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C'est Eddy - Sœur Âme (Claude Nougaro, Eddy Louiss, 1971)


C'est Eddy - Sœur Âme (Claude Nougaro, Eddy Louiss, 1971)
titre original :C'est Eddy - Sœur Âme
type :chanson, album 33 tours
année :1971
pays :France
textes :Claude Nougaro
compositeur :Eddy Louiss
producteur :Jean-Claude Desmarty, Studio des Dames (Paris)
production :Philips
site web :http://www.nougaro.com/


A propos de cette œuvre

En 1971, dans son album Sœur âme, Claude Nougaro (1929-2004) écrira les paroles d'une chanson dédiée à l'organiste Eddy Louiss. Ce musicien accompagnait déjà le chanteur Toulousain depuis 1964, année où il fut justement récompensé par l'Académie du Jazz du Prix Django Reinhardt. Il accompagnera encore Claude Nougaro pendant plusieurs années, jusqu'en 1977. Intitulée tout simplement C'est Eddy, cette chanson mettait en relation le capitaine Nemo et l'orgue du Nautilus, avec Eddy Louiss et l'instrument dont il est, dans l'univers du jazz, reconnu comme l'un des plus illustres musiciens. C'est lui qui composera à cet effet la musique de cette partition, et qui accompagnera de son clavier le texte de Claude Nougaro. La seule sonorité de l'orgue se lia ainsi à la voix du chanteur dans une langoureuse partition plongeant dans les fonds obscurs, mais sereins, des deux artistes. Le silence de la mer, et plus particulièrement des profondeurs océaniques, est présent dans cette chanson, aussi bien au travers des notes de musiques, que des mots égrenés sur celles-ci. De même, la résonance interne du submersible qui se confond avec l'instrument y est ressentit. Ainsi, comme une plongée dans le sous-marin, telle une cathédrale des eaux, Eddy Louiss est au-delà de Nemo, comme un poisson dans l'eau, et les sons qu'il tire de son orgue, sont comme ces eaux se laissant allées au gré d'une apaisante apesanteur dans l'atmosphère océanique, et les fonds ultra-utérins.
En soulignant ce parallèle, entre le capitaine du Nautilus et Eddy Louiss, le poète imposait de la sorte une image musicale de l'organiste dans un ordre de grandeur fantastique, comme si le musicien était un maitre dans l'océan de la planète jazz. Stan Getz, avec qui il joua au début des années 70, n'avait-il pas dit de lui qu'il était un ''génie'' ? Michel Petrucciani, avec qui il partagea la scène en 1988, puis lors d'une mémorable ''conférence'' en 1994, n'en pensait pas moins.
Cette chanson, parmi cet album, bien que d'aspect plus légère comme Petit homme, c'est l'heur' de fair' dodo qui conclut l'ouvrage, laisse comme les autres, s'émousser quelques noirceurs de sa soeur âme qui s'ouvrait à ceux, alors à l'écoute. Cette ombre s'écoulait encore en divers espaces de l'album, sur une neige reposant au sol comme une tombe, et liait par une ivresse de mots un grain de beauté à son grain de folie, ou entamait une ronde avec le seul vers de Musset les plus désespérés sont les chants les plus beaux, ou faisait encore résonner la vie au travers des tuyaux d'un hôtel. Un album brillant dans un certain crépuscule, tel celui reposant au fond de l'océan plongé dans une obscurité dont les êtres des abysses, tels les mots du poète Gascon, sont emplis de lumière.

En 1974, Claude Nougaro et Eddy Louiss feront une autre plongée, mais d'un genre bien différent dans l'album Récréation avec Le scaphandrier, reprise de la chanson de René Baer et Léo Ferré dont les paroles, quoique très amusante sur la fin, sont considérées par les féministes comme misogynes... Eddy Louiss jouera également avec un autre grand artiste de la scène de la chanson française - Jacques Higelin - qui lui-même faisait cracher sur la Lune le capitaine Nemo dans sa chanson Paris-New York, New York-Paris, destination outre-atlantique qu'empruntera notamment Claude Nougaro pour enregistrer son Nougayork.
Le chanteur rendra également un petit hommage à Jules Verne, sur la piste du Cirque d'Amiens, devenu depuis le Cirque Jules Verne. Il y dira de l'écrivain qu'il était le capitaine des mots..., comme lui-même s'était défini capitaine des mots dans une mer de musique, cela notamment lors de L'Amour Sourcier, en 1994, une création radiophonique du journaliste Jacques Bonnadier. Le poète s'y exprimait alors sur lui-même, dans une conversation, sur les ondes de Radio France.

Claude Nougaro se plaisait de la sorte à évoquer musicalement - outre ses sentiments personnels - les personnes lui étant proches et qu'il aimait, ce qu'il fera tout le long de sa carrière. Il fit ainsi de même en 1975 dans l'album Femmes et famines, avec Lettre de Julos Beaucarne, reprenant la chanson écrite par l'artiste wallon qui venait de perdre son épouse cette année-là, ou encore en 1980 dans l'album Assez !, avec la chanson Le coq et la pendule écrite pour le pianiste Maurice Vander - qu'il surnommait ''le coq'' - autre illustre musicien qui oeuvrera longtemps à ses cotés. En 1965, il avait également rendu un hommage posthume à son ami, le poète Jacques Audiberti, qui venait de mourir. Il écrira alors, en évoquant le père de celui-ci, La chanson du maçon.

