Vingt Mille Lieues sous Les Mers (Jacques Brécard, 1955)


Vingt Mille Lieues sous Les Mers (Jacques Brécard, 1955)
titre original :Vingt Mille Lieues sous Les Mers
type :album jeunesse, 30 pages
année :1955
pays :France
auteur :Jacques Brécard
illustrations :Raoul Auger
production :Hachette
collection :Grands Albums Hachette


A propos de cette œuvre

Cet album jeunesse, adaptant l'oeuvre de Jules Verne, bénéficiait d'un texte écrit par Jacques Brécard. Celui-ci fut traducteur de romanciers tels Isaac Asimov, Fritz Leiber, Wilbur Smith, Daniel Defoe, Robert Louis Stevenson, ou d'ouvrages didactiques ou à caractère historique comme Mon expédition au Pôle Sud de Sir Edmond Hillary.
Le récit qui le compose est une variation s'appuyant sur la version du livret de 18 pages, du 33 tours sorti la même année chez le Petit Ménestrel, avec Jean Gabin interprétant le capitaine Nemo. Mais contrairement à l'enregistrement sonore qui fait écho au film de Disney, l'histoire offre ici une adaptation de l'oeuvre originale plus respectueuse. Par ailleurs, le texte est ici conté par un narrateur extérieur, alors que l'enregistrement, comme le roman, a pour narrateur le professeur Aronnax. Concernant les illustrations, on notera subjectivement pour les traits du capitaine Nemo, qu'ils sont assez proches de ceux d'Abraham Lincoln, voire de Gregory Peck. Ce dernier eu d'ailleurs l'occasion d'endosser le rôle de ce président en 1982. Le visage dessiné rappelle encore ce même acteur, alors qu'il jouait le rôle du capitaine Achab dans le film Moby Dick, que John Huston réalisera un an plus tard, en 1956. On remarquera encore concernant ce personnage, que l'illustrateur le vêtit de l'uniforme de la marine, comme le fut quelques mois plus tôt le comédien James Mason qui avait interprété le rôle dans la production disneyenne. Quant au Nautilus, il conserve dans l'ensemble, sur ces pages, la forme qui lui fut donnée à l'origine.

Les planches des deux supports, l'enregistrement sonore et cet album, furent dessinées par le talentueux Raoul Auger (1904-1991). Se distinguant déjà dans l'illustration, notamment sur des affiches en relation avec les colonies françaises ainsi que dans le domaine de la publicité, il abordera la bande dessinée en 1947 avec Tom X, signant celle-ci sous le nom d'Ariel. L'année suivante, sur un scénario de Jean Normand, il dessine Les secrets du sous-marin dans le périodique Bob et Bobette (1945-1948) des éditions Dargaud. Puis de 1949 à 1952, il illustra avec magnificence de grands récits d'aventures pour le Journal de Tintin, tels L'étonnante aventure de Roald Amundsen d'Edouard Peisson, relatant les exploits du célèbre explorateur qui conquit le Pôle Sud, Les dépouilles de la mer de James Taylor, scaphandrier très populaire à l'époque, d'après sa biographie éditée la même année en 1952 chez Denoël, ou encore Le grand cirque, récit de guerre de Pierre Clostermann (1921-2006), l'un des plus grands pilotes de l'aviation française durant la Seconde Guerre mondiale. A cet effet, on lui doit les illustrations d'une autre grande personnalité ayant côtoyé les cieux avec le livre Saint-Exupéry prince des pilotes de Michel Manoll, pour les éditions G.P., en 1961. La guerre était un sujet qu'il avait par ailleurs dessiné alors qu'elle faisait encore rage, cela pour la revue L'armée française au combat, dès son premier numéro publié en décembre 1944. En 1960, il abordera quelque peu de nouveau ce thème pour le journal Pilote, dans les doubles pages éducatives supervisées par Jean-Michel Charlier, avec les fameux Pilotoramas : ceux consacrés à L'Armée française moderne et au sous-marin Bévéziers, mais aussi à la Calypso avec Jean-François Orsat, ainsi que Le Métro de Paris et Soldats du feu. Il illustrera également en 1969 Le Secret du Jour J de Gilles Perrault. Toujours dans le domaine du militarisme et des submersibles, il dessina les récits L'Odyssée du Casabianca : 27 novembre 1942 - 13 septembre 1943 du commandant Jean L'Herminier, et Sous-marin atomique en avant ! de l'Amiral Lepotier, édité par Hachette, pour la Bibliothèque Verte. Il oeuvra dans ce même milieu naturel avec Premier de plongée du Commandant Yves Le Prieur, en 1956, pour les éditions France-Empire, puis sa publication dans la Bibliothèque Verte.
A propos de submersible encore, mais sans lien avec Raoul Auger, l'un des Pilotoramas de l'année 1959 fut intitulé Le Nautilus livre ses secrets, le bâtiment concerné étant celui américain à propulsion nucléaire qui avait, quelques mois plus tôt, traversé l'Océan Arctique. Ces planches furent conçues par Murtin (illustrateur, mais aussi peintre sous son véritable nom de Lucien Moutard) qui, au même titre que Henri Dimpré, illustra un nombre considérable de Pilotoramas.
Raoul Auger oeuvra en parrallèle dans le secteur Spiritualité des Editions Fleurus, au sein de la collection Belles histoires, belles vies, illustrant des récits présentant des personnalités religieuses telles Sainte Geneviève (1954, n°19, réédité sous le titre Geneviève protectrice de Paris), Notre-Dame de Pont-Main (1961, n°50), Mère Alphonse-Marie (1963, n°59), Mère Saint-Ignace (1964, n°63), Saint Jean-de-Dieu (1966, n°77), Saint Jean-Baptiste (1966, n°78, réédité sous le titre Jean-Baptiste le prophète du désert. Il dessina également en 1954, toujours chez Fleurus, Le Trésor Maya pour la revue hebdomadaire Ames Vaillantes (1937-1963) créée par l'abbé Courtois. Cette revue publia pour prendre un célèbre exemple Jo, Zette et Jocko de Hergé. Il illustra aussi en 1959, pour les éditions G.P., l'ouvrage de Michel Carrouges consacré à Charles de Foucault (précédemment édité en 1954 aux éditions du Cerf).

