pièce de théâtre

Ventimila leghe sotto i mari (Stefano Artissunch, Alessandro Marinelli, 2008)


Ventimila leghe sotto i mari (Stefano Artissunch, Alessandro Marinelli, 2008)
titre original :Ventimila leghe sotto i mari
type :pièce de théâtre, 70 min.
année :2008
pays :Italie
mise en scène :Stefano Artissunch
auteur :Stefano Artissunch, Alessandro Marinelli
interprètes :Stefano Artissunch (capitan Nemo), Alessandro Marinelli (Aronnax), Alessia Bedini (Ned Land)
producteur :Synergie Teatrali d’Ascoli Piceno
site web :http://www.synergieteatrali.com/


A propos de cette œuvre

Stefano Artissunch, auteur et metteur en scène de cette libre adaptation de Vingt mille lieues sous les mers, et également interprète de son fameux capitaine, avait eu précédemment divers succès notables. On soulignera notamment parmi ses premiers grands rôles, son jeu de comédien dans la trilogie féminine de Madame Bovary (Gustave Flaubert), Carmen (Prosper Mérimée) et La dame aux camélias (Alexandre Dumas fils). Ces pièces furent mises en scènes par Giancarlo Sepe entre 2000 et 2004, au sein de la compagnie de ce dernier, le Teatro La Comunità. Stefano Artissunch y donnait la réplique à Monica Guerritore qui y oeuvrait dans les rôles titres. Récemment, il a retrouvé sur les planches cette célèbre actrice du grand et du petit écran italien, celle-ci interprétant et mettant en scène sa vision de Giovanna d’Arco (Jeanne d’Arc).
Puis, en 2003, il écrit et met en scène sa première pièce, avant de co-créer en 2005 la compagnie Synergie Teatrali*. A partir de 2007, outre sa représentation du Decameron de Boccace où il fait preuve de beaucoup d’humour, et un spectacle sur Edgar Allan Poe, Stefano Artissunch s’est intéressé en tant que metteur en scène au médecin, astrologue ou encore philosophe Francesco Stabili dit Cecco d’Ascoli (1269-1327, envieux de l’œuvre de Dante qu’il aurait peut-être rencontré) dans sa pièce l’Eretico, celle-ci évoquant sa condamnation au bûcher par l’Inquisition (représentations en 2007-08), puis au célèbre Don Chisciotte (Don Quichotte, représentations en 2008-09) dans une adaptation des plus amusantes et divertissantes, et enfin au non moins renommé capitaine Nemo (représentation en 2008-09). Pour ce dernier, alors qu’il réfléchit au choix d’une prochaine œuvre à mettre en pièce, il hésite avec le célèbre roman Le baron perché que son compatriote Italo Calvino écrivit en 1957. Contrairement au récit de Jules Verne, celui-ci est, dans l’espace qu’il présente, à l’opposé des fonds marins, puisque se déroulant dans les arbres, au plus près du ciel. Mais son personnage a toutefois de nombreux points en commun avec le capitaine du Nautilus, à commencer par la solitude qu’ils ressentent tous deux face à l’humanité, et cette envie de s’en détacher, l’un au plus haut des arbres, l’autre au plus bas des fonds marins à bord de son submersible. Le choix de Stefano Artissunch, que ses collaborateurs Alessandro Marinelli et Alessia Bedini partageront, se portera finalement sur Vingt mille lieues sous les mers, l’artiste ayant une certaine affection pour le milieu naturel marin, étant né et ayant vécu toute son enfance près de la Rivière du Corail (Riviera del Corallo), à Alghero, au nord-ouest de la Sardaigne.

La première de cette pièce fut jouée le mardi 9 septembre 2008, au théâtre Dell'Arancio de Grottammare (station balnéaire de l'Adriatique). Cette représentation, qui fut dûment applaudi, entrait dans le cadre de la 14ème réunion nationale du Teatri Invisibili, se déroulant du 2 au 24 septembre 2008, notamment au Teatro Concordia et au Teatro dell’Olmo, à San Benedetto del Tronto. Ventimila leghe sotto i mari était l’un des douze spectacles proposés.

Pour Stefano Artissunch, la personnalité du capitaine Nemo est à la fois simple et complexe. Dans l’univers littéraire, son aura est quelque peu dans la continuité du personnage de Don Quichotte qu’il a interprété et mis en scène également, et qui fut joué de même lors de la 14ème réunion nationale du Teatri Invisibili.
Du roman original, seulement trois personnages sont représentés sur scène : bien évidemment le capitaine Nemo campé par Stefano Artissunch qui compose de belle manière le coté obscur de cet individu, le professeur Aronnax interprété quelque peu avec ironie par Alessandro Marinelli (Sancho Panza dans Don Quichotte), ainsi que le harponneur Ned Land incarné ici par l’actrice Alessia Bedini (Dulcinée dans Don Quichotte). L’eau étant l’un des thèmes dominant de la pièce, voire le quatrième acteur, un soin particulier est porté sur l’influence de la lumière, sur les différents effets qu’elle peut produire pour évoquer l’élément liquide. On retrouve ainsi quelques scènes phares du roman, comme la chasse dans la forêt de Crespo, le voyage jusqu'au Pôle Sud, la découverte des ruines de l’Atlantide, ou encore la traversée du passage sous l’isthme de Suez, pour aller de la Mer Rouge à la Mer Méditerranée. Au travers de cette adaptation, Stefano Artissunch inscrit l’œuvre de Jules Verne dans une réflexion positive de l’existence, comme un hymne à la vie.



