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Nautilus (Zdeněk Rytíř, Otakar Petřina, 1969)


Nautilus (Zdeněk Rytíř, Otakar Petřina, 1969)
titre original :Nautilus
type :musique, rock progressif, 7 min 36 s
année :1969
pays :Tchécoslovaquie
textes :Zdeněk Rytíř
compositeur :Otakar Petřina
interprètes :Václav Neckář, Bacily
producteur :Bohuslav Ondráček (BOB-SERIE)
production :Supraphon (1969), Amiga (1974)
site web :http://www.supraphon.cz/


A propos de cette œuvre

Kdo ví, kde odpočívá Nautilus / Qui sait, où repose le Nautilus
Kdo ví, kde skončil svoji dlouhou pouť / Qui sait, où se termina son long voyage
Kdo ví, kde naposled se potopil / Qui sait, où il sombra pour la dernière fois
A nikdy víckrát už nevyplul. / Pour ne plus jamais naviguer.

Cette chanson interprétée par Václav Neckář, évoquant le Nautilus et son capitaine, s'interrogeant sur ce que l'homme et son navire ont pu devenir après qu'ils aient vécu sur le papier, ainsi qu'au travers des imaginaires de tous les lecteurs, emprunte dans la ballade qui la forme quelques atmosphères mélodiques du rock progressif alors naissant. On doit cette approche musicale au guitariste Otakar Petřina qui en signa la partition – c'est l'une de ses premières oeuvres – et qui composera beaucoup pour Václav Neckář dans le cadre du groupe rock Bacily (1971-1991, formation créée par le claviériste, guitariste, violoncelliste et clarinettiste Jan Neckář, le frère de Václav Neckář). Telle une légende qui nous est contée, avec quelques évocations énigmatiques, il est suggéré dans le texte de Nautilus que le souvenir magnifié du héros vernien devenu mythe naviguera quelque part, encore et toujours, dans les profondeurs de nos esprits, en nos pensées ou à leur surface.

La première interprétation de cette chanson tchèque jouée par l'orchestre du groupe Golden Kids date de 1969. Elle apparaît pour la première fois cette année-là sur un 45 tours accompagnée en Face B par le titre pop Spěchám. Puis, quelques semaines plus tard, en 1970, elle clôture le deuxième album du trio Golden Kids (1968-1971, première période) – Golden Kids 1 (Supraphon - 1 13 0736) – où sévissait Václav Neckář avec Helena Vondráčková et Marta Kubišová. La même année, avec la même orchestration dirigée par Josef Vobruba, elle figure également sur la première plage d'un album consacré à Zdeněk Rytíř, l'auteur qui en avait signé les paroles (Supraphon - 1 13 0915). En 1974, Václav Neckář reprendra et interprétera à nouveau ce Nautilus avec la formation rock Bacily sur un album édité en Allemagne de l'Est (RDA) sous la nomination Václav Neckář und Die Bazillen (Amiga). Les textes étaient à cet effet spécialement écrit et chanté dans la langue de Goethe, cela dans la perspective du lien communiste unissant les pays dits du Bloc de l'Est. Le texte de Nautilus y fut traduit et adapté par Ingeburg Branoner. Puis, en 1983, Václav Neckář aborde une nouvelle fois Nautilus sur l'album solo Příběhy, písně a balady 3 reprenant comme son titre l'indique des ballades qu'il a interprété tout le long de sa carrière. Bien évidemment, de par l'importance qu'elle prendra dans son répertoire, la chanson apparaîtra ensuite sur quelques albums de compilations, et elle sera souvent au programme lors des concerts de l'artiste.