Il est probable, du moins peut-on l'imaginer avec légèreté, que si le capitaine Nemo vivait encore, s'il avait été au-delà de son existence que lui a offert Jules Verne, s'il parcourait toujours les mers en ce 21ème siècle, et qu'il avait suivi les évolutions d'après-guerre, il aurait effectué sans nul doute quelques modifications à son navire. Parmi celles-ci, peut-on supposer, l'intérieur du Nautilus aurait-été réaménagé, et divers éléments du mobilier modifiés ou bien remplacés. Peut-être alors en aurait-il été de même pour l'instrument de musique trônant dans le salon du submersible. L'état d'esprit du capitaine aurait pu avoir subit quelque influence extérieur, notamment sur ses goûts en matière musicale, et la sonorité de l'orgue Hammond lui apporter une nouvelle inspiration au travers d'artistes l'ayant sublimé, tel Jimmy Smith, l'un des plus emblématiques claviéristes du genre, musicien qui inspirera justement Eddy Louiss dans le choix définitif de son instrument...

Depuis, après bien d'autres plongées, Claude Nougaro s'en est allé rejoindre son océan, non pas l'un de ceux parcourus par le capitaine Nemo, mais ce cours d'eau qu'il a chanté un jour, celui de Garonne...



L'album 33 tours Sœur Âme, sorti en avril 1971, était composé des chansons suivantes :

Face A

1. Sœur âme ''Sister Salvastion'' (Claude Nougaro / Slide Hampton) - 2'47''
Arrangements et direction musicale : Jean-Claude Vannier

2. La neige (Claude Nougaro & Frank Dallone / Claude Nougaro) - 4'38''
Arrangements Maurice Vander - Eddy Louiss

3. Un grain de folie (Claude Nougaro & Jean-Claude Vannier) - 2'23''
Arrangements et direction musicale : Jean-Claude Vannier

4. C'est Eddy (Claude Nougaro & Eddy Louiss) - 2'57''
A l'orgue : Eddy Louiss

5. Le cycle Amen (Claude Nougaro & Eddy Louiss) - 3'36''
Arrangements rythmiques : Eddy Louiss - Arrangements quator à cordes : Jean-Claude Vannier

6. C'est ça la vie (Claude Nougaro & Frank Dallone / Claude Nougaro) - 2'10''
Arrangements et direction musicale : Ivan Jullien

Face B

1. Armé d'amour (Poème de Claude Nougaro sur un thème de Robert Schumann) - 3'56''
(Blumenstück)

2. Mater (Claude Nougaro & Frank Dallone / Claude Nougaro) - 3'10''
Arrangements rythmiques : Eddy Louiss, Maurice Vander - Arrangements : Christian Chevallier

3. Maudit (Claude Nougaro & Frank Dallone / Claude Nougaro) - 1'58''
Arrangements et direction musicale : Jean-Claude Vannier

4. A Musset (Claude Nougaro & Frank Dallone / Claude Nougaro) - 2'39''
Arrangements : Eddy Louiss, Maurice Vander

5. La décharge (Claude Nougaro & Michel Legrand) - 2'58''
Arrangements et direction musicale : Michel Legrand

6. Petit homme, c'est l'heur' de fair' dodo (Maurice Sigler & Al Hoffman & Mabel Wayne & Louis Hennevé & L. Palex) - 2'45''
Arrangements rythmiques : Maurice Vander - Arrangements quator à cordes : Jean-Claude Vannier



Son : Jean-Claude Charvier, Philippe Lerichomme
Production : Philips, Jean-Claude Desmarty
Enregistré au Studio des Dames, à Paris
Préface : Marie-Louise Roubaud
Photo : Jean-Jacques Bordier





C'est Eddy

Hors de l'eau un orgue a surgi
C'est pas Nemo
C'est Eddy
A l'horizon l'orgue se hisse
Ho hisse et ho
C'est Louiss

Tandis qu'il y en a qui attendent le bus
Il glisse à bord de son ruisselant Nautilus
Puis replongeant vers des fonds ultra-utérins
Délicieux terrain
Il navigue loin
Près du port un orgue a jailli
C'est pas Nemo
C'est Eddy

Port tu m'as l'air crapuleux
Ton air libre n'est pas bleu
Mais trouble
Dans l'algue l'orgue est reparti
Rire et sanglot
C'est Eddy

Sous le plafond des flots, phosphorescent vitrail
Dans l'opalin palais d'éponge et de corail
Il improvise un Te Deum pour son public
Pour le Titanic
Ou bien Moby Dick
Par vagues d'assaut il vagit
Puis plus un mot
C'est Eddy

Ensuite il tousse une sèche
Sur le seuil du "Chat qui pêche"
Eddy
Tout est dit

Paroles : Claude Nougaro / Musique : Eddy Louiss © Edition du Chiffre Neuf

Edition du Chiffre Neuf : édition créée par Claude Nougaro en 1974.

Jacques Romero, 05/2010



En 1984, Emmanuel Bex (né en 1959), autre pianiste organiste, a lui aussi approché l'univers vernien au son de son Hammond, en adaptant sous la forme d'une oeuvre musicale, en y associant également images et textes, le roman Le Rayon Vert. Il obtiendra pour cette oeuvre, l'une des premières qu'il écrivit, le Prix de Composition de la Sacem. Deux ans plus tôt, alors qu'il avait dix années de conservatoire à son actif, et quelques prix, il rencontra Eddy Louiss, ce qui le décidera alors à choisir l'orgue Hammond pour principal instrument... De même, plus récemment en 2007, le musicien Didier Martel évoquait sur son orgue numérique, au gré des notes, mais également des mots et des illustrations, le roman L'île mystérieuse.

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