roman

Arcadia (Pascal Guy, 1998)


Arcadia (Pascal Guy, 1998)
titre original :Arcadia
type :roman, 190 pages
année :1998
pays :France
auteur :Pascal Guy
éditions :Éditions Mycroft's brother (réédition 2002)
collection :Les Mondes Perdus
ISBN :2-914372-01-9
site web :http://www.mycrofts.net/index.php3?file=collec_challenger


L'histoire

Ancien sous-marinier exclu de l'armée suite à un dramatique et mystérieux incident, Orlando Logan végète avec sa « horde » d'amis dans les bars écossais de Paris. Alors que rien ne semblait pouvoir le sortir d'une vie sans perspective d'avenir, une fortune inattendue lui tombe du ciel suite au décès de sa grand-mère à laquelle il était très attaché. C'était l'occasion qu'il attendait. Orlando fait alors réarmer un ancien sous-marin allemand rebaptisé « Arcadia », et entraine ses acolytes dans un tour du monde au cours duquel ils vont affronter les symboles du capitalisme, les dictatures et les extrémistes de tous bords.



A propos de cette œuvre

Vingt Mille Lieues sous Les Mers est ici une influence parmi d'autres, mais les deux histoires comportent des similitudes évidentes, avec un capitaine et son équipage qui vont défier le monde à bord de leur sous-marin. Orlando Logan est pourtant un personnage sans doute plus positif que Nemo. Alors que le capitaine du Nautilus accomplit sa vengeance en ne se souciant que rarement du sort de ses semblables, celui de l'Arcadia n'a rien de moins pour objectif que de changer le monde. En plus de la couverture qui reprend une des plus célèbres gravures de Vingt Mille Lieues sous Les Mers, quelques références directes au roman de Verne apparaissent au fil des pages. Orlando Logan y est comparé à Nemo sur les remparts de Saint-Malo, et le Nautilus fait même une apparition au détour d'un message codé destiné à l'Arcadia.

Un grand merci à l'auteur Pascal Guy qui nous a accordé l'interview ci-dessous.

~ Interview ~

Entretien avec Pascal Guy, septembre 2008

Quelle est votre relation avec l'œuvre de Jules Verne en général, et Vingt Mille Lieues sous Les Mers en particulier ?

Ma première relation avec 20.000 lieues sous les mers fut le film de Richard Fleischer (1954) pour les Studio Disney avec James Mason dans le rôle de Nemo. Je l’ai vu enfant au milieu de années 70 dans un ciné-club de Tours avec mes parents et ma grand-mère Louise. Ce fut une révélation et très vite j’ai voulu lire le livre. Cela tombait bien, dans ma famille on avait toute la collection des œuvres de Jules Verne si bien que j’ai rapidement dévoré 20.000 Lieues et l’Ile Mystérieuse. Je dois avouer que le reste de l’œuvre de Verne m’a laissé plus ou moins indifférent (à deux exceptions notables : Michel Strogoff et Robur le Conquérant) en comparaison des aventures du capitaine Nemo. Au-delà de la fascination qu’exerce sur moi ce personnage d’exception, c’est son projet, plus que sa personnalité, qui m’a séduit. J’admirais grandement le fait qu’un homme entouré d’un équipage de braves fidèles, puisse parvenir à se tenir en dehors du monde ou plutôt, de la société. C’est plus cela qui me plait chez Nemo que sa soif de vengeance, par ailleurs justifiée. Il y a également le côté technologique du Nautilus qui est fascinant, surtout que ce submersible est avant tout une république avant d’être un sous-marin. Et puis il faut bien le dire, ce qui m’a également marqué dans 20.000 Lieues et l’Ile Mystérieuse c’est la fin. Je trouvais cela injuste que « mon » Nemo finisse ainsi et je me suis toujours refusé à croire qu’il était mort. Enfin je dois avouer avoir depuis tout petit une fascination pour les héros lunaires, sombres, traînant leurs ombres comme des ailes. En cela Nemo fut le premier à croiser ma route (le second si je compte le Prince Rodolf de Habsbourg joué par Omar Sharif dans Mayerling de Terence Young, un film que j’ai vu à cinq ans, donc beaucoup trop jeune). Le capitaine du Nautilus a donc indéniablement eu une grande influence sur mon enfance et la route que j’ai prise pour devenir adulte. D’autres personnages mettront leur pierre à mon édifice dont, peu de temps après Nemo, le capitaine Harlock (NDLR : Harlock est le nom original japonais d’Albator).

