Nemo (Luis Porquet, 2008)


Nemo (Luis Porquet, 2008)
titre original :Nemo
type :album jeunesse
année :2008
pays :France
auteur :Luis Porquet
illustrations :Vincent Gibeaux
producteur :Christophe Chomant Editeur
site web :http://vincentgibeaux.canalblog.com/


A propos de cette œuvre

Cette oeuvre poétique et picturale n'est pas une adaptation de Vingt mille lieues sous les mers, mais elle rend hommage à ce roman au travers de son personnage à la dimension mythologique, le capitaine du sous-marin Nautilus.

Peintre, illustrateur, mais aussi acteur et metteur en scène de théâtre, Vincent Gibeaux donne à son Nemo, de même qu'à l'ensemble de son oeuvre picturale, un style dont la graphie emprunte quelque peu, si l'on peut dire, une partie de son essence aux arts précolombien et africain, tant au niveau des formes que des couleurs. C'est pour cet artiste une première oeuvre à l'intention de la jeunesse, quoique nombres de ses toiles s'accordent dans leurs structures à une certaine vision emprunter à l'être humain dans ces premiers âges, avec un degré de légèreté dans la représentation et dans l'approche des divers thèmes – mêmes adultes – auxquels il donne forme. Vincent Gibeaux signe également ici son premier livre né d'un projet en commun avec l'auteur et critique d'art Luis Porquet. Il s'exprime ainsi sur cet ouvrage dont il partage la création avec l'écrivain : Nous étions partis sur un projet de bestiaire et dans ses textes il y avait celui de “NEMO”. J’ai bien aimé l’idée du personnage de Jules Verne qui revient à notre époque constatant que rien ne s’est amélioré depuis sa propre époque. Et puis j’ai eu l’occasion de dessiner quelques poissons …et le Nautilus (extrait de l'interview donné sur le site Modez-moi).

Le processus de création de cette oeuvre s'étala sur toute la saison estivale de 2008 – avec entre autre atmosphère ambiante celle du dernier album de Ry Cooder venant de sortir – et donnera ainsi naissance à un album dans un petit format à l'italienne. Chaque planche prit minutieusement forme avec son dessin, suivi de l'application des couleurs et des peintures, puis le tracé des contours à l'encre pour les multiples sujets et détails représentés, et enfin l'ajout de collages avec divers éléments découpés ici et là. Les illustrations pleines de vie de l'artiste havrais, de par moult détails les composant, ornent ainsi dans une minutie architecturale pleine de couleurs franches et claires les vues et paysages dont il ressort toujours une sensation d'apaisement, même si quelques sujets pourraient prêter au contraire, comme avec Nemo dont quelques planches dessinent certaines horreurs, dont celle d'une marée noire. A cet égard, Vincent Gibeaux prend plaisir à mêler à ses idées de nombreuses références, comme avec ce poisson s'extrayant ou s'échappant de justesse d'une vague de pétrole, formation évoquant la fameuse grande vague de Hokusai, avec de plus un soleil rayonnant à l'arrière plan diffusant ses différents ''faisceaux'' de lumière comme ceux du drapeau militaire japonais (ou ceux encore du drapeau du Tibet). Quoique ses dessins diffusent une certaine naïveté dans leur forme, cela faisant en partie le charme de ses oeuvres, son Nemo est accompagné dans sa mise en perspective de messages d'une grande profondeur, tel l'utilisation du terme blablater démultiplié à foison après que la catastrophe eut lieu. Certaines de ses créations prenant vie avec nombre de collages donnent également l'impression d'observer un vitrail dans lequel la lumière passerait à travers la matière qui le compose, d'où émane en partie la formulation de Luis Porquet évoquant l'incandescence de ses couleurs : « … tout est d’une minutie irréprochable : le dessin, la mise en couleur, souvent incandescente, la représentation et un sens inouï du détail ».

L'association de ces deux personnalités peut-être soulignée par une vision, un regard porté sur le monde, ou plutôt une sensation d'apaisement entre l'humain et ce qui l'entoure que partagent les deux artistes. Parmi un grand nombre de références, Luis Porquet aime particulièrement les textes et les mots de Jacques Lacarrière, ainsi que ceux des poètes japonais dont Kenneth White, avec qui il s'est entretenu, avait rendu un bel hommage à l'un des plus illustres représentant du monde flottant – de même qu'au peintre Katsushika Hokusai –, mais aussi dans le domaine de la peinture, celle de Yasse Tabuchi. Vincent Gibeaux, lui, est justement influencé par un artiste du Pays du Soleil Levant dont l'oeuvre également rayonne d'une chaleureuse humanité, le réalisateur de films d'animation et dessinateur Hayao Miyazaki. Luis Porquet et Vincent Gibeaux ont également tous deux oeuvré dans le domaine musical, le premier ayant écrit pour divers artistes dont Graeme Allwright, et le second ayant illustré l'album The craft of love du groupe havrais Shubni dont les influences ont pour noms Nick Drake ou Jeff Buckley, ce même Buckley qui chanta Leonard Cohen, ce même Cohen que chanta Graeme Allwright...

Bien qu'ayant été ''édité'', le livre Nemo n'existe pas dans les librairies car, tout comme les ouvrages de La Fée des Mots qui a également Vingt mille lieues sous les mers parmi ses titres, il est disponible uniquement en le commandant directement à l'éditeur, le volume que l'on achète étant imprimé à la demande.



