film

20 000 Leagues Under the Sea (George Pal, 1951)


20 000 Leagues Under the Sea (George Pal, 1951)
titre original :20 000 Leagues Under the Sea
type :film (inachevé)
année :1951
pays :États-Unis
producteur :George Pal
studio :Paramount


A propos de cette œuvre

Si ce projet d’adaptation de George Pal ne vit jamais le jour, il s’inscrit tout de même en préambule de l’adaptation réalisée par Richard Fleischer et produit par Walt Disney, ce dernier ayant racheté les droits à la Paramount. Il est toutefois difficile de commenter un film qui en est resté au stade de l’intention. Cependant, nous vous proposons un portrait de George Pal, qui s’il n’a jamais adapté Jules Verne, en a fait parfois écho ou s’en est encore approché, du moins peut-on le voir ainsi.


George Pal, portrait d’un artiste à quelques lieues de Jules Verne


L’architecte des marionnettes

George Pal (1908-1980) est originaire de Hongrie où il a commencé sa carrière au studio Hunnia de Budapest. N’ayant pas trouvé de travail selon ses aptitudes, étant diplômé en architecture, il y œuvre sur les affiches et la conception des titres qui apparaissent à l’écran. Puis il commence à utiliser les techniques de l’animation pour produire en indépendant des publicités. Il quitte son pays en 1931 pour offrir ses services au studio UFA de Berlin, où il travaillera dans le secteur des effets spéciaux et de l’animation. Il œuvrera notamment pour les cigarettes Overstolz qu’il utilisera dans quelques publicités comme des personnages, leur attribuant une certaine humanisation. Ainsi, Midnight, Dancing cigarettes! (1932) peut être considéré comme le premier film d’animation de George Pal, animation qu’il nommera un peu plus tard Puppetoon. C’est à Prague en Tchécoslovaquie, dès 1933, qu’il commence à utiliser pleinement la technique du stop motion pour à nouveau réaliser des publicités. Cet autre déplacement était du en grande partie à la monté du nazisme qui commençait alors à prendre certaines proportions inquiétantes, sa femme et lui ayant eu quelques problèmes à Berlin suite à leur statut d’étranger. En 1934, peu après sa rencontre à Paris avec Sies Numan de Philips Radio qui l’y invite et l’engage, il s’installe à Eindhoven aux Pays-Bas où il fonde très rapidement son propre studio qu’il nomme tout simplement Pal Studio. C’est à cet effet qu’il adopte le nom de Pal, plus pratique pour l’international que son véritable nom complet György Pál Marczincsák. Il y créera de nombreux films d’animation, ainsi que des publicités pour la firme de l’électronique, usant de la technique de l’animation en volume filmée image par image, dont on peut citer Ship of the ether (1934), Philips Cavalcade (1934), Aladdin (1936), The sleeping beauty (1935) et Philips Broadcast (1938). Il y produit notamment des films pour l’Angleterre comme Sinbad (1936), What Ho, she bumps (1937), Sky Pirates (1938), Love on the range (1939). Plusieurs de ses films seront scénarisés par Alexander Mackendrick qui travaillera, la décennie suivante, plusieurs fois pour John Halas (La ferme des animaux) qui avait fait ses débuts à Budapest auprès de George Pal. Ces quelques années passées en Hollande lui permettent d’affermir son identité artistique dans ce domaine, marquant de part leur fabrication et leur manipulation, le monde de la marionnette animée image par image.