Pour Jules Verne à nouveau, Raoul Auger signera la couverture du roman Le Maître du Monde paru en 1969 dans la collection de la Bibliothèque Verte, portant le n°399, aux éditions Hachette. Ce roman fut édité la première fois en 1904, année de naissance du dessinateur. A cet égard, une autre grande partie de son activité artistique se concentrera sur l'illustration de couverture de livres ou d'accompagnement, dont un certain nombre pour la Bibliothèque Verte : Les scaphandriers de l'impossible de l'amiral Ellsberg, Pionniers du cosmos de Henri Thilliez, L'étalon noir de Walter Farley dont le premier volume fut traduit par Jacques Brécard évoqué au début de ce texte, Tonnerre sur la Baltique de Charles Dauzats, La sentinelle endormie du célèbre acteur Noël-Noël, ou encore de nombreux autres volumes sous le nom de Jean-Pierre Ariel lors de ses premiers travaux dans cette collection comme Le félin géant de J.-H. Rosny aîné ou encore La planète ignorée de René Guillot. Il fera de même pour les Editions G.P., pour la collection Rouge et Or : Les Fables de La Fontaine, Leclerc et ses hommes et Pages de gloire de Pierre Nord, La route des éléphants de René Guillot, Conquérant des sables et Princesses de l'air de Paluel-Marmont, En kayak du Gabon au Mozambique de Maurice Patry, avec aussi dans la série Souveraine La fée des îles et Goli ou le chant du soir de Eve Dessarre, ou encore les récits des célèbres voyageurs documentalistes Les Mahuzier en Afrique et Les Mahuzier chez les Indiens Guaraos. Il retrouvera une troisième fois Jules Verne, en 1970, sur l'adaptation de Michel Strogoff pour le magazine féminin Lisette (1921-1942 / 1946-1973).

Son talent l'amènera notamment à toucher à l'érotisme, en illustrant des poésies de Baudelaire pour les éditions Henrys, en 1950, dans un ouvrage intitulé Pièces condamnées. Ce livre était une édition limitée de 531 exemplaires dont les poèmes, longtemps restés interdits, venaient quelques mois plus tôt d'être officiellement réhabilités. Le poète des Fleurs du Mal, dont étaient extraites ses pièces condamnées avait notamment traduit Le scarabée d'or et autres histoires extraordinaires d'Edgar Allan Poe, dont les illustrations de l'édition O.D.E.G.E de 1964 furent de même conçues par Raoul Auger.

Sur le plan de l'esthétisme, il fut l'un des premiers à utiliser la technique de la couleur directe pendant son activité au sein du Journal de Tintin. Cela conféra à ses planches, des couleurs chatoyantes et chaleureuses, même pour une histoire dans les régions polaires, sans que cela n'entre en contradiction avec ce que l'on peut ressentir pour ces lieux. Pour un dessinateur de bandes dessinées, la démarche de la couleur directe était alors peu admise, car elle donnait au dessin un aspect pictural proche de la peinture, donc moins populaire. Pour Raoul Auger, illustrateur avant tout, apporter une certaine noblesse des couleurs, n'enlevait en rien l'aspect récréatif du support. Depuis de grands noms de la BD ont adopté cette technique, comme Hermann ou Enki Bilal parmi les plus célèbres.
Une autre des particularités qui sera très présente dans l'oeuvre de Raoul Auger, c'est l'utilisation du jaune comme couleur centrale de certains de ces ouvrages, ou des atmosphères baignant dans ces tons, notamment pour la série Souveraine de la collection Rouge & Or, où cette couleur des plus chaleureuses était en adéquation avec une certaine imagerie occidentale sur les univers exotiques qui y étaient exposés. Ce jaune, qui malgré les profondeurs sous-marines, sera également très présent dans l'album étant à la source de cet article. De par cet aspect, et divers autres traitements de la couleur et des nuances graphiques mises en valeur dans ses travaux, l'oeuvre de cet artiste qui fut en grande partie tournée vers la jeunesse, apporta aux ouvrages qu'il servit, une certaine douceur réconfortante et spirituellement humaine.

Jacques Romero, 01/2010



Article rédigé en janvier 2007 et réécrit en janvier 2010.



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