Exposition 2011

Les toiles de Vincent Gibeaux sont exposées à la Galerie Hamon, au Havre, jusqu'au 4 novembre 2011.

Jacques Romero, 03/2011


~ Interview ~

Entretien avec Vincent Gibeaux, le 28 mars 2011

1 / Comment le projet s'est-il concrétisé avec Mr Luis Porquet ? Votre rencontre ? Et comment est née l'idée de mettre en image l'un de ses textes ?

J'ai rencontré Luis Porquet lors du vernissage d'une de mes premières expositions sur Le Havre. Luis est critique d'art. Il a apprécié mon travail et nous avons décidé de travailler ensemble sur un album jeunesse. Nous n'avions pas de thème précis (un bestiaire était envisagé... si je me souviens bien). Quelques temps plus tard Luis m'a envoyé plusieurs de ses textes parmi lesquels se trouvait le NEMO. Le texte et les sujets qu'il abordait m'ont tout de suite plus et j'ai rapidement travaillé sur des croquis.

2 / Sachant qu'il avait déjà écrit préalablement cette histoire, il semble que vous ayez tout de même fait acte de création scénaristique au travers de vos illustrations qui prolongent et ajoutent encore aux mots de l'écrivain (le texte est composé un peu comme une poésie ou l'écrit d'une chanson) ?

Je pense que c'est justement le but du jeu, si je puis m'exprimer ainsi. L'illustration doit apporter des choses en plus du texte. Apporter plus d'éléments. Dans le cas du texte NEMO, il fallait ajouter l'idée du voyage, de la découverte – ce que j'essaye de faire avec les collages – , mais aussi montrer les effets dévastateurs de l'homme sur la planète, avec la marée noire notamment. Et puis j'aime faire quelques clins d'oeil : dans l'une des planches, les deux épaves sous-marines s'appellent La Méduse et la Licorne !

3 / Le texte a t-il également subit quelques influences de la part de vos illustrations, au point d'y apporter quelques modifications, où bien avez-vous travaillé sur celui-ci en dessinant chaque idée, tout en développant votre propre vision du texte ?

Non, nous n'avons pas du tout modifié le texte. J'ai exploré différentes idées pour certaines planches – celle du "Bla bla bla" m'a posé quelques difficultés –, d'autres ont été rapidement trouvées comme la vague noire, qui est une de celles que je préfère.

4 / Mr Luis Porquet vous a t-il donné quelques directives quant aux dessins que vous deviez produire ? Ou étiez-vous tel un compositeur écrivant, seul sur ses portées, sa partition graphique ?

Luis m'a laissé carte blanche. Je crois d'ailleurs me souvenir que j'ai travaillé sur les croquis pendant une petite semaine et quand ceux-ci ont été terminés, je lui ai envoyé une copie de la totalité. Tout lui a beaucoup plus et j'ai pu travailler sur les planches rapidement à la suite.

5 / Votre Nemo revient à notre époque pour constater ce que l'homme à fait des océans ? Mais ou était-il depuis tout ce temps ? Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cette histoire où il vient notamment en aide aux poissons ?

C'est peut être le fantôme du capitaine qui revient. Mais un fantôme ni bon ni mauvais, qui constate, dépité ce que l'homme a pu faire à sa planète.

6 / Vos illustrations de Nemo, comme l'ensemble de votre oeuvre fourmille de petits détails parfois évocateurs. Pourriez-vous évoquer un de ces détails dans Nemo dont vous êtes très satisfait quant à la référence ou message que vous vouliez faire passer ?

La planche BLA BLA BLA m'a donné pas mal de fil à retordre. J'avais pensé utiliser des collages, mais l'effet n'était pas suffisamment percutant. Puis j'ai pensé à l'utilisation que faisait Saul Bass des lettrages. Saul Bass était un grand graphiste américain des années 50, notamment auteur des génériques de plusieurs Hitchcock et inspirateur de la fameuse scène de la douche de PSYCHO. Je pense m'en être pas trop mal sorti...

7 / Quel fut votre première rencontre avec Jules Verne, et avec le capitaine Nemo ? Vos premières impressions alors ? Et que vous inspire maintenant l'odyssée du Nautilus et au-delà celle de Jules Verne ?

J'ai lu quelques ouvrages de Verne – Le rayon vert, De la Terre à la Lune –, et je me souviens d'une adaptation cinématographique de Michel Strogoff... Et l'année dernière j'ai lu Les Indes Noires. J'ai été surpris par le nombre de détails techniques d'une précision extraordinaire. Je rapprocherais l'oeuvre de Verne du courant artistique que l'on appelle le steampunk (genre qui s'est beaucoup inspiré du romancier des Voyages extraordinaires), courant qui m'attire beaucoup comme avec notamment le film d'animation Steamboy. L'idée de robots géants fonctionnant à la vapeur me plait beaucoup.

Nous remercions beaucoup Mr Gibeaux d'avoir répondu à ce petit entretien.

2011-04-01


Galerie

Nemo (Luis Porquet, 2008) Nemo (Luis Porquet, 2008) Nemo (Luis Porquet, 2008) Nemo (Luis Porquet, 2008)

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