roman

Vingt Mille Lieues sous les mers (Jules Verne, 2002)


Vingt Mille Lieues sous les mers (Jules Verne, 2002)
titre original :Vingt Mille Lieues sous les mers
type :roman, 541 pages
année :2002
pays :France
auteur :Jules Verne
illustrations :Didier Graffet
éditions :Gründ
collection :Contes et Poèmes
ISBN :9782700014303
site web :http://www.didiergraffet.com/


A propos de cette œuvre

Ce volume auquel nous consacrons ici quelques lignes n'est pas une adaptation dans le sens que nous lui prêtons en ce site qui, nous le rappelons, est un espace réservé aux œuvres ayant adapté ou ayant puisé pleinement leur inspiration dans les romans Vingt mille lieues sous les mers et L'île mystérieuse. En effet, cet ouvrage est tout simplement le texte original du roman de Jules Verne, et par conséquent une énième réédition de cette oeuvre dans sa langue d'origine. Toutefois, comme quelques autres, cette édition comportant des illustrations d'une grande qualité artistique, et donnant de fait une certaine tonalité au récit, du moins dans le cadre de la relation entre le texte et l'image, il nous semble intéressant de la présenter et d'émettre quelques commentaires la concernant.

Les éditions Gründ qui éditèrent en 2002 ce volume de Vingt mille lieues sous les mers, ainsi que celui de L'île mystérieuse en 2005, avaient fait de même trois décennies plus tôt pour ce roman et sa suite dans la collection ''Le Grand Jules Verne Illustré''. