pièce de théâtre

20.000 λεύγες κάτω από τη θάλασσα / 20.000 leyges kato apo ti thalassa (Takis Mellidis, Alberta Tsopanakis, 2005)


20.000 λεύγες κάτω από τη θάλασσα / 20.000 leyges kato apo ti thalassa (Takis Mellidis, Alberta Tsopanakis, 2005)
titre original :20.000 λεύγες κάτω από τη θάλασσα / 20.000 leyges kato apo ti thalassa
type :pièce de théâtre
année :2005
pays :Grèce
mise en scène :Alberta Tsopanakis
auteur :Takis Mellidis
musiques :George Bountouvis
interprètes :Panagiotis Lakiotis, Gerasimos Ntavaris, Dimitris Passos, Kostas Tzouvaras, Irène Anagnostopoulos
producteur :Dipethe Komotini (Théâtre Municipal et Régional de Komotini)
site web :http://www.dipethekomotinis.gr/


A propos de cette œuvre

En 2005, le théâtre grec Dipethe Komotini – structure faisant la promotion des diverses cultures helléniques et de la scène balkanique – décida de marquer le centenaire de la mort de Jules Verne avec la création d'une pièce adaptant Vingt mille lieues sous les mers. Celle-ci fut fidèlement retranscrite pour les planches par Takis Mellidis et mise en scène par Alberta Tsopanakis. Ainsi, alors que la France rendait pleinement hommage au romancier des Voyages extraordinaires avec de nombreuses manifestations, la Grèce, et plus précisément la ville de Komotini (en Macédoine Orientale et Thrace, dans la préfecture de Rodothe), faisait de même avec cette pièce en représentation du 2 février au 15 mars 2005. S'adressant à un très large public, le récit sous-marin se voyait ici proposer sur les planches avec, pour accompagner les éléments du décor et les comédiens à bord de la scène, quelques projections vidéo évoquant le milieu aquatique, cela au travers d'un hublot trônant au centre de l'arrière plan. Ces quelques images apportaient quelques lumineuses mouvances océaniques, et octroyaient sur les planches au travers de cette atmosphère, une certaine réalité du milieu aquatique. Parmi quelques autres originalités, les rôles concernant les marins, les journalistes et les indigènes de l'île Gueboroar étaient interprétés par les actrices Irène Anagnostopoulos, Maria Papadopoulos, Marita Chrissou, et Myrsini Lantzouraki, celles-ci apportant dans leur jeu scénique beaucoup d'humour. Elles s'exprimaient également au travers de la danse dont les mouvements étaient dirigés par la chorégraphe Myrto Papadopoulou, artiste ayant oeuvré parmi ses multiples et divers travaux sur deux pièces du Theatro Papoutsi (à ne pas confondre avec la photographe Myrto Papadopoulos, née tout comme elle à Athènes en 1978).

Lors d'un entretien, le Maire de Komotini – Tasos Vavatsiklis –, s'est exprimé quant à la magie émanant des récits de Jules Verne, et envers cet imaginaire qu'il appréciait retrouver sur la scène de sa municipalité. De même Sofia Meneselidou, alors directrice du Dipethe Komotini, a souligné son désir de produire ici une pièce s'adressant particulièrement aux enfants, mais aussi à ceux qui ont conservé quelque peu de cette âme liée à la découverte du monde vernien.
Alberta Tsopanakis, metteur en scène de cette adaptation, s'est réjouit pour sa part de diriger pour la première fois de sa carrière, une pièce en dehors de la scène athénienne. Soulignant qu'il est plus difficile de produire des spectacles dans une ville comme Komotini, elle a fortement apprécié l'ambiance et la collaboration très positive entre les artistes et les divers membres du personnel du théâtre. Consciente également que depuis quelques années, de par les travaux menés sur Jules Verne, l'oeuvre de l'écrivain a pris une dimension plus adulte, elle a tout de même légèrement axé son ouvrage scénique vers le jeune public, tout en voulant également toucher toutes les générations.
Quant à Panagiotis Lakiotis, l'acteur interprétant le capitaine Nemo, il était heureux de retrouver les planches de Komotini sur lesquelles il avait joué neuf ans plus tôt L'ours de Tchekhov. Il évoqua également l'agréable atmosphère qui régna sur scène, en amont, et lors des représentations de cette pièce vernienne. Le retrait du capitaine Nemo, son isolement au sein des océans, lui rappela également la pièce Les Oiseaux écrite par Aristophane en 414 avant J.-C. En effet, ce dramaturge grec créa, avec l'humour qui était le sien, une fable sur l'utopique désir de deux hommes d'abandonner la société humaine. Tout comme le capitaine Nemo ayant conçu son propre univers entre les cloisons de son submersible et par delà, dans le milieu aquatique, ils vont se défaire de leur condition, et se faire les créateurs d'une ville aérienne où les oiseaux seront les maîtres, et où celle-ci sera interdite aux hommes et aux dieux. Sans pertinence, on remarquera toutefois que dans la première partie de cette pièce, Pisthétæros et Evelpidès découvriront et observeront la faune ornithologique un peu, toute proportion gardée dans ces descriptions, comme Aronnax et ses compagnons le feront plus tard pour les espèces aquatiques au travers des vitres du Nautilus.

