie Shinsha) avec l’illustre Miyazaki Hayao à la barre.
Ainsi, on peut également supposer, même s’il ne le mentionne pas, qu’au-delà du capitaine Nemo, le récit de Vingt mille lieues sous les mers aurait pu lui aussi être soumis à une relecture, même s’il offrait peut-être moins d’ouverture à cet exercice. Exercice qui par ailleurs fut maintes fois réalisé et l’est encore par divers auteurs sur l’œuvre ’’holmésienne’’ d’Arthur Conan Doyle, dont on retrouve un personnage dans L’Autre Voyage de Phileas Fogg. On apprendra toutefois envers les très rares informations liées au passé du capitaine Nemo, qu’il eut à une époque parmi son équipage, un membre qui n’était autre que Phileas Fogg. On notera encore que si le capitaine Nemo est bien présent, surtout par sa combativité, sa personnalité est tout autre que celle présentée par Jules Verne. Farmer a quasiment ôté ce qui lui restait d’humanité, pour en faire un être dont le seul but existentiel est de détruire ses ennemis. Toutefois, pour en revenir à la possible relecture des aventures sous-marines, il faut ne pas oublier que le récit de Vingt mille lieues sous les mers lié à celui de L’île mystérieuse recelait de nombreuses erreurs assez incroyables de la part de Verne, dont le temps qui séparait les deux histoires et divers autres éléments sur la continuité des évènements. L’article Un subterfuge submersible ou une preuve éclatante (faisant suite au récit de Farmer) écrit en 1959, et signé par H. W. Starr, revient justement sur ceux-ci, tout en appuyant déjà la filiation ‘‘Nemoriarty’’, ceci expliquant la personnalité du Nemo de Farmer.Ce dernier avait déjà procédé de manière identique l'année précédente, incluant un texte de Starr dans son roman Tarzan Alive / Tarzan vous salue bien.

Ce roman s’inscrivait dans l’œuvre de Farmer dans un genre qu’il affectionne quelque peu, celui du récit qui se base sur quelque personnage que tout le monde croit connaître, mais que l’on découvre sous un nouveau jour sous sa plume. L’exemple le plus parlant dans sa bibliographie étant son Tarzan vous salut bien, ou à un autre degré la saga Le Fleuve de l’éternité, où il mettra en scène un grand nombre de personnages historiques tels l’explorateur Sir Richard Francis Burton, Mark Twain ou encore Cyrano de Bergerac, les faisant vivre quelques aventures au-delà de leur mort.
Tout comme Verne, Farmer jouera quelque peu avec les mots et les noms. A cet effet, comme plus ou moins suggéré un peu plus haut, Philip José Farmer l’écrivain s’immisce à un tel point dans ses romans qu’il emprunte parfois l’identité de quelque personnage. Ce sera ici le cas, comme cela le fut dans Le Fleuve de l’éternité avec Peter Jairus Frigate, également romancier de science-fiction, ou encore dans son autre grande fresque fantastique La saga des hommes-dieux où conservant à nouveau ses initiales, il devint Paul Janus Finnegan, nommé Kickaha dans le monde à étages. De même dans cet autre voyage de Phileas Fogg, il sera question d’un moyen de déplacement nommé déphaseur, permettant de se rendre d’un endroit à un autre à la manière d’une téléportation. Ce style de moyen de transport est très souvent usité dans l’univers du romancier, comme dans les deux sagas précitées.
L’humour dont fait preuve Farmer envers les personnages qu’il met en scène est parfois assez proche de celui que l’on trouve dans quelques œuvres de Jules Verne, apposant un regard ironique sur leurs agissements, comme la grande littérature de science-fiction le fit au travers d’auteurs tels que Stanislas Lem ou Robert Sheckley, appuyant parfois le coté absurde de l’existence. De même, la dimension des écrits de Farmer impose une certaine monumentalité vernienne.

Même si ce texte reste toutefois en retrait dans l’œuvre de l’écrivain, manquant du souffle épique propre à Farmer, il permit à l’un des plus grands romanciers actuels de science-fiction, déjà considéré en 1968 comme un ‘‘dieu de la SF’’ par Gérard Klein, de rendre hommage à celui qui est estimé comme le père de celle-ci.



L’ultime défi de Sherlock Holmes de Michael Dibdin (1978)

Après avoir fait lecture du roman de P. J. Farmer, nous vous conseillons de vous plonger dans un texte des plus jubilatoires (dixit Claude Chabrol qui en signe la préface en 1994 et auquel nous nous joignons pour définir l’objet de ces lignes) avec le roman L’ultime défi de Sherlock Holmes écrit en 1978 par Michael Dibdin. En effet, si ces deux écrits, à savoir L’autre voyage de Phileas Fogg et L’ultime défi de Sherlock Holmes, n’ont semble-t-il aucune causalité entre eux, on peut toutefois leur accorder une correspondance en la personne du personnage du Professeur Moriarty. Si dans le premier ouvrage, l’on nous dévoile que cette identité fut façonnée par le Capitaine Nemo, dans le second, on apprendra que cette même identité était occupée par deux autres personnages tous aussi célèbres que le Docteur Watson, ce dernier étant censé avoir écrit cet ultime récit peu avant sa mort en 1926, et ayant précisé à son égard dans son testament, qu’il ne devait être rendu public qu’après 50 années passées, le dernier battement de son coeur faisant foi. Cette décision reposait sur les incroyables révélations de son auteur, seul détenteur de la vérité qu’il conserva pour lui seul jusqu’à la fin de sa vie, révélations qui nous apprendra bien évidemment qu’elles étaient ces deux autres personnalités qui étaient par ailleurs opposées l’une à l’autre, comme le bien et le mal.
Ainsi, Michael Dibdin nous offre ici une des plus fantastiques enquêtes de Sherlock Holmes, où celui-ci s’investit dans la recherche du meurtrier de Whitechapel, Jack l’éventreur ! Ellery Queen, alias Manfred Lee et Frederic Dannay, avait déjà mis le célèbre détective sur les traces du non moins célèbre criminel, cela en 1966 avec A Study in Terror (Sherlock Holmes contre Jack l’éventreur), mais de manière plus classique. Dibdin, tout en conservant dans sa narration un développement traditionnel, offre toutefois un texte d’un grand éclat stylistique.
Un point sur lequel l’on peut quelque peu s’interroger, et qui fait écho aux multiples personnalités que Nemo a pu endosser après l’aventure farménienne, et qui plus est n’est pas anodin, est présent dans le message soit disant crypter de Sherlock Holmes que l’on trouve dans L’ultime défi de Sherlock Holmes en page 204 (Ed. Rivages / Noir), et où le nom d’un Professeur Nemo y est consigné...

Jacques Romero, 11/2007

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