roman

Twenty Trillion Leagues Under the Sea (Adam Roberts, 2014)


Twenty Trillion Leagues Under the Sea (Adam Roberts, 2014)
titre original :Twenty Trillion Leagues Under the Sea
type :roman, 320 pages
année :2014
pays :Royaume-Uni
auteur :Adam Roberts
illustrations :Mahendra Singh
éditions :Gollancz (Londres)
site web :http://www.gollancz.co.uk/


A propos de cette œuvre

Ce roman – pour l'heure non traduit en France – est un hommage à Vingt Mille Lieues sous les mers de Jules Verne. Il est signé par Adam Roberts (1965-), professeur de littérature anglaise, mais aussi auteur de science-fiction avec des oeuvres telles Salt en 2000 (son premier roman non traduit en France), Gradisil en 2006 (Bragelonne, 2008) ou Jack Glass, l'histoire d'un meurtrier en 2012 (Panini Books, 2014). Il est également très connu pour les parodies humoristiques qu'il a écrit sur de célèbres univers comme celui de Star Wars en 2005 (La ''der'' des étoiles, Bragelonne, 2005) ou ceux entre autres de Matrix en 2004 et du Dr Who en 2006, s'illustrant également à ses débuts par celui de la Terre du Milieu en 2003 (Bingo le Posstit, Bragelonne, 2007).
En reprenant à son compte le monde sous-marin puisé à la source vernienne, de même que le style de l'écrivain français, avec de plus un titre faisant office de référence directe, Adam Roberts offre non pas une amusante parodie, comme celles précitées, mais un véritable roman fantastique où les liens qu'il entretient avec le récit de Jules Verne lui permettent d'explorer autant les profondeurs spirituelles que celles océaniques. Quelques soupçons d'humour font tout de même partie du voyage.

L'histoire de Twenty Trillion Leagues Under the Sea se déroule dans les années 50, peu après la mise à flot du tout premier sous-marin à propulsion nucléaire, l'USS Nautilus (SSN-571) – si l'on considère que l'action du roman se situe dans notre Histoire –, et plus précisément en 1958 alors que la marine française en a terminé avec la construction du Plongeur, un sous-marin à propulsion nucléaire conçu à partir des plans du capitaine Nemo qui auraient été retrouvés en Inde, faisant ainsi de ce vaisseau, une réplique du Nautilus. Financé en partie par un mystérieux milliardaire suisse, le Plongeur (dont le nom renvoie au véritable navire français élaboré entre 1859 et 1863 par le commandant Siméon Bourgois et l'ingénieur du génie maritime Charles Brun, et dont Jules Verne a pu découvrir la maquette lors de l'Exposition Universelle de 1867 alors que le navire était en cours de désarmement suite aux divers problèmes rencontrés lors des essais) est mis en service à Bayonne, le 29 juin 1958, ce dans le plus grand des secrets, afin d'effectuer sa première navigation avec à son bord un équipage composé de marins, d'ingénieurs et de scientifiques (Amanpreet Jhutti et Dilraj Ghatwala, deux spécialistes indiens du nucléaire), le commandement de cet effectif étant sous l'autorité du capitaine Adam Cloche (dans une première ébauche de son roman, Adam Roberts avait nommé ce personnage du nom de capitaine Mason, peut-être comme un clin-d’œil au comédien anglais James Mason qui interpréta le fameux capitaine Nemo dans la plus célèbre adaptation du roman que l'on doit à la compagnie Disney). Parmi quelques autres personnalités étant du voyage, signalons la présence d'un observateur en la personne d'Alain Lebret, celui-ci étant aux ordres du ministre de la Défense nationale Charles de Gaulle, ainsi que Pierre Boucher (lieutenant de vaisseau), Jean Billiard-Fanon (enseigne de vaisseau, de première classe), Annick Le Petomain dit 'Le Banquier' (second-maître), Alain de Chante, Denis Avocat, Jean Capot (matelots), Herluin Panier (cuisinier), ainsi que Eric Castor (chef ingénieur).
Le Plongeur va alors être confronté à une étrange odyssée. Ainsi, peu après son départ dans les eaux de l'océan Atlantique, suite à un incident mécanique ou un acte de sabotage, nul ne le sait, le sous-marin ne cesse de descendre jusqu'à atteindre dans un premier temps la limite du plateau continental. Cette descente imperturbable que personne à bord ne peut stopper devrait toutefois prendre fin quand les quelques 5000 mètres de profondeur de la plaine abyssale sera atteinte. Mais évidemment la peur s'installe quant à la pression que le Plongeur doit endurer et ce qu'il peut supporter, et ce qu'il va justement supporter ; les lois de la physique semblent ne plus être ce qu'elles étaient... Ainsi les jours et les semaines se succèdent, le navire continuant inlassablement sa descente, laissant supposer – aussi incroyable que cela puisse être – qu'il a depuis longtemps dépasser la limite du fond de l'océan (d'où l'incroyable trillion du titre représentant ici une distance dans les profondeurs qui ne peut avoir de sens dans la réalité scientifique, le titre usant également du terme « leagues » pour « lieues » qui est normalement utilisé pour la distance parcourue au dessus des mers et non en profondeurs). Perdu alors dans des abysses dont ils ne savent rien, si ce n'est qu'elles ne peuvent être en ce monde, certains membres de l'équipage sombrent également dans d'abyssales terreurs, ne pouvant repousser la sensation accentuée de claustrophobie, les sentiments paranoïaques qui s'insinuent en eux, la folie qui les submerge... et des monstres marins se découvrant à leur regard...
On pourrait voir en ce mystérieux fond sous-marin sans fin comme un écho au fameux maelström ayant englouti le Nautilus du capitaine Nemo dans le roman de Jules Verne, ce dernier n'ayant jamais donné d'explication précise quant à ce passage, si ce n'est que l'on apprend dans L'Île mystérieuse que le Nautilus s'en est extrait... à cet égard, comme pour relié par un conduit les deux romans, Jules Verne utilise au début de sa robinsonnade le terme « maelström aérien » pour désigner l'emprise d'une colonne d'air sur le ballon des futurs naufragés des cieux.