Cette pièce connue 45 représentations, cumulant quelques 4347 spectateurs, ce qui dans le cadre municipal du théâtre de Komotini était satisfaisant, mais quelque peu en dessous de la moyenne.


Jules Verne et la Grèce

Nous rappellerons que la Grèce de 1827 fut le théâtre de l'action, et par là-même le sujet historico-géographique et politique de L'Archipel en feu écrit par Jules Verne en 1884. Ce roman d'aventure, bien différent des oeuvres ''scientifiques'' de l'auteur, narrait ainsi la romance entre Henry d'Albaret, jeune officier Français, et Hadjine, de mère grecque, et fille du banquier Elizundo. Mais un pirate et esclavagiste grec du nom de Nicolas Starkos, en affaire depuis plusieurs années avec le père de Hadjine, et traitre à la nation hellénique – celle-ci luttant alors pour son indépendance –, tentera de défaire les liens unissant les deux amoureux, l'héritage d'Elizundo étant son véritable but. Elizundo doit justement une partie de sa fortune à ce misérable individu et à son immonde commerce, et de peur que le pirate ne dévoile cette vérité qu'il menace d'ébruiter, il se verra contraint de reprendre la main de sa fille qu'il avait mis dans celles du Français, pour la lui donner... la suite est comme un souffle épique et romanesque qui nous emmène là où l'on se doute que l'écrivain va nous emporter, après l'avoir soi-même quelque peu désiré. Certes ce roman de facture classique fait parti des oeuvres mineurs de Jules Verne, mais il reste tout de même très agréable à lire. Il fut toutefois critiqué par des lecteurs grecs qui se plaignirent, à l'époque de sa première parution en leur pays, de quelques descriptions étant particulièrement négatives à l'égard de certaines populations en quelques régions helléniques.

Tout comme la pièce faisant l'objet de cet article, L'Archipel en feu fut justement adapté théâtralement en 2005 par Nathalie Prokhoris et la Compagnie Trois…six…neuf, avec également le soutien de Phonie-Graphie, association faisant la promotion du grec moderne en France. Intitulé Jules Verne a-t-il mis le feu à l’Archipel, cet ouvrage scénique prenait tout simplement la forme d'une lecture-spectacle. Elle fut donnée les dimanche 4 et lundi 5 décembre 2005, à la Maison de la Grèce, à Paris. Pour évoquer le travail de la comédienne Nathalie Prokhoris, Présidente de l'Association Phonie-Graphie, et créatrice en 2001 de la compagnie Trois…six…neuf dont l'objectif est de mettre en voix, sur scène, des textes littéraires non théâtraux, nous vous conseillons la lecture d'une interview donnée à Encres Vagabondes, magazine d'informations et de critiques littéraires, où elle présente son art au travers d'une autre lecture-spectacle qu'elle a réalisé sur des textes de Colette. Cette interview n'est pas datée – si ce n'est qu'elle est inscrite dans la liste des entretiens réalisés entre 2005 et 2010 – mais ses dernières lignes, de par l'annonce du projet de lecture sur Jules Verne, laissent supposer qu'elle fut donnée en 2005.