Période Paramount & Puppetoons

La guerre ayant éclaté, et disposant d’un visa qu’il avait demandé depuis quelques années, il se rend aux Etats-Unis à la fin de l’année 1939. Il y trouve tout d’abord un poste d’enseignant / conférencier à l’Université de Columbia, puis est peu après engagé par la Paramount, via son président Barney Baliban qui a eut l’occasion de voir ses travaux, ce qui l’a décidé à le contacter. Il retourne aux Pays-Bas pour chercher son épouse Zsoka avec qui il est marié depuis 1930, et son premier fils David, né en 1937, pour les emmener sur leur nouvelle terre d’accueil. Il commence alors à travailler sur le long-métrage Strike up the band (1940), une comédie musicale avec Mickey Rooney et Judy Garland, où il s’occupe des séquences d’animation et moult effets visuels, notamment sur le générique. Ce film fut, comme beaucoup d’autres pour le studio, artistiquement dirigé, parfois sans vraiment l’avoir été tout à fait, par Cédric Gibbons qui avait œuvré sur Mysterious Island de Lucien Hubbard. Puis à partir de la seconde moitié de l’année 1940, et ce jusqu’en 1947, il réalisera 41 films d’animation (court-métrage) en stop motion groupés nominalement sous l’appellation de Puppetoons, dont on peut leur ajouter ses réalisations au Pays-Bas. Plus de la moitié de ces films mettront en scène Jasper, le personnage fétiche de George Pal, que l’on a pu légèrement apercevoir dans ses précédents travaux. Jasper empruntait beaucoup au personnage de Sambo le petit noir créé un demi siècle plus tôt par Helen Bannerman, et ayant été adapté en dessin animé, notamment par Ub Iwerks en 1935. Non seulement de par sa couleur de peau, mais aussi avec des histoires proches des contes dans leur narration. Parmi ses nombreuses aventures, le petit garçon sera accompagné dans un certain nombre de celles-ci par deux personnages qui se jouent souvent de sa crédulité. Il s’agissait de l’épouvantail nommé justement Professeur Scarecrow et de son inséparable corbeau noir. On soulignera que le trio rencontrera en 1944 un certain Bugs Bunny dans Jasper Goes Hunting (Jasper va à la chasse). Par ailleurs, comme ce fut le cas pour de nombreuses autres productions d’animation, la musique sera non seulement accompagnatrice de l’œuvre, mais elle sera également très souvent un élément de l’histoire. Cela allait en quelque sorte dans le sens de ses précédents travaux effectués pour Philips qui produisit Ship of the ether (Le vaisseau d’éther), faisant de ce bateau de ver un passeur de musique, comme les postes de radio de la compagnie hollandaise, ou encore Philips Cavalcade, où l’on pouvait écouter ragtime et gospel sous la houlette de la formation de Jack Hylton, alors très célèbre en Europe. On peut ainsi citer de nombreux exemples pour les Puppetoons des années 40, notamment Mr Strauss Takes a Walk (Mr Strauss se promène, 1942) où l’on peut voir le célèbre compositeur du Beau Danube Bleu s’inspirer de la vie en forêt pour ses créations musicales. A cet égard, Johann Strauss était déjà présent avec George Pal dans le très musical et dansant The Little Broadcast (1935). De même, au travers du personnage de Jasper, c’est le trompettiste Rafaël Méndez qui jouera de son souffle dans Hot Lips Jasper (1945), Pal faisant également au passage un clin d’œil à Louis Armstrong. En 1946, dans Jasper in a Jam, on peut écouter la célèbre chanteuse jazzy Peggy Lee, artiste que l’on connaît surtout avec You give me fever, et qui retrouvera George Pal sur Tom Thumb et The Time Machine. Dans ce même film, Jasper, après les douze coups de minuit, se trouvant dans une boutique, se voit entraîné comme dans un rêve par des instruments de musiques ayant pris vie, cela sous la baguette du saxophoniste Charlie Barnet et de son orchestre. Comme pour ce film qui utilise le terme musical jam, d’autres titres feront explicitement référence à la musique, notamment Jasper’s Music Lesson (1943) mettant en perspective les clés musicales noires et blanches, ou encore en 1947 Tuby the Tuba, Rhapsodie in Wood, et Date with Duke, le Duke étant le grand Ellington.