Dans l'espace musical de l'ouvrage discographique Golden Kids 1, au côté de chansons plus classiques, et fait de quelques reprises dans une pop légère et joyeuse, la composition plus ténébreuse de Nautilus ponctuant l'album marquait l'ensemble par sa forme plus novatrice, celle-ci annonçant certains aspects structurels et conceptuels déployés par le groupe Bacily. Sur cette même Face B, on notera la présence du titre aux accents mélancoliques Malý princi, co c tvou růží qui était une reprise de la chanson A Flower in my garden composée en 1968 par Björn Ulvaeus et Benny Andersson (futurs créateurs d'Abba) pour le groupe suédois Hep Stars. Quant à la Face A, elle proposait quatre reprises sur six plages : Horoskop reprise de Qu'est-ce qui se passe dans mon coeur ?, chanson interprétée quelques mois plus tôt par Nicole Croisille, Proč mě nikdo nemá rád reprise de I say a little prayer que Burt Bacharach et Hal Davis écrivirent pour Dionne Warwick, Šel sen kolem nás reprise de Fox on the run de Manfred Mann, et Nejsi sám, kdo doufá reprise de Face it girl, it's over de Nancy Wilson.
C'est de fait dans l'album plus axé pop-rock Václav Neckář und Die Bazillen, enregistrement conçu spécialement pour le public allemand, que Nautilus s'intégrera mieux à l'ensemble des compositions reprises et issues pour la plupart des premiers travaux de Bacily avec, en ouverture, le rock nerveux du Doktor Dam Di Dam. Parmi les cinq partitions signées par Otakar Petřina sur les neuf chansons que contient l'album, outre son Nautilus, on soulignera la présence de la ballade folk Traumkind / Dítě snů dont on ressent l'influence de Suzanne de Leonard Cohen, ainsi que Le Royal (7 minutes) ponctuant la Face B, et dont la forme, le lyrisme et les résonances médiévales font écho à Nautilus ponctuant en ce cadre la Face A (les paroles sont également de Zdeněk Rytíř). Otakar Petřina développera encore son style dans quelques autres albums, comme parmi les plus marquants dans le genre progressif, et toujours avec Václav Neckář et Bacily, Tomu, kdo nás má rád en 1974 et Planetárium en 1977, mais aussi à son nom avec ses Super-robot en 1978 et 1982. Concernant les influences musicales, on peut notamment souligner pour Bacily et Otakar Petřina, celles entre autres de Pink Floyd dont on peut reconnaître dans l'introduction de la chanson Pět světelných let issue de Planetárium, les premières notes saccadées de One of These Days de l'album Meddle (1971) des fameux flamands roses. A cet égard, en 1981, sur l'album pop Sluneční věk, le groupe Bacily reprendra la seconde partie de Another brick in the Wall de Pink Floyd avec les chœurs de la chorale de Prague, Bambini di Praga. Le rock anglais aura été d'une grande prédominance pour les artistes tchèques, et nombre d'entre-eux y puiseront quelques inspirations et feront de même des reprises, comme encore le groupe Syncopy 61, autre grande référence du rock en Tchécoslovaquie, qui proche musicalement des Beach Boys dans les années 60, assimilera au début des années 70 le son et la forme du mythique groupe Uriah Heep, tout en reprenant plusieurs de leurs compositions...

Václav Neckář, l'interprète de la chanson Nautilus a obtenu, en plus d'une belle carrière musicale à son actif (débuté en 1964, à l'âge de 21 ans), de très beaux rôles en tant que comédien pour le grand écran, notamment dans les films du metteur en scène Jiří Menzel, Trains étroitement surveillés en 1966 et Alouette, le fil à la patte en 1969 (dont la projection de ce dernier sera interdite dans les salles de cinéma jusqu'en l989). Parmi sa discographie, on peut noter à ses débuts les reprises de Lady Jane des Rolling Stone, Massachusetts des Bee Gees, Winchester Cathedral / Svatovítský Chrám du groupe The New Vaudeville Band, ainsi que Mrs Robinson de Simon & Garfunkel, Runaway de Del Shannon, ou encore Suzanne de Leonard Cohen. Les textes de ces chansons étaient adaptés en langue tchèque, comme le fit pour la dernière citée Zdeněk Rytíř (Zdeňka Rytíře), le parolier de Nautilus qui écrivit de nombreuses chansons pour Václav Neckář, et qui a également adapté Like a Rolling Stone / Jako solnej sloup de Bob Dylan pour le musicien de blues Petr Kalandra. Soulignons encore qu'avec Golden Kids, Václav Neckář aura eu l'occasion de se produire en France en 1968, au MIDEM, à Cannes, ainsi qu'à l'Olympia ce printemps-là. Marta Kubišová a toujours en mémoire ce souvenir agréable qu'elle évoque pour Radio Praha. Il en fut de même pour le groupe tchèque Olympic en 1968-69 qui, lors de son séjour dans l'hexagone, se verra proposer par Johnny Hallyday de participer à ses concerts au Palais des Sports de Paris.