Bien évidemment, on ne peut oublier que la Grèce fut également l'une des étapes du parcours du Nautilus dans Vingt mille lieues sous les mers, peu après que le submersible eût franchi le fameux tunnel Arabique. Le professeur Aronnax put ainsi observer les fonds marins de l'île de Scarpanto (Kharpathos), ainsi qu'une éruption sous-marine près de l'île Santorin. Mais entre temps, toujours en Mer Egée, dans les eaux de Candie (Héraklion en Crète), il aperçut au travers de la baie vitrée du submersible, un homme nageant dans ce milieu tel un poisson dans l'eau : Ne vous inquiétez pas, me dit le capitaine. C’est Nicolas, du cap Matapan, surnommé le Pesce. Il est bien connu dans toutes les Cyclades. Un hardi plongeur ! L’eau est son élément, et il y vit plus que sur terre, allant sans cesse d’une île à l’autre et jusqu’à la Crète. Jules Verne faisait ici référence à la légende méditerranéenne de Cola Pesce (pour son nom italien) ou Pesce Cola (nom ibérique) – ou encore écrit Niccolo Pesce ou Nicolas Pesce –, dont il existe de nombreuses variations, dont une hellénique. Le terme ''pesce'' est tout simplement le mot italien pour dire ''poisson'', cette légende ayant pris sa source en Sicile. Ainsi l'humain qui apparaît aux deux observateurs comme ce légendaire homme-poisson permet à Jules Verne d'affirmer encore, par fines touches, l'atmosphère mythologique de son récit. Cela montre également une partie de la nature du capitaine Nemo qui, tout comme ce Nicolas qui dépendait de corps et d'âme du milieu marin, est à bord de son Nautilus depuis bien trop longtemps pour pouvoir un jour s'en extraire à jamais. De plus, si Vingt mille lieues sous les mers n'est pas un récit d'ordre cosmogonique, la façon dont Jules Verne présente les fonds marins par rapport à l'humanité évoque dans une certaine perspective, et avec cette dimension narrative proche de certaines légendes, la naissance d'un nouveau monde où la vie terrestre et humaine pourrait évoluer. De même, l'immersion du capitaine Nemo touchant à un certain mysticisme de sa personnalité, le rapproche encore de Cola Pesce qui fut utilisé dans certaine légende incluant un plongeon cosmogonique.

Suite à cette scène, c'est un aspect historique et politique qui est suggéré. Ainsi, de par les observations du scientifique français, on voit tout d'abord le capitaine remplir un coffre de lingot d'or. Celui-ci sera ensuite transporté par quatre hommes de l'équipage. Puis, peu de temps après, le canot du Nautilus quitte se dernier pour une destination inconnu, emportant d'après les bruits que le professeur Aronnax a pu percevoir, le coffre et la fortune qui l'accompagne. Bien que le roman n'en dise rien, le narrateur ne pouvant deviner ce qui se déroule, Jules Verne laisse ici le lecteur supposer que le capitaine Nemo participe à sa façon à la lutte pour l'indépendance de la Crète. A cet égard, au moment où Aronnax et ses compagnons commencèrent leur voyage à bord du Nautilus, la Crète était encore sous la domination ottomane, même si la Grèce avait acquis son indépendance depuis 1832. Ainsi, la Crète se battra encore pendant plusieurs décennies pour redevenir un île hellénique en 1898. On remarquera par ailleurs, sans aucune pertinence, cela étant sans doute de l'ordre du hasard, que le voyage du Nautilus – du moins sa première apparition signalée jusqu'à sa disparition dans le maelström – correspond à la période de l'une des grandes insurrections crétoises ayant eu lieu, dans sa phase active, entre l'été 1866 et le printemps 1869. C'est justement lors de cette dernière période que le premier épisode de Vingt mille lieues sous les mers fut publié dans le Magasin d'éducation et de récréation, alors que la révolte crétoise était considérée comme maitrisée.

