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A propos de cette œuvreCe volume auquel nous consacrons ici quelques lignes n'est pas une adaptation dans le sens que nous lui prêtons en ce site qui, nous le rappelons, est un espace réservé aux œuvres ayant adapté ou ayant puisé pleinement leur inspiration dans les romans Vingt mille lieues sous les mers et L'île mystérieuse. En effet, cet ouvrage est tout simplement une traduction espagnole du roman de Jules Verne. Toutefois, comme quelques autres – voire de nombreuses en divers points du globe –, cette édition comportant des illustrations signées d'un grand artiste peintre, il nous semble intéressant de la présenter et d'émettre quelques commentaires la concernant, cela même si la qualité du texte et son contenu ne reflète pas scrupuleusement l'intégralité du roman de Jules Verne. Par ailleurs, ce volume n'en reste pas moins une traduction par laquelle des lecteurs espagnols ont pu découvrir à cette époque l'auteur ou son roman, et si son importance est relativement restreinte, cette édition comme tant d'autres peut apporter dans un ordre d'observation plus large quelques éléments dessinant la réception des oeuvres de Jules Verne dans le monde entier.L'iconographie de l'ouvrage est ici signée par Eduardo Vicente (1909-1968). L'artiste madrilène réalisa 24 superbes dessins en crayonné noir et gris, de même que 6 magnifiques planches en couleurs. La même année, pour le même éditeur, il illustra trois autres romans de Jules Verne, à savoir El Chancellor / Le Chancellor (Biblioteca Selecta, 67 ; 1932) et Las tribulaciones de un chino en China / Les tribulations d'un Chinois en Chine (Biblioteca Selecta, 68 ; 1932) traduit par Felipe Cabañas Ventura, ainsi que La vuelta al mundo en ochenta días / Le tour du monde en quatre-vingt jours (Biblioteca Selecta, 71 ; 1932) traduit par Miguel Bartual. Hormis ses illustrations verniennes, il ne semble pas que Eduardo Vicente est produit d'autres travaux dans un contexte éditorial similaire, si ce n'est qu'il concevra des affiches pour diverses manifestations ou illustrera quelques autres ouvrages, notamment poétiques comme pour l'écrivain Ramón Gómez de la Serna. A cet égard, dès les années 30, le peintre fut proche de personnalités littéraires et artistiques, parmi les plus respectées de l'époque, celles-ci étant admiratifs de ses oeuvres telles les poètes Juan Ramón Jiménez, Gerardo Diego et Pedro Salinas, les écrivains Eugenio d'Ors et José Ortega Y Gasset, ou encore le sculpteur Cristino Mallo, frère de la peintre Maruja Mallo (hélas, la guerre civile l'éloignera de certaines d'entre elles...). L'artiste, alors au tout début de sa carrière – il est âgé de 23 ans quand il illustre les volumes verniens – s'attellera particulièrement par la suite à couvrir de ses toiles les divers visages et paysages de sa ville natale et de sa région. Son style, reposant sur une certaine finesse et une naïveté désirée dans la mise en forme, avec une utilisation des couleurs aux tons chaleureusement sobre, transmettra à ses huiles, gouaches ou aquarelles, moult vues aux atmosphères légères mais d'une grande sensibilité poétique. Toutefois, quoique traités avec un certain classicisme, quelques sujets parmi les plus dramatiques qu'il peignit seront recouverts de manière plus abruptes, notamment ses nombreuses représentations évoquant la Guerre d'Espagne et les combattants républicains dont il prolongea la lutte sous ses pinceaux, dans des atmosphères aux sentiments quelque peu désabusés. Il fera à cet égard, parmi divers portraits, celui du poète Miguel Hernández (1910-1942) dont la courte vie prendra fin dans une prison de Franco. On soulignera également au sein de sa peinture un certain degré de romantisme qui s'en dégage, l'artiste ayant fait justement quelques copies de Francisco Goya dans le cadre des Las Misiones Pedagógicas , vaste campagne éducativo-culturelle ambulante lancée en 1931 et qui prendra fin avec le conflit civile débutant en 1936. Si ses illustrations verniennes semblent une exception artistique totalement oubliée par rapport à l'ensemble des magnifiques toiles qu'il créa tout le long de son Œuvre, elles n'en sont pas moins le résultat d'un bel ouvrage pictural reflétant déjà ce que sera une partie de cette dernière. Hélas, il reste relativement méconnu au dehors de son pays, au contraire de son frère Esteban Vicente (1903-2001). En effet, ce dernier deviendra avec Pollock, Kline et quelques autres encore, l'un des plus importants représentants de l'expressionnisme abstrait [Après un séjour à Paris entre 1929 et 1931 – avec une parenthèse de quelques mois à Londres – où il fait notamment la connaissance de Picasso et de Max Ernst, et exerce son talent à la création de décors pour le théâtre – séjour qui ponctue la fin de ses études artistiques entreprises à Madrid, à partir de 1922, à l'Académie royale des beaux-arts de San Fernando où son frère étudiera un peu plus tard également –, Esteban Vicente retourne en Espagne où il rejoindra les républicains dans leur combat, avant que d'être contraint à l'exil en 1936, aux Etats-Unis, où il deviendra citoyen américain en 1940]. Des travaux picturaux qu'Eduardo Vicente réalisa pour Vingt mille lieues sous les mers, on notera particulièrement la figure christique qu'il représenta sur l'illustration ornant la couverture de l'ouvrage. En effet, sur cette peinture annonçant l’œuvre littéraire, la scène choisie est celle où, dans les eaux de Ceylan, le capitaine Nemo vêtu de son scaphandre sauve un pêcheur de perle du danger qui le menace encore après l'attaque d'un requin (chapitre III de la seconde partie Une perle de dix millions). Eduardo Vicente met ainsi en scène le capitaine portant dans ses bras le pêcheur qui est comme la représentation du Christ dans certaines oeuvres artistiques religieuses, telle la Lamentation sur le Christ mort (1490-92) de Sandro Botticelli, magnifique tableau où l'on peut voir le fils de dieu soutenu par la Vierge Marie, Marie-Madeleine et les saints, ou encore parmi tant d'autres dans La Pietà de Michel-Ange, le Christ y étant allongé dans une posture semblable, sur les genoux de la Vierge Marie le soutenant. Comme l'avait notamment mis en relief Lionel Dupuy dans son texte Une métaphore écologique, le récit de Vingt mille lieues sous les mers émet quelques termes bibliques pour évoquer le capitaine et son sous-marin, comme lorsque le Nautilus est comparé à une arche sainte avec l'électricité qui lui donne sa puissance et sa lumière. De même au travers de ce vaisseau des mers et du parcours qu'il emprunte, traversant les océans sous une atmosphère teintée de diverses mythologies, le voyage est sensiblement proche d'une odyssée homérique, et le capitaine Nemo à tout du demi-dieu qui, sur l'île des Cyclopes, trompera Polyphème en lui disant se nommer Oûtis, ce nom se traduisant du grec ancien par ''personne'', signification de Nemo en latin. Toutefois présumé de la nature du capitaine comme proche d'un dieu ou d'un demi-dieu est peut-être par trop excessif, même si le portrait et l'image qui s'offre à nous au travers de son odyssée en fait un personnage d'une dimension autre que simplement humaine, et justement très proche du mythique Ulysse d'Ithaque. Aussi, si le capitaine Nemo n'est pas un dieu, il a en lui une présence qui pourrait se traduire en partie par celle d'un saint – tout comme son orgue appose encore une certaine sanctification au Nautilus et en fait une sorte de cathédrale des profondeurs (à l'inverse de celles voulant rejoindre les cieux) –, voire d'un ange exterminateur... Mais Eduardo Vicente, en faisant acte de création, s'inspirait tout de même pleinement des illustrations originales d'Alphonse de Neuville et d'Edouard Riou (gravées par Hildibrand) qui, plus ou moins sous l'impulsion du texte vernien, avaient mis également dans leurs représentations quelques évocations religieuses. Ainsi, leur dessin titré Un combat terrible s'engagea – issu du chapitre Une perle de dix millions – sur lequel reposera la création de la couverture de cette édition espagnole, a déjà cette essence divine soulignée dans la position étendue du pêcheur de perles, Eduardo Vicente appuyant encore un peu plus cet effet avec sa mise en scène, celle-ci venant dans le roman juste après celle illustrée par Neuville et Riou. Dans son inspiration, le peintre espagnol a repris également pour la représentation du requin, la morphologie ainsi que l'aspect que lui avaient donné les artistes français, tout comme il illustrera d'une manière assez proche les combinaisons des scaphandriers. Concernant la traduction du texte de Jules Verne pour cette édition destinée au lectorat juvénile, elle est due à Miguel Bartual. Chez le même éditeur espagnol, celui-ci traduisit Cinco semanas en globo / Cinq semaine en ballon (Biblioteca Selecta, 61 ; 1932), roman qu'il avait déjà traduit une première fois en 1917 pour la Biblioteca de La Nación (732ème volume), à Buenos Aires, en Argentine (parmi sa grandeur en nombre de volumes, La Nación publiera relativement peu de romans de Jules Verne, une vingtaine tout au plus). Il fit par ailleurs de nombreux autres traductions pour cette célèbre collection en Amérique du Sud, notamment sur des écrivains tels Charles Dickens, Sir Arthur Conan Doyle ou H. G. Wells, traductions qui seront justement plus ou moins reprises par les éditions espagnoles de Ramón Sopena. De Jules Verne, Miguel Bartual traduira également pour la collection de la Biblioteca Selecta La vuelta al mundo en ochenta días / Le tour du monde en quatre-vingt jours, Un descubrimiento prodigioso / Prodigieuse découverte et ses incalculables conséquences sur le destinées du monde, Un drama en los aires / Un drame dans les airs, et Un experimento del Dr. Ox / Une fantaisie du docteur Ox, ainsi que Los hijos del capitan Grant : viaje alrededor del mundo / Les enfants du capitaine Grant (Biblioteca Selecta, 63). Les éditions Ramón Sopena publieront également La Isla Misteriosa / L'île mystérieuse traduit en 2 volumes en 1932 par Pedro Pedraza y Páez (traducteur pour La Nación des deux derniers titres précités), dans la collection de la Biblioteca Selecta puis, en 1933, dans celle de la Biblioteca de Grandes Autores, ainsi que Miguel Strogoff / Michel Strogoff (traduit par Felipe Cabañas Ventura), De la Tierra a la Luna / De la Terre à la Lune (Biblioteca Selecta, 65 ; traduit par Gregorio Lafuerza), ou encore Viaje al centro de la Tierra / Voyage au centre de la Terre, Aventuras del capitán Hatteras / Voyages et aventures du capitaine Hatteras, Una ciudad flotante / Une ville flottante, Los forzadores del bloqueo / Les forceurs de blocus, Un capitán de quince años / Un capitaine de quinze ans et Historia de los grandes viajes y de los grandes viajeros / Histoire générale des grands voyages et des grands voyageurs (traduit par Pedro Pedraza y Páez). Aussi, au vu de ces liens soulignés entre La Nación et Ramón Sopena, la traduction du texte 20.000 leguas de viaje submarino par Miguel Bartual, pour l'éditeur Ramón Sopena, provient elle très certainement des volumes du même roman édité en 1917, en deux tomes, dans la collection de la Biblioteca de La Nación publiée à Buenos Aires (à moins que Miguel Bartual ait proposé une nouvelle traduction). Nous n'avons pu vérifier pour l'heure – mars 2011 – avec l'édition de La Nación, l'exactitude de ce propos qui est le notre, mais cela semble correspondre avec le fait que de nombreuses traductions de romans étant parues dans la collection de la Biblioteca de La Nación entre 1901 et 1924 seront reprises par les éditions de Ramón Sopena, passant du castillan argentin à celui de l'espagnol, se retrouvant ainsi dans la collection barcelonaise de la Biblioteca Selecta. Sur la collection La Nación, on peut justement lire la riche analyse Públicos leitores em formação: popularização das coleções de livros na Argentina (1901-1924), mémoire de Maitrise en Histoire rédigé par Rodrigo de la Torre Oliveira, sous la direction du professeur Gabriela Pellegrino Soares, à l'Université de São Paulo. On retrouvera encore, en 1957, en Argentine, la traduction de Miguel Bartual pour 20.000 leguas de viaje submarino, cela dans un volume de la collection Las obras famosas publié par les éditions Tor (Buenos Aires). Jacques Romero, 03/2011 Galerie d'images 1 : Illustration de la couverture signée par Eduardo Vicente pour Veinte mil leguas de viaje submarino dans la collection Biblioteca Selecta, aux éditions Ramón Sopena. 2 : Illustration Un combat terrible s'engagea signée par Neuville et Riou, issue du chapitre III Une perle de dix millions dans la seconde partie du roman Vingt mille lieues sous les mers. 3, 4, 5 : Illustrations de Eduardo Vicente pour Veinte mil leguas de viaje submarino dans la collection Biblioteca Selecta, aux éditions Ramón Sopena. 6, 7 : Couverture et page de titre de Veinte mil leguas de viaje submarino dans la collection Biblioteca de Grandes Novelas, aux éditions Ramón Sopena. 8 : Illustrations de la couverture de La isla misteriosa (tome 2) dans la collection Biblioteca de Grandes Novelas, aux éditions Ramón Sopena. 9, 10, 11 : Couvertures des trois autres volumes verniens illustrés par Eduardo Vicente pour la collection Biblioteca Selecta, aux éditions Ramón Sopena. Galerie![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]()
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