L'ouvrage même d'Adam Roberts, au travers de sa conception éditoriale et artistique, est encore un hommage à Vingt Mille Lieues sous les mers dans ses premières publications aux éditions Hetzel, avec les illustrations de Neuville et Riou. Ainsi le texte Twenty Trillion Leagues Under the Sea est également accompagné par de magnifiques dessins monochromes réalisés par Mahendra Singh, la nature artistique de ses quelques 33 planches renvoyant quelque peu aux gravures originales (une illustration pour chaque chapitre). L'atmosphère fantastique des représentations picturales de l'artiste québécois aux origines indiennes et allemandes (et né en Libye) ne sont pas sans rappeler quelques appréhensions lovecraftiennes que Mahendra Singh a ressenti à la lecture du récit plus celui-ci s'avançait dans les profondeurs plus qu'insondable. Appréciant particulièrement Dürer et Dali parmi les grands maîtres, Mahendra Singh a également été fortement influencé par des artistes français tels Moebius, Bilal ou Nicole Claveloux lorsqu’ils les a découvert dans Métal hurlant. On notera encore qu'en 2012, les éditions françaises Seghers ont publié La Chasse au Snark de Lewis Carroll traduit par Aragon, ce avec les illustrations que Mahendra Singh avait réalisé sous la forme d'un roman graphique en 2010 pour l'édition anglaise de cette oeuvre parue chez Melville House. Sur ce poème, le surréalisme de son ouvrage inspiré par des oeuvres pré-surréalistes entre autres de Dali, Magritte, Savinio ou Bosch, marque d'une certaine identité son art que l'on retrouve dans quelques illustrations de Twenty Trillion Leagues Under the Sea.

Adam Roberts avait déjà rendu hommage au romancier des « Voyages extraordinaires » en 2007 avec son roman Splinter qui était une prolongation d'une nouvelle qu'il avait intitulé « Hector Servadac, fils » (texte publié en 2005 dans le recueil The Mammoth Book of New Jules Verne Adventures, ouvrage où l'on pouvait lire également parmi la vingtaine de nouvelles y figurant « The Secret of the Nautilus » de Michael Mallory) et s'inspirant évidemment du roman Hector Servadac de Jules Verne (que Roberts traduisit lui-même à cette occasion pour accompagner son propre récit). En 2008, avec son roman Swiftly, Adam Roberts reprenait également une autre oeuvre pour concevoir la sienne, à savoir Les Voyages de Gulliver de Jonathan Swift. Ces deux textes sont restés inédits en France.

Jacques Romero, 06/2014

Les images de la galerie sont © Mahendra Singh / Gollancz


Galerie

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