Si l'on évoque ainsi la Grèce avec Jules Verne, alors on ne peut éviter d'associer et de voir en l'oeuvre vernienne, celle homérique des écrits de L'Illiade et surtout de L'Odyssée. De fait, cette dernière est comme transposée dans l'oeuvre du romancier du 19ème siècle, notamment dans cette autre odyssée que celle entreprise à bord du Nautilus par le capitaine Nemo. Par ailleurs, à l'égard de celui-ci, sur l'île des Cyclopes, Ulysse trompera Polyphème en lui disant se nommer Oûtis, qui comme Nemo en latin, se traduit en grec ancien par ''personne''. De même, le roman de Verne évoquera clairement à quelques reprises, et parmi d'autres références helléniques, le récit homérien, notamment quand Aronnax découvre les oeuvres du poète dans la bibliothèque du capitaine, où quand ce même Aronnax voit en Ned Land comme une sorte d'Homère canadien : Peu à peu, Ned prit goût à causer, et j'aimais à entendre le récit de ses aventures dans les mers polaires. Il racontait ses pêches et ses combats avec une grande poésie naturelle. Son récit prenait une forme épique, et je croyais écouter quelque Homère canadien, chantant L'Iliade des régions hyperboréennes.
En 1974, l'illustre Michel Serres souligna au travers de son précieux savoir cette approche distante de quelques 27 siècles dans son ouvrage Jouvences sur Jules Verne. Ainsi, si le périple sous-marin conté par l'auteur des Voyages Extraordinaires est comme un écho à L'Odyssée d'Homère, il en est de même de toute l'oeuvre vernienne, ainsi que de l'écrivain qui, en un siècle et demi, est devenu une figure littéraire dont une certaine dimension mythologique est parvenue à s'imposer en nos esprits, telle celle de son ainé de l'antiquité.




20.000 leyges kato apo ti thalassa - Dipethe Komotini

Equipe de production

Roman : Jules Verne / Ιούλιος Βερν
Adaptation : Takis Mellidis / Τάκις Μελλίδης
Mise en scène : Alberta Tsopanakis / Αλμπέρτα Τσοπανάκη
scénographie : Thomas Ekonomakos / Θωμάς Οικονομάκος
costumes : Maria Kotseta / Μαρία Κοτσέτα
chorégraphie : Myrto Papadopoulou / Μυρτώς Παπαδοπούλου
musique : George Bountouvis / Γιώργος Μπουντουβής
production : Dipethe Komotini / ΔΗ.ΠΕ.ΘΕ. Κομοτηνής [Théâtre Municipal et Régional de Komotini / Δημοτικό Περιφερειακό Θέατρο Κομοτηνής]

Interprètes des personnages de premier plan

Le Capitaine Nemo : Panagiotis Lakiotis / Παναγιώτης. Λακιώτη
Ned Land : Gerasimos Ntavaris / Γεράσιμος Ντάβαρης
Conseil : Dimitris Passos / Δημήτρης Πάσσος
Le Professeur Aronnax : Kostas Tzouvaras / Κώστας Τζουβάρας

Interprètes des marins, journalistes, et indigènes de l'île Gueboroar

Irène Anagnostopoulos / Ειρήνη Αναγνωστοπούλου
Maria Papadopoulos / Μαρία Παπαδοπούλου
Marita Chrissou / Μαρίτα Χρύσου
Myrsini Lantzouraki / Μυρσίνη Λαντζουρακη

Jacques Romero, 10/2010

Les photos de la galerie sont extraites du site du théâtre Dipethe Komotini © ΔΗ.ΠΕ.ΘΕ. Κομοτηνής


Galerie

20.000 λεύγες κάτω από τη θάλασσα / 20.000 leyges kato apo ti thalassa (Takis Mellidis, Alberta Tsopanakis, 2005) 20.000 λεύγες κάτω από τη θάλασσα / 20.000 leyges kato apo ti thalassa (Takis Mellidis, Alberta Tsopanakis, 2005) 20.000 λεύγες κάτω από τη θάλασσα / 20.000 leyges kato apo ti thalassa (Takis Mellidis, Alberta Tsopanakis, 2005) 20.000 λεύγες κάτω από τη θάλασσα / 20.000 leyges kato apo ti thalassa (Takis Mellidis, Alberta Tsopanakis, 2005) 20.000 λεύγες κάτω από τη θάλασσα / 20.000 leyges kato apo ti thalassa (Takis Mellidis, Alberta Tsopanakis, 2005) 20.000 λεύγες κάτω από τη θάλασσα / 20.000 leyges kato apo ti thalassa (Takis Mellidis, Alberta Tsopanakis, 2005)

<< liste des œuvres