Le personnage d'Orlando Logan est-il le capitaine Nemo de l'an 2000 ?

Pas vraiment. Logan est plutôt l’Harlock de l’an 2000 et ce bien qu’à la fin du roman il ne passe ni la trentaine, ni l’année 1998. En fait mon personnage est directement inspiré du héros de Leiji Matsumoto. L’idée du roman m’est venue d’un rêve dans lequel je voyais surgir des eaux un immense sous-marin noir avec une tête de mort sur le kiosque. Pas n’importe quelle tête de mort mais bien celle de l’Arcadia d’Harlock. L’idée était donc la suivante : si Harlock était né à notre époque qu’aurait-il fait ? La réponse fut vite évidente. Il aurait été capitaine de sous-marin. Les Océans, comme l’espace, sont le théâtre idéal pour y jouer la grande pièce de la liberté. C’est l’élément de rêve pour quiconque ne veut plus rien avoir à faire avec la corruption « terrestre » et les lâchetés humaines. Restait plus qu’à trouver une trame et surtout une bonne raison pour qu’Orlando devienne pirate en 1997. Comme Harlock je lui ai donc donné un passé militaire et ce, dans une armée qu’il n’avait pas choisie et dont les objectifs lui échappait. Après la dégradation il se perd et se résout à sombrer avant que sa grand-mère, qui est un peu le lien entre les idéaux passés et futurs, lui permette de reprendre sa vie en main (elle va devenir une sorte de 36ème homme d’équipage). Plutôt que de dépenser sa fortune il va préférer reprendre la mer pour cette fois, être utile à quelque chose. Il était pour moi important que les premières actions de ce nouvel Arcadia soient le fruit du hasard. Ensuite, réalisant l’importance qu’ils se mettent à prendre dans le monde, l’équipage se laisse porter par le vent et décide de rendre ce monde meilleur. Comme dans le dessin animé du maître, ils deviennent un symbole pour les opprimés et un très mauvais exemple pour les puissances internationales. C’est donc la liberté qui est au centre du roman et pour moi elle est plus accrochée au Jolly Roger d’Harlock qu’à la bannière au N doré de Nemo.

Au cours de son périple, l'Arcadia passe par de nombreux endroits du monde visités avant lui par le Nautilus, jusqu'aux glaces de l'Antarctique. Avez-vous volontairement repris certaines étapes de Vingt Mille Lieues sous Les Mers ?

Absolument pas. Je n’avais d’ailleurs jamais comparé le parcours de mon sous-marin à celui de Jules Verne. Il est assez drôle que les deux submersibles aient plus ou moins le même itinéraire. Ceci étant dit, je voulais que mon Arcadia fasse un tour du monde et comme le but du périple était : sept torpilles pour changer sept continents, il était logique pour moi qu’il passe par Gibraltar puis Suez avant de mettre le gouvernail à l’Est. C’est d’ailleurs après Suez, et avoir réglé le compte à l’arrogance capitaliste occidentale puis résolu malgré eux le conflit au Moyen-Orient, qu’ils décident de prendre leur destin, et celui du monde, en main. J’ai fait énormément de recherches pour ce livre. Tout d’abord en matière d’ingénierie sous-marine. Je travaillais à l’époque au centre de documentation de l’armement et avait sous la main toute les informations techniques dont je pouvais rêver. Ceci étant dit, et une fois mon sous-marin techniquement irréprochable, il me fallait choisir où l’envoyer. J’ai donc étudié tous les conflits de la fin du XXème siècle et choisi ceux qu’un sous-marin armé était successible de régler. Voilà pourquoi cet Arcadia passe par la Somalie, la Birmanie, l’Indonésie, la Papouasie pour finir en Antarctique et livrer sa dernière bataille sur les côtes de l’Amérique du Sud.

Dans le roman, Orlando Logan est souvent comparé à Albator, personnage créé par l'auteur de manga Leiji Matsumoto, et qui a fait les beaux jours des émissions jeunesse d'Antenne 2 dans les années 1980. Vous revendiquez-vous comme appartenant à la « génération Albator » ? Il y a-t-il selon vous un parallèle à établir entre les personnages d'Albator et du capitaine Nemo ?

