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La Vera Storia del Capitano Nemo – Martin Mystère 69 (Alfredo Castelli, Angelo Maria Ricci, Giancarlo Alessandrini (couverture), 1987)


La Vera Storia del Capitano Nemo – Martin Mystère 69  (Alfredo Castelli, Angelo Maria Ricci, Giancarlo Alessandrini (couverture), 1987)
titre original :La Vera Storia del Capitano Nemo – Martin Mystère 69
type :BD, 62 pages
année :1987
pays :Italie
scénario / adaptation :Alfredo Castelli
dessins :Angelo Maria Ricci, Giancarlo Alessandrini (couverture)
éditions :Sergio Bonelli Editor
site web :http://www.bvzm.com/


A propos de cette œuvre

Les grandes énigmes de Martin Mystère, détective de l’impossible

Avant que d’être adapté sous la forme d’une série d’animation télévisée franco-italo-canadienne réalisée en 2003-04, le personnage de Martin Mystère connu quelques 290 aventures entre 1982 et 2007, cela sous la forme de bandes dessinées italiennes éditées mensuellement pendant ces 25 années de publication. Elles ont été traduites en France dès 1983 par les éditions Lug, via la revue Ombrax (1966-86), cela dans l’ordre d’édition originale, mais seulement sur quelques vingt volumes. C’était à l’égard de ce magazine un tournant car Martin Mystère y remplaçait la BD titre qui y était éditée depuis 17 ans. Malgré quelques traductions également chez Glénat, il reste toutefois deux décennies de publication jamais adaptées en France.

Vu les thèmes principaux évoqués dans cette bande dessinée, à savoir les civilisations antiques et mythologiques telles l’Atlantide et Mu, ou des extra-terrestres ayant déjà visité la Terre depuis de nombreux siècles, ainsi que les multiples références à divers auteurs comme Lovecraft (qui a souvent évoqué Mu) ou Hugo Pratt (dont une grande partie de l’œuvre est nimbée dans une réalité mystique), et encore une multitude d’autres aventures ou genres fantastiques et science-fictionnels, on ne peut être surpris qu’un personnage comme le capitaine Nemo puisse inspirer un esprit aussi prolifique et imaginatif tel que celui d’Alfredo Castelli, le créateur de cet univers. Martin Mystère lui-même, héros archéologue, fut construit sur les bases d’Allan Quatermain, célèbre personnage créé par Henry Rider Haggard (1856-1925), et qu’Alfredo Castelli fit vivre sur quelques pages à la fin des années 70 dans le magazine SuperGulp, dont la vie de ce dernier fut très courte. Désirant poursuivre cette aventure, il trouvera un éditeur, mais sera contraint à quelques modifications, dont les origines nationales de son personnage, et donc son nom même qui devint Martin Mystère (on soulignera ici que le personnage d’Allan Quatermain accompagnait le capitaine Nemo dans La ligue des gentleman extraordinaires d’Alan Moore).

Dans l’aventure qui nous intéresse, mais qui n’est en rien une adaptation de Vingt mille lieues sous les mers, on apprendra toutefois quelques révélations sur le capitaine Nemo, sans que celui-ci ait un rôle à jouer dans ces pages, n’en faisant tout simplement pas partie, mais y étant inscrit au niveau du scénario comme un élément du passé influant sur les protagonistes y étant mis en scène. Cette aventure avait véritablement commencé avec les volumes 42 et 43, respectivement intitulés Rapa-Nui et La guerra senza tempo (septembre, octobre 1985 / volume 28 de la collection Martin Mystère : Serie Regolare), puis les volumes 50 et 51, La face del Druido et La notte del l'Uomo Lupo (mai, juin 1986 / volume 33 de la collection Martin Mystère : Serie Regolare). Après ce 69ème épisode, l’aventure se poursuivait et se terminait dans les volumes suivants, à savoir Minaccia dagli abissi (n°70, janvier 1988) et Morte al varieta' (n°71, février 1988). Ces trois derniers chapitres constituent l’ensemble du volume 46 (194 pages) de la collection Martin Mystère : Serie Regolare.
L’ensemble de cette aventure (qui souffre de quelques incohérences assumées, comme d’autres scénarii de cette série dont le genre repose avant tout sur un imaginaire débridé) débute pendant la Seconde Guerre mondiale, dans le Pacifique, avec la découverte d’un homme n’ayant pas de passé, mais dont on découvrira que ce dernier est lié à celui lointain de l’Île de Pâques. Il y sera question d’un androïde du nom de Robinson qui, depuis des milliers d’années, au poste de commandement d’un submersible appelé Yamato et appartenant au mythique royaume de Mu, est prêt à déclencher une troisième guerre mondiale.
Le sous-marin emprunte son nom à l’ancienne appellation du Japon (jusqu’au VIIème siècle ap. J.C.), et de plus il fait esthétiquement référence au Yamato de Matsumoto Leiji dans la saga Uchû Senkan Yamato, vaisseau né de l’épave du véritable cuirassé japonais, fleuron de la Marine de guerre coulé lors du second conflit mondial, le 7 avril 1945. Le Japon est ici lié à l’empire de Mu par l’intermédiaire de la déesse du soleil Amaterasu, celle dont une partie de la légende donnera aux empereurs nippons le statut d’être divin. L’archipel étant soumis à de nombreux séismes, certains scientifiques lui destinent même, comme le romancier Komatsu Sakyo, un futur analogue à celui de Mu. L’aventure met également en perspective l’opposition entre l’empire de Mu dans l’Océan Pacifique et l’Atlantide de l’Océan Atlantique. La confrontation de ces deux peuples imaginaires fut rarement mise en perspective, si ce n’est par exemple en 1979, dans un ouvrage allemand dont l’objet de l’étude portait sur la mémoire antique du peuple Hopi (Arizona, USA) au travers de l’un de ses représentants qui se faisait la voix de celle-ci. Malgré le coté ethnographique de ce livre, son sujet principale portait on ne peut plus sur une hypothétique transmission orale du peuple Hopi, son représentant évoquant ces ancêtres sur un continent de Mu en guerre contre celui de l’Atlantide. Quant à Jules Verne, il évoquera la submersion de continents entiers dans L’éternel Adam, l’une de ses dernières nouvelles à laquelle il apporta un ton nouveau dans son œuvre, faisant preuve d’un certain pessimisme qu’il avait alors peu couché sur le papier, et le rapprochant d’auteurs tels que H. G. Wells ou René Barjavel.

Plus récemment, les aventures de Martin Mystère firent à nouveau référence à Jules Verne, et toujours dans le cadre du capitaine Nemo, avec l’album intitulé explicitement Nautilus ! (n°252, mars 2003, scénario : Stefano Vietti, dessin : Paolo Ongaro). Notre héros était invité par un vieil homme quelque peu excentrique à visiter l’Ile mystérieuse issue du roman éponyme.

Cette bande dessinée populaire a relativement peu évoluée depuis sa création, restant comme la plupart des titres de l’éditeur, dans une optique commerciale volontaire. Toutefois, les différents dessinateurs et scénaristes ayant abordé ce personnage ont pu lui apporter quelques petits suppléments, mais sans trop agir sur sa création à la base, la ligne éditoriale étant à respecter. Ainsi loin d’être une BD d’auteur au sens noble du terme, les aventures de Martin Mystère auront été appréciées cependant au travers de la fusion de tous les thèmes fantastiques imaginables qu’elle mettait en scène, et subséquemment par la richesse de ces références, et leurs incidences au sein des scénarii.

Jacques Romero, 04/2008

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