En ce qui concerne Jasper, dont le graphisme était quelque peu caricatural, sans toutefois l’être tout autant que dans d’autres œuvres de l’époque, George Pal représentera avec un très grand respect les américains aux origines africaines dans John Henry and the Inky Poo (1946). Ce film adaptait la légende du personnage de John Henry ayant voulu défier le progrès de sa seule force physique. Ainsi, travaillant à la pose des rails du chemin de fer, il défiera une machine automatique, un marteau à vapeur devant remplacer l’homme, mais malgré sa victoire, il succombera sous l’effort imposé. On peut y voir différentes métaphores sur le progrès, mais également la lutte ouvrière et l’esclavagisme.

Ainsi, les marionnettes en bois articulées de George Pal auront imposé leurs présences sur les grands écrans dans les années 40, s’animant de cette façon si particulière qu’il avait créé. Certain de ces courts-métrages demanderont la fabrication artisanal d’un nombre considérable de marionnettes. Pour de courtes séquences, et pour un même protagoniste, il pouvait utiliser des centaines d’exemplaires du personnage, si le geste ou le mouvement qu’il lui imposait nécessitaient cela. Le bois, matériau de base utilisé, ne pouvant être flexible, pour exemple les bras ou les jambes ne pouvant être pliés, il était nécessaire de créer toute une série d’exemplaires pour un membre, exemplaires tous légèrement différents les uns des autres pour ainsi produire tel mouvement autonome au corps.

C’était, semble-t-il, la première fois que l’animation de marionnettes en stop motion eut une production régulière, avec une série de films produits par le même studio, et avec à sa tête le même créateur. Il faudra attendre, aux Etats-Unis, le tout début des années 60 pour voir à nouveau l’animation en stop motion produite en tant que projet sur le long terme, cela avec les productions cinématographiques et télévisuelles de Rankin Bass Production, fabriquées en partie au Japon par le fondateur de cet art pour l’archipel, Mochinaga Tadahito. Les télévisions du monde entier allaient alors faire acte de création en ce sens avec quelques séries pour la jeunesse.

George Pal termine pour ainsi dire la décennie comme il l’a commencé, en réalisant les séquences d’animation en stop motion d’un long-métrage en prise de vue réelle, Variety Girl (1947), une comédie musicale de George Marshall. Nous pourrions écrire encore beaucoup sur cette époque en stop motion, mais deux grandes autres périodes très actives de George Pal nous attendent, toutefois nous évoquerons encore une fois, dans le chapitre suivant, un dernier Puppetoons parmi les plus beaux. De même, nous y évoquerons ce qui fut précisé dans notre introduction, c'est-à-dire les quelques échos verniens.


Période Paramount & prise de vue réelle

C’est à la fin des années 40 qu’il va alors se lancer, en tant que producteur, dans un tout autre type de cinéma avec le long-métrage en prise de vue réelle, et dans un tout autre genre, celui de la science-fiction ou du fantastique. Il travaillera ainsi avec plusieurs metteurs en scènes, s’occupant principalement des effets spéciaux ou de l’utilisation de l’animation en volume, comme le fera plus tard Ray Harryhausen qui avait, durant cette décennie, œuvré en tant qu’animateur sur les Puppetoons.

On notera ainsi à la réalisation de ses deux premiers long-métrages, Irving Pichel pour la comédie The Great Rupert (1949), et le film de science-fiction Destination Moon (Destination Lune, 1950). On soulignera, pour ce dernier, les effets spéciaux conçus par Lee Zavitz qui s’occupera aussi de ceux du Tour du monde en 80 jours d’Anderson. Ce film s’offrait également une séquence d’animation produite par Walter Lantz, où apparaît son personnage fétiche, Woody Woodpecker, celui-ci jouant les professeurs de vol spatial. Dans la plupart, pour ne pas dire dans toutes ses productions suivantes, au détour d’une scène, on croisera ou entendra le célèbre pivert. La présence répétée de ce personnage dans ses œuvres était un hommage d’amitié éternelle qu’il conféra à Walter Lantz. En effet, celui-ci lui fut d’un grand secours quand il arriva aux Etats-Unis, l’aidant dans ses démarches auprès de l’administration, pour lui permettre, à lui et sa famille, d’accéder à la citoyenneté américaine. Si l’on peut noter quelques parallèles entre ce film et l’aventure lunaire de Hergé, ils sont tout à fait fortuits, Hergé ayant publié les premières planches d’Objectif Lune, trois mois avant la sortie du film, en avant première à New-York, en juin 1950. Pour ces deux œuvres, hormis l’imagination propre, il faut plutôt chercher une petite influence langienne, ainsi que diverses influences dans la littérature et l’imagerie populaire de l’après-guerre, mais aussi auprès des sources scientifiques que Pal et Hergé consultèrent.