Je suis effectivement de la génération Albator dans le sens où ce dessin animé a réellement eu une influence sur ma personnalité. A tel point, pour tout vous dire, que j’ai demandé a ma grand-mère Louise (qui était couturière et pour qui Arcadia est dédié) de me faire un uniforme d’Albator pour la fête costumée de l’école. A la sortie de la dite école je me ruais tous les lundis à la maison pour voir le nouvel épisode et je crois bien que je n’en ai raté aucun. C’était pour moi le héros que j’attendais : charismatique, courageux, superbement torturé mais droit dans ses bottes, incorruptible et surtout terriblement humain dans ses blessures. Et puis il y avait ce je ne sais quoi de doux-amer dans toute cette série qui me suivra jusqu’à la mort. Je sais bien que cela peu paraître stérile de dire cela, surtout d’un support artistique que la plupart des gens considère comme un art mineur, mais je pense sincèrement que l’œuvre de Matsumoto est d’une profondeur que beaucoup d’auteurs contemporains serait en droit de jalouser s’ils n’étaient aussi prétentieux. Et puis vous savez, à quarante ans aujourd’hui, je me fais l’immense plaisir de découvrir les nouvelles productions du maître telles que Endless Odyssey, Harlock Saga ou Cosmowarrior Zero. Et après ces trois là il me restera encore Gun Frontier et Queen Emeraldas alors pourquoi bouder son plaisir ?
Quant au parallèle entre Harlock et Nemo il est évident. Un bâtiment qui fait office de république flottante et donc, qui est libre de ses mouvements. Un équipage soudé derrière un capitaine et un idéal. Une bannière qui ne flotte que pour elle-même et qui ne s’embarrasse pas des hypocrites concessions des nations.
Personnellement (et cela ne regarde que moi) je préfère tout de même Harlock que je trouve plus humain. Mais je sais de source sûre que l’idée du capitaine pirate est venue à Leiji Matsumoto alors qu’il écoutait un opéra de Wagner. Je ne pense donc pas que le maître japonais se soit inspiré du héros de Verne.
Reste que les deux hommes portent le même idéal à quelques siècles d’écart.

Vous avez été confronté aux horreurs du génocide rwandais, auquel vous avez consacré votre premier livre. Ces terribles évènements ont-ils participé à votre envie de brandir le drapeau noir de la révolte par l'intermédiaire d'un second ouvrage, de fiction cette fois-ci ?

Oui. Arcadia est avant tout un coup de gueule, c’est certain. Pas seulement par rapport au Rwanda d’ailleurs qui est une horreur sans nom plus par le fait de l’inaction des grandes puissances que par ce million de morts en trois mois. Ce roman est le fruit d’un grand écoeurement et je suis de ceux qui pensent que les choses ne peuvent pas changer sans coups de canon. Pour ma part, j’ai pris la plume et réglé le compte à pas mal de gens et de régimes dans ce livre. Il est d’ailleurs assez drôle de noter que quelques jours après avoir terminé le chapitre sur l’Indonésie, Suharto donnait sa démission et se retirait réellement des affaires indonésiennes. Plus tard, le Timor orientale accédait à l’indépendance, comme dans mon livre ! Comme quoi il suffit parfois de vouloir les choses.
Maintenant, pour parler franchement, je ne trouve pas qu’Arcadia soit un grand roman. Il a beaucoup de défauts liés à sa spontanéité. Le livre souffre d’une insuffisance de style due à un manque de réécriture. Pour cette raison trop de personnages ne sont pas assez développés. Reste que l’histoire a du souffle et qu’elle a le mérite de vous tenir à la gorge jusqu’à la fin. Ceci dit, je pense travailler bientôt sur une deuxième version plus étoffée pour une prochaine édition. C’est d’ailleurs ce que je viens de faire pour mon premier livre, Mille Collines, qui, si tout va bien, sortira prochainement aux éditions du Serpent à Plumes.
Quant au troisième roman, j’y travaille depuis dix ans mais c’est une toute autre histoire…

Merci encore à vous Pascal Guy, et bonne chance pour vos projets à venir.

2008-09-13

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