On ne peut évoquer ce Nautilus, dont le héros vernien représente une certaine liberté et par-delà la rébellion face à toute manifestation d'oppression, sans souligner le contexte historique où il fut créé. En effet, suite à l'invasion des troupes russes en 1968 en réaction au Printemps de Prague, le rock qui avait réussi à se développer à un certain niveau en Tchécoslovaquie sera quelque peu malmené sous l'autorité communiste de la Normalisation. Au contraire de quelques autres groupes comme Plastic People of the Universe qui subiront les foudres du pouvoir, Bacily a pu produire une oeuvre sans trop de contraintes, certes peu engagée en surface, mais toutefois agréable, à l'image de l'un de ses grands travaux avec le double album Planetárium sorti en 1977, année qui suivait celle de la création de la Charte 77 (manifeste qui prenait justement en partie comme élément déclencheur de ses revendications sur les Droits de l'homme, l'acharnement du gouvernement à l'encontre du groupe Plastic People of the Universe). Celle-ci sera signée notamment par Marta Kubišová, dont la carrière fut stoppée sous la pression du pouvoir communiste à la fin de son parcours avec Golden Kids, ses travaux personnels en parrallèle étant également interdits d'antenne comme la chanson Prière pour Marta qui deviendra un symbole de liberté. La fille de Marta Kubišová eut pour parrain Václav Havel (1936-2011), l'un des premiers signataires de la Charte 77... Nautilus, sans être le véhicule de quelque opposition face à la Normalisation, embarquait ses passagers dans des profondeurs spirituelles dessinant le souvenir d'un capitaine Nemo évanescent mais à l'aura toujours imposante dans sa représentation de la liberté, faisant du coeur des auditeurs, une même île mystérieuse...



Descriptif de l'album Golden Kids 1 (1970) du groupe Golden Kids sur la base de données Discogs.

Descriptif de l'album allemand Václav Neckář und Die Bazillen (1974) sur la base de données Discogs.


Nautilus (paroles)

Kdo ví, kde odpočívá Nautilus
Kdo ví, kde skončil svoji dlouhou pouť
Kdo ví, kde naposled se potopil
A nikdy víckrát už nevyplul.

Mäelström jej hýčká ve svém náručí
A v něm hlavu plnou zázraků
Kapitán, Nemo když mi poručí
Já vidím do lidí jako do vraků.

Vidím na tisíc vzácných pokladů
Které jen stěží někdo vyloví
Leží tam v troskách stranou pohledů
Na místech, o kterých se nikdo nedoví.

V hloubkách, kde může plout jen Nautilus
20 000 mil pod mořem myšlení
V troskách vašich duší a na dně slz je poklad
Který stěží někdo docení.

Na den tak vypůjčit si Nautilus
Stačím je jistě všechny zachránit
A očistit je od chaluh a od medúz a chobotnic
A nánosy bahna z nich odstranit.

A vzíti tu truhlu stříbrem kovanou
A víko klíčkem písní odemknout
Rozdávat lásku uvnitř schovanou až do dna
A potom zas dále plout.

Projít se Atlantidou křížem kráž
Vyrvat času, všechno, co nám zatajil
Najít staré mapy, bez nichž se nevyznáš
Tam v krajinách svého mozku na chodbách žil.

A tak jak Nemo řídil Nautilus
špatné a zlé pohřbít ve vlnách
Namířit příď do kýlu hrůz a nechat mořský proud
Aby je navždy splách.

A vzít z nich jen věci lidem potřebné
Jen soudek s dobrým vínem hloubavým
Jen smích pro malé děti nezbedné
Pro které to vlastně všechno vyprávím.

Stačí jen znovu najít Nautilus
A přístav, který znovu opustí
Tajuplný ostrov leží v každém z nás
A pan Jules Verne mi to jistojistě odpustí.

On ví, kde odpočívá Nautilus
On ví, kde odpočívá Nautilus
On ví, kde odpočívá Nautilus
On ví, kde odpočívá Nautilus
On ví, kde odpočívá Nautilus
On ví, kde odpočívá Nautilus.


Jacques Romero, 02/2012


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