[A propos de la Lune au cinéma, celle-ci se verra alors par la suite (1950) très prisée par le grand écran, comme bien d’autres destinations spatiales. Depuis 22 ans et le superbe Frau im Mond (La femme sur la Lune) de Fritz Lang en 1928, le satellite avait été rarement la destination des caméras, si ce n’est en 1935 avec le superbe film russe Kosmicheskiy reys : Fantasticheskaya novella (Un raid cosmique / Voyage cosmique) avec notamment Sergei Komarov, acteur jouant dans Taina Dvukh Okeanov . Ce film, oublié un certain temps des encyclopédies, produit par le célèbre studio Mosfilm, s’inspirant de la nouvelle Vne Zemli (En dehors de la Terre, 1918) du scientifique et écrivain Constantin Tsiolkovski qui y pris part, était réalisé par Vasili Zhuravlyov. Ce metteur en scène, surnommé alors le Jules Verne du cinéma, a notamment adapté en 1946, le roman Un capitaine de quinze ans de Jules Verne avec Pyatnadtsatiletniy Kapitan, où le jeune Dick Sand était interprété par Vsevolod Larionov dont c’était les débuts, et accompagné des compositions musicales de Nikita Bogoslovsky qui avait signé celles de Tainstvennyy ostrov. Nous vous conseillons fortement la lecture du site français de Mr Claude Mettavant, totalement dédié à ce film, et de plus merveilleusement documenté : http://project.mettavant.fr/kosmic.htm

L’année suivante, l’Allemagne produisit ce qui restait d’un projet inachevé de propagande Weltraumschiff 1 Startet, court-métrage qui sera inséré vingt ans plus tard, en 1957, dans le film d’animation américain The Space Explorers réalisé par Fred Ladd, connu entre autre pour avoir signé les dialogues anglais des premières séries d’animation japonaises à être diffusées dans les années 60 aux Etats-Unis, Tetsuwan Atom, Tetsujin 28 ou Jungle Taitei, mais également pour avoir exploré les fonds marins en submersible, réalisant en 1961 la série The Underseas Explorers.

On soulignera encore à l’orée de la conquête du satellite par Hollywood, deux petits tours sur la Lune que le grand écran projettera en 1948 avec le très amusant Bugs Bunny dans Haredevil Hare de Chuck Jones, suivi quelques semaines plus tard du délirant The Cats That Hated People de Tex Avery.]

Après cette aventure lunaire, George Pal produit When Worlds Collide (Le Choc des mondes, 1951, d’après le roman de science-fiction After Worlds Collide écrit en 1932 par Philip Wylie et Edwin Balmer), agréablement réalisé par Rudolph Maté qui, néanmoins, referme un peu trop le sujet sur lui-même, ce concentrant sur les personnes sélectionnées par les scientifiques et faisant assez peu de cas du reste du monde. Cette fin de notre planète, entrant en collision avec une autre bien plus grande qui la détruira, offrira de nombreux échos au récit biblique de l’Arche de Noé, cela dès l’ouverture du film, jusqu’à sa fin offrant un paysage divin.

