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Le Narval Electrique (Charles-Edouard Platel, 2005)


Le Narval Electrique (Charles-Edouard Platel, 2005)
titre original :Le Narval Electrique
type :musique, 4'38''
année :2005
pays :France
compositeur :Charles-Edouard Platel
site web :http://www.imagimuse.net


A propos de cette œuvre

Charles-Edouard Platel, né en 1946, conseiller municipal pour le village Les Molières, près de Paris (depuis 1995 et aujourd'hui encore), a officié professionnellement jusqu'en 2006 dans le domaine de l'ingénierie, et a été notamment chef de projet informatique pour plusieurs entreprises industrielles. Dans les années 80, après avoir suivi une étude sous la forme d'un stage au GMEB, Groupe de Musique Expérimentale de Bourges (actuellement délaissé par le Ministère de la Culture), il commence à oeuvrer en autodidacte à la création d'une oeuvre musicale dans le domaine de la musique expérimentale et contemporaine. Pour donner forme à celle-ci, il utilise les outils informatiques de la musique électroacoustique. Son site internet personnel propose de faire connaissance avec ses créations de manière tout à fait simple, contrairement à ce que l'on pourrait penser quand la perspective musicologique adoptée est proche d'une étude quasi scientifique. C'est pour cela qu'il accompagne notamment le contenu de cet espace virtuel par un ouvrage intitulé Musique Imaginaire qui permet encore un peu plus aux personnes hermétiques à cette forme d'art musicale, d'y percevoir plus que la simple idée qu'ils en ont, et d'aller au-delà d'aprioris qui ne reposent le plus souvent que sur peu de choses...

Parmi les nombreuses pièces musicales composant son oeuvre, il en est une qui a toute sa place dans notre Musée Virtuel. Intitulée Le Narval Electrique, elle fait référence aux premières pages du roman Vingt mille lieues sous les mers, où le professeur Aronnax, quelque peu forcé de donner une opinion précise aux journalistes quant au mystérieux phénomène observé, suppose que ce dernier doit être le résultat d'un narval géant. Charles-Edouard Platel présente de la sorte cette petite pièce musicale couvrant seulement dans son évocation le début du roman : Comme pour beaucoup de jeunes lecteurs, mon initiation aux voyages extraordinaires de Jules Verne a commencé avec 20 000 lieues sous les mers, et cette première phrase palpitante : "l'année 1866 fut marquée par un événement bizarre, un phénomène inexpliqué et inexplicable que personne n'a sans doute oublié". – Ainsi débute la pièce, avec la chasse menée par le commandant Farragut et son vaisseau à vapeur "Abraham Lincoln" et l'apparition de "la chose" devant Ned Land le harponneur. Puis les évolutions éblouissantes de ce "Narval Electrique", le choc de l'abordage en pleine nuit, la chute à la mer du Professeur Arronax, et son ébahissement d'être emporté avec ses deux compagnons sur un objet phénoménal, mais de main d'homme. – Il découvrira ensuite l'intérieur de la formidable machine, la force illimitée de l'électricité qui donne sa puissance à l'hélice....et nous reviendrons par un petit trou de lumière en 2005.

Les quelques mots énoncés sur cet ouvrage sonore relatent ainsi la rencontre du Nautilus avec l'Abraham Lincoln, suivi par la découverte de l'intérieur du sous-marin. En parrallèle de la narration du professeur Arronax et de quelques échos de voix, la composition musicale donne forme à l'apparition du Nautilus dont l'identité est encore inconnue, de son souffle mécanique alors qu'il avance sous les flots, à sa respiration interne issue de sa machinerie. Quelques ondes sonores sur un court instant imiteront également l'orgue du capitaine Nemo, mais c'est surtout, lors de son exploration interne, l'électricité de ce Narval et ses systèmes d'ingénierie qui auront la parole. Toutefois, celle du narrateur sera également bien présente ; c'est par ailleurs l'une des quelques pièces musicales de Charles-Edouard Platel a utiliser un tel procédé vocal dans sa composition (avec L'éclipse de 1999, O mon bucolique village ! ou et de manière pédagogique Les origines de la musique, de la préhistoire à nos jours), cela provenant de la forme littéraire de son inspiration, au contraire de ses nombreuses autres créations reposant sur divers éléments du milieu naturel. Parmi ces derniers, l'eau est encore bien présente sous divers aspects avec Belle-Isle-en-mer (2003) balade entre terre et mer où les sons glissent à la surface des eaux, des ondes et des vagues, Plouf-plouf (2005), Naturellement (2008), ou encore Plonge dans les rêves, mais reviens ! (1994-2008), où le sonore, le silence et la solitude se mêlent aux profondeurs.

La pièce Le Narval Electrique fut sélectionnée en 2005 dans le cadre de l’œuvre Ouverte du festival IMEB et sera créée l'année suivante au Festival Synthèse 2006 lors du Concert Œuvre Ouverte sur le thème des Mondes futurs, automates et machines pour s'y projeter. Elle est présente sur le tout premier album édité par Charles-Edouard Platel imagimuse / 0, ainsi que le quatrième récemment publié sur le site web du compositeur, imagimuse / 3. Quoique cette composition était un appel à contribution de l'IMEB lors de l'année Jules Verne en 2005. c'est tout naturellement que le compositeur trouvera une approche personnelle pour appréhender l'univers vernien, ce dernier l'ayant fortement marqué dans sa jeunesse. Charles-Edouard Platel évoque ainsi sa découverte de Jules Verne : J'ai eu la chance de lire presque l'intégralité de l'oeuvre de Jules Verne pendant mon enfance, grâce à une de mes tantes qui avait les éditions originales, miraculeusement épargnées des destructions des guerres qui avaient incendié la plupart des villes du nord de la France. Certainement ces lectures m'ont influencé vers la carrière d'ingénieur, métier créatif qui, de la prose à la poésie, m'amène maintenant à la musique. C'est donc lié à cet intérêt qu'il porte depuis l'enfance à l'auteur des Voyages Extraordinaires, et à partir des quelques mots restés gravés depuis toujours dans sa mémoire qu'il composera Le Narval Electrique : Cette première phrase de 20 000 lieues sous les mers que j'avais retenue depuis mon enfance, bien mieux que les récitations de l'école, convenait à merveille pour traduire aux auditeurs cette initiation émerveillée aux aventures extraordinaires de Jules Verne. Ensuite, la synthèse des objets sonores doit beaucoup à l'esthétique des illustrations de l'édition Hetzel.

Charles-Edouard Platel offrait là un bien bel hommage à Jules Verne au travers de son art de la composition créant, avec une certaine magie sonore, des effluves narratives renouvelées pour cette odyssée sous-marine tant de fois déjà contée. A cet effet, la recherche musicale et la création dans le domaine de l'acousmatique ont depuis quelques années approché l'oeuvre vernienne, et ce à quelques reprises au travers du fabuleux voyage dans les profondeurs océaniques. Parmi ces musiciens, dont certaines recherches peuvent être mises dans la perspective de celles de Charles-Edouard Platel, et vice-versa, on peut notamment nommer les personnalités pour lesquelles nous avons également consacré quelques mots, telles Natasha Barrett avec son ouvrage Trade Winds (également créé au Festival Synthèse en 2006) et Messieurs Jacques Dudon et Michel Risse qui ont transporté d'une année sur l'autre quelques personnes dans Le Salon de Musique du Capitaine Nemo (2003). On notera justement que l'année même où Le Narval Electrique est créé au Festival Synthèse de Bourges, Jules Verne était plus que présent dans le programme de cette manifestation, cela avec diverses autres oeuvres rendant hommage à l'écrivain lors de deux soirées lui étant dédiées : la première, avec notamment Natasha Barrett, et la seconde avec Charles-Edouard Platel. Parmi ces œuvres puisant à cette occasion dans celle de l'auteur des Voyages extraordinaires, on peut encore citer la création acousmatique 20 000 lieus around il centro del Welt de Jadel Andreetto et 2, rue Charles Dubois de Etienne Saur (1958-2009, il fut professeur d'électroacoustique au Conservatoire d'Amiens) deux compositions s'inspirant pleinement de Vingt mille lieues sous les mers et également pour la première de Voyage au centre de la Terre, ainsi que Je n'aime que la liberté, la musique et la mer de Philippe Gonin, De la Styla au Château des Carpates de Philippe Auclair, La Complainte du Progrès de Frédéric Kahn, X-rays from beyond de Adolfo Núñez, Movimenti futuristi de Blas Payri, Taxonomy de Daniel Iglesia, et quelques autres données lors de ce Concert Œuvre Ouverte 2005 « Jules Verne » ainsi nommé, première et seconde soirée.

Nous remercions Mr Charles-Edouard Platel pour avoir si aimablement évoqué ses souvenirs verniens pour cet article.

Jacques Romero, 04/2011

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