*La compagnie Synergie Teatrali, dont les locaux se situent à Ascoli Piceno (dans la province du même nom, au bord de l’Adriatique / Francesco Stabili dit Cecco d’Ascoli y est originaire) fut créée en 2005 par Stefano Artissunch, Veronica Barelli et Danila Celani. S’inscrivant dans la recherche et l’expérimentation, ce jeune théâtre se veut une référence dans la région de Marches où il s’impose déjà de part la qualité et l’originalité de ses productions.



Stefano Artissunch – survol de ses premiers pas sur les planches...

Stefano Artissunch est diplômé de l’Ecole de Théâtre de Bologne (Scuola di Teatro di Bologna) fondé par Alessandra Galante Garrone. Il a suivi des stages auprès des artistes Theodoros Terzopoulos (l’une des plus grandes personnalités du théâtre grec actuel) et Dimos Tsigakos au Théâtre de Sardaigne, ainsi qu’auprès de la théâtreuse et cinéaste française Ariane Mnouchkine, au Théâtre du Soleil, à Paris (théâtre qu’elle a créé en 1964 avec Philippe Léotard). Ses premiers rôles, il les obtient en 1996, à Bologne, dans les pièces Parlami d’Amore de Francesco Macedonio, et Messalina (composée et écrite par Luigi Mancinelli et Pietro Cossa, 1876) de Lorenzo Salveti qui le dirige également dans le même temps dans Inferno (pièce d’après l’œuvre de Dante Alighieri, jouée au Festival de Borgio Verezzi). Puis, toujours à Bologne, il joue sous la direction de Michal Znaniecki et Vittorio Franceschi dans respectivement Cleopatra (Luigi Mancinelli et Pietro Cossa, 1877) et Lager memoria dei campi di sterminio (d’après les mémoires de Primo Levi et son terrible vécu dans les camps de concentration, co-écrit par Peter Weiss). En 1998, il est sur les planches du Teatro Stabile de Parme, jouant dans Romeo e Giulietta (Shakespeare) sous la direction de Walter le Moli, ainsi que dans L’Angelo sterminatore (d’après le film réalisé en 1962 par Luis Buñuel) dirigé par Gigi dall’Aglio. Il jouera notamment dans plusieurs de ces pièces avec l’actrice Linda Gennari qui débutait alors, elle aussi, et qui est devenue populaire à la télévision, grâce à sa participation à l’adaptation italienne de la série Caméra Café.

En 1999, il retrouve Theodoros Terzopoulos, l’un de ses maîtres, qui le dirige au Théâtre de Sardaigne dans Paska Devaddis [d’après trois pièces radiophoniques écrites par l’anthropologue Michelangelo Pira (1952-1980), peu avant sa mort, pour Radio Cagliari], puis participe également à Fottuti, pièce de Ennio Livio Trinelli traitant de l’homosexualité. L’année suivante, il participe au Festival Enzimi qui se déroule à Rome, jouant dans trois pièces mises en scènes par Salvatore Chiosi, à savoir Radiozero, Donne di ripicche, et Con la mano sul cappello. Outre la trilogie féminine dirigée par Giancarlo Sepe que nous avons évoquée au début de cet article, il commence à travailler sur une création de ce même metteur en scène avec Marathon la città della musica.

En 2003, après ses nombreux travaux de comédiens, Stefano Artissunch crée sa première pièce Il cavallo di Troia pour la commune de Ripaberarda (près de Castignano, dans la province d’Ascoli Piceno). Il expérimente alors un théâtre fait en partie d’improvisations et met en scène E. A. Poe interpretazioni (2004), puis fait de même pour le Laboratorio Minimo Teatro d’Ascoli Piceno avec les pièces Romeo e Giulietta (Roméo et Juliette, 2003), Il Mago di Oz (Le Magicien d’Oz, 2005), Sogno di una notte di mezza estate (Songe d’une nuit d’été, 2005), et Assurdo ma non troppo (Absurde mais pas trop, 2006).
En 2005, Stefano Artissunch dirige l’Inferno de Dante pour la Compagnia dei Folli, où il utilise diverses techniques théâtrales, comme celles du théâtre de rue, puis œuvre avec le Teatro Stabile de Bolzano et le Teatro Stabile de Sardaigne sur la pièce Enrico IV (2005-07) d’après Shakespeare. Il y rencontre Paolo Bonacelli, grand comédien de théâtre, mais aussi célèbre acteur du petit et du grand écran (il est l’ignoble Rifki du Midnight Express d’Alan Parker, et il a joué entre autre auprès de Gian Maria Volonté, Jean-Paul Belmondo ou Omar Sharif), qui avait notamment donné la réplique à ce roi en 1984, au cinéma, par le biais de Pirandello, le monarque y étant alors interprété par le grand Marcello Mastroianni.

C’est en l’année du centenaire de la mort de Jules Verne, que Stefano Artissunch crée la compagnie Synergie Teatrali, avec Veronica Barelli et Danila Celani. S’en suivront les pièces évoquées plus haut qu’il écrit et met en scène, cela jusqu’à Ventimila leghe sotto i mari, en passant également quelques mois plus tôt par l’atelier de théâtre Sensi Piceni (Les chemins de la scène) pour qui il crée Lisistrata, la guerra è guerra d’après l’œuvre d’Aristophane. Son voyage ne faisant que commencer, du moins celui entreprit avec sa compagnie, nous lui souhaitons, ainsi qu’à son équipage, de parcourir encore de bien nombreuses lieues sur les planches...

Jacques Romero, 09/2008

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