Puis, George Pal envisage d’adapter le roman de Jules Verne, Vingt mille lieues sous les mers. Mais les droits de celui-ci semblent avoir été acquits par Kurt Neumann, célèbre de part l’un de ses derniers films, The Fly (La Mouche, 1958). Désireux de savoir ce qu’il en est, il contact ce metteur en scène qui avait été sur la Lune, la même année que lui, avec son Rocketship X-M (Vingt-quatre heures chez les Martiens) qui le devançait toutefois de trois semaines pour la sortie en salle. Celui-ci lui apprend qu’il a obtenu les droits auprès d’Alexander Korda, prestigieux metteur en scène qui eut l’intention de réaliser Le tour du monde en 80 jours, cela dès 1935, mais dont le projet resta inachevé. Cependant, Kurt Newman n’envisageant plus de l’adapter, il le lui laissa ainsi pour la somme de 15000 dollars. George Pal s’empressa alors de proposer à la Paramount ce nouveau projet qu’il estimait pouvoir mettre en œuvre avec 1,2 millions de dollars, mais pour quelques raisons inconnues, celle-ci refusa. Dans le même temps, George Pal travaillera avec le jeune Alan J. Pakula sur l’histoire contemporaine d’un sous-marin atomique, projet qui restera également inachevé. Walt Disney est mis au courant des droits qui circulent alors sur cette adaptation, et avant que de se les attribuer auprès de la Paramount, il s’entretien avec George Pal qu’il connaît bien et qu’il apprécie. Sachant donc que le metteur en scène des Puppetoons désirait adapter l’œuvre de Jules Verne, Walt Disney lui demande l’autorisation d’acheter les droits pour ses studios. C’est ainsi que George Pal lui donne son assentiment, au lieu que de voir bloquer un tel projet. Pour ce Vingt mille lieues sous les mers, il aurait été semble-t-il comme pour ses précédentes productions, non pas le réalisateur, mais le concepteur de divers effets spéciaux, ainsi que peut-être le créateur du Nautilus. George Pal eut, et aura hélas, bien d’autres projets qui ne virent jamais le jour. On peut citer pour exemple les droits qu’il avait acquit à cette période sur le livre Odd John, A Story Between Jest and Earnest (Rien qu’un surhomme) du philosophe et romancier de science-fiction Olaf Stapledon.

Ainsi, ne pouvant créer cette œuvre sous-marine, il poursuivra ses travaux en produisant Houdini (1953), dont le rôle titre du célèbre magicien était interprété par Tony Curtis, et où il retrouvait le cinéaste George Marshall. Dans le même temps, s’il n’a pu adapter Jules Verne, il aura néanmoins le loisir de produire une adaptation d’un autre grand maître de la littérature de science-fiction, celle de The War of the World (La Guerre des Mondes, 1953) d’après le roman éponyme de H.G. Wells. Cela, sous la direction de Byron Haskin, autre grand spécialiste des effets spéciaux et du cinéma populaire et d’aventure, qui a par ailleurs adapté Jules Verne avec From the Earth to the Moon (De la Terre à la Lune, 1958, avec Joseph Cotten et George Sanders), et qui avait trois ans auparavant réalisé le premier film entièrement en prise de vue réelle du studio Disney, L’île au trésor. C’est encore avec Haskin à la mise en scène, dont on notera également quelques mise en métrage sur le personnage de Tarzan, qu’il poursuit sa carrière avec le film de jungle Quand la Marabunta gronde (The Naked Jungle, 1954), avec un Charlton Heston confronté en Amérique du Sud à la fois à une colonie de fourmis guerrières du nom de marabunta, mais aussi à une autre créature, la séduisante Eleanor Parker. Le couple s’étant marié par correspondance, sans se connaître, offre au détriment du genre fantastique que le film représente, un long prélude sentimental et psychologique. Il poursuit sa collaboration avec Haskin sur Conquest of Space (La Conquête de l’Espace, 1955), un des films dont l’imagerie créée par George Pal inspirera quelque peu divers metteurs en scènes comme Stanley Kubrick. Cette expédition sur Mars, où dieu ne sera pas absent, était l’occasion à Ross Martin, qui deviendra dix ans plus tard le célèbre Artemus Gordon, de faire ses premiers pas au cinéma après quelques passages à la télévision. A cet effet, les comédiens officiant dans cette odyssée spatiale venaient tous du petit écran. C’est dans le même temps, que son ami Walt Disney produira trois documentaires sur la conquête spatiale (Man in Space, Man and the Moon, Mars and Beyond), cela dans le cadre de la série Disneyland, avec notamment comme le fit George Pal pour La Conquête de l’Espace, la collaboration de l’ingénieur Wernher Von Braun, ainsi qu’à la direction de la photographie Lionel Lindon, qui lui avait œuvré sur celle de Destination Lune, et qui fit de même pour Le tour du monde en 80 jours effectué par David Niven. On soulignera que Disney avait déjà produit des films où la représentation graphique industrielle et mécanique, à la fois réaliste et magnifiée, fut magnifiquement mise en perspective avec quelques films de propagande pendant la Seconde Guerre mondiale, notamment sur l’aviation avec Victory through air power (Victoire dans les airs, 1943). A cet égard, ce film se terminera avec l’apparition d’une pieuvre, représentant ici non pas une forme de vie plus évoluée comme pour Wells (comme souligné ci-après), mais le mal que symbolisait alors l’Empire du Soleil Levant. Le céphalopode étant adéquate pour figurer ce qui dans l’inconscient collectif occidental fut un temps considéré comme le Péril Jaune. La pieuvre était alors souvent utilisée comme élément graphique païen, représentant le mal, envahissant le monde de part la multiplicité de ces membres couvrant toutes les directions. Pendant cette guerre, George Pal aborda lui aussi le conflit mondial avec Rhythm in the Rank en 1941, année où il vit naître son second fils Peter, ainsi qu’avec Tulips Shall Grow, un de ses plus beaux films de la série des Puppetoons pour lequel il fut récompensé d’un Academy Award. Celui-ci sorti sur les grands écrans en janvier 1942, un mois après l’entrée en guerre des Etats-Unis, suite à l’attaque sur Pearl Harbor. Dans ce magnifique film d’animation dont l’action se déroule en Hollande (elle fut envahie en mai 1940), présentant Jan faisant la cour à Jeanette dans son petit moulin, la guerre des mondes n’était pas loin. Cela de part l’approche de l’ennemi dont on ne voyait en parti que les armes, les soldats étant représentés par de l’acier, et qui connaîtront déjà les effets de la providence divine. Providence céleste que Jules Verne aimait lui aussi à évoquer dans nombres de ses Voyages Extraordinaires.

Pour en revenir au grand succès que fut La Guerre des Mondes, libre adaptation faite du patriotisme américain de Haskin, et se terminant par une grande prière où la science semble absente et dieu tout puissant (on soulignera que Cecil B. DeMille fut producteur exécutif sur ce film, trois ans avant d’œuvrer sur ses Dix Commandements), on peut estimer que George Pal a perdu une bonne occasion de faire référence au céphalopode géant de Jules Verne, même si ce dernier évoque à la fois le poulpe et le calmar, et non la pieuvre. Ainsi, au lieu de respecter la morphologie des créatures décrites par Wells, et proche de la pieuvre, il créera une nouvelle forme d’être peu semblable, tout comme il remplaça les tripodes par une forme proche des soucoupes (qui était alors très en vogue), peut-être pour moderniser et proposer une imagerie originale. Au-delà de ce roman, Wells utilisa la forme de la pieuvre dans quelques autres de ses nouvelles d’alors, notamment L’œuf de cristal qui se verra adapté comme Vingt mille lieues sous les mers dans la série Tales of Tomorrow /oeuvres/fiche.php?id=17. Il est quelque peu regrettable que cet aspect de l’œuvre originelle ait été effacé, d’autant que chez Wells elle signifie une forme de vie évoluée, tout comme les messages sur le colonialisme. Cela montrait que George Pal était un artiste assez peu engagé de par ses créations (du moins en apparence), considérant le cinéma comme un spectacle non pas dénué de sens critique, mais s’adressant à un large public. Il ne faut pas oublier que ses premiers travaux étaient destinés aux enfants, et malgré le fait qu’il changea de support et de forme, son désir était toujours le même, celui de l’imaginaire. De plus, l’adaptation était plus le fait du scénariste et du réalisateur, que de Pal lui-même, qui y travaillait pour sa part sur l’aspect visuel. Les ayants droits de l’œuvre de Wells furent tout de même admiratifs du travail de George Pal, et si satisfait du résultat, qu’ils autorisèrent le metteur en scène à adapter une autre de ses œuvres, ce que la Paramount refusa...


Période MGM & direction d’acteurs

Ayant quitté la Paramount pour la Metro Goldwyn Mayer, en plus de produire et de concevoir les différents effets spéciaux, il passera également derrière la caméra, et y dirigera des acteurs, alors qu’il n’avait jusqu'à présent fait acte de direction qu’auprès de ses marionnettes. Il mit ainsi en scène, en 1958, Tom Thumb (Les aventures de Tom Pouce) d’après les frères Grimm, conte où la musique et la danse seront très présentent, avec notamment les chorégraphies d’Alex Romero qui venait de signer en parti celles de Jailhouse Rock (Le Rock du bagne) avec Elvis Presley. Avec ce film, il retrouvait pour quelques scènes la technique usitée pour ses Puppetoons, en animant les jouets dans la chambre de Tom Pouce, jouets qui seront toutefois dans quelques courts passages remplacés par des mannequins que des acteurs occupaient, cela pour certaines actions proches du comédien Russ Tamblyn. Ce dernier, avant de retrouver à nouveau George Pal et les frères Grimm, s’illustrera encore en dansant dans West Side Story. Puis, en 1960, Pal réalisera un film devenu un grand classique qu’il n’avait pu imposer à la Paramount, La machine à explorer le temps, adaptant une nouvelle fois une œuvre d’H.G. Wells. Sur ce film, il aura le plaisir d’avoir pour assistant son fils David, qui l’accompagnera ainsi à quelque autre reprise. Après avoir obtenu l’Oscar pour les effets spéciaux pour chacune de ces deux précédentes œuvres, il poursuit sa carrière de metteur en scène, tout en produisant et concevant les effets spéciaux sur Atlantis the lost continent (Atlantis terre engloutie, 1961) où il revisite le mythe de l’Atlantide. Comme Jules Verne et Platon, il situera celle-ci au centre de l’Océan Atlantique, alors que le cinéma depuis quelques décennies l’avait toujours mis en scène au Sahara, s’inspirant ou adaptant depuis 1919 le roman de Pierre Benoît, qui cette là encore, en 1961, connaissait une nouvelle adaptation avec Jean-Louis Trintignant. Mais à quelques mois près, sortira le péplum Hercule à la conquête de l’Atlantide, qui situera logiquement de part son épopée ce continent dans son contexte grec. Pareillement à La Guerre des mondes, la science sera à nouveau vue avec méfiance, comme n’étant d’aucun secours contre l’envahisseur, et ici elle sera à la source de la destruction du continent. D’ailleurs, cela rejoindra quelques réflexions du Nemo de Jules Verne. On pourra voir d’autre part que les Atlantes possèdent un sous-marin. Etait-ce ironique de la part de Pal d’introduire ce bâtiment dans une histoire se déroulant dans l’Antiquité, même si ici on peut le concevoir de par la haute civilisation atlantidéenne, dont le film ne montre par ailleurs pas d’autres traces de conception de ce genre, si ce n’est son arme absolue. De plus, il aurait été tentant d’y voir un céphalopode, cette espèce ayant dans l’antiquité inspiré quelques mythes et légendes, inspirant également quelques péplums d’alors. Ce film ayant, comme le précédent, et comme Vingt mille lieues sous les mers, été refusé par la Paramount, c’était peut-être pour George Pal un moyen d’en faire quelque écho. Hélas, le budget du film n’est pas à la hauteur du sujet et le scénario manque de cohérence. Certaines scènes ne pouvant être tournées, elles seront empruntées à d’autres films, principalement Quo Vadis, cela de manière peu discrète. Après cette expérience peu concluante, il retrouve un univers qu’il connaît bien, avec The Wonderful World of the Brothers Grimm (Les amours enchantées / Le monde merveilleux des frères Grimm, 1962) qu’il co-dirige avec Henri Levin, réalisateur qui avait peu de temps auparavant mis en scène Voyage au centre de la terre avec James Mason. Il conclut cette magnifique période avec The Seven Faces of Dr Lao (Le cirque du docteur Lao, 1964), où de mystérieux évènements se déroulent dans une ville visitée par un cirque.

On peut regretter par la suite, que George Pal aura eu peu d’occasion de poursuivre sa carrière comme il l’aurait mérité. En 1968, il produira tout de même le très classieux The Power (La Guerre des cerveaux), avec à nouveau à la mise en scène Byron Haskin. Il y retrouvait deux spécialistes des effets spéciaux qui avaient œuvré sur les films qu’il avait mis en scène, Gene Warren et Wah Chang, dont il est à noter pour ces derniers leurs travaux sur l’adaptation de Jules Verne, Master of the World (Le Maître du Monde, 1961) avec entre autre Vincent Price et Charles Bronson. Quelques projets inachevés plus tard, il produit et co-écrit en 1975, Doc Savage : The Man of the Bronze, avec dans le rôle titre Ron Ely qui eut son heure de gloire quelques années auparavant, à la télévision, dans le rôle de Tarzan. Une suite de cette production Warner Bros était prévue, mais l’échec de ce film ne permettra pas sa réalisation. A noter également que la mise en scène était le fait de Michael Anderson, qui réalisait alors ce qui fut un temps un projet inabouti pour George Pal, Logan’s Run (L‘âge de cristal, 1976), et dont on rappellera ses adaptations verniennes pour Le tour du monde en 80 jours (1956) avec David Niven, et son Vingt mille lieues sous les mers pour la télévision en 1997. George Pal aura encore quelques projets qui resteront inachevés comme une suite à La Machine à explorer le temps (toutefois, avec Joe Morhaim, il écrira celle-ci sous la forme d’un roman qui sera publié un an après sa mort), une transposition à nouveau de Wells avec The Sleeper Awakes (Le dormeur s’éveille), une adaptation du Magicien d’Oz, ou encore The Voyage of the Berg d’après Prince Habib's Iceberg, l’un des derniers romans d’Edouard Solomon Hyams, et dont un scénario sera écrit entre 1977 et 1979 par le romancier Robert Bloch, qui signa pour exemple des scénarii tel celui des Oiseaux d’Alfred Hitchcock. Mais tous ses projets, comme d’autres qu’il avait eu la décennie suivante, notamment encore une suite au Choc des mondes, ne verront jamais le jour. Cependant, la production de The Voyage of the Berg n’était plus très loin d’un éventuel tournage. Mais la mort du créateur des Puppetoons âgé de 72 ans, le 25 mai 1980, mis fin à cela.

George Pal, réalisateur et producteur du merveilleux et du fantastique, n’a pu adapter à l’écran l’une des plus extraordinaires et fabuleuses aventures verniennes, ce qui aux vues de ses productions, si cela s’était réalisé, aurait été un spectacle des plus agréables. Bien sûr, comme dans la plupart des adaptations, certains se seraient offusqués des modifications apportées à l’histoire originale, mais nul doute que nous aurions eu, comme Disney le fit, un beau moment de cinéma.



Jacques Romero, 10/2007

<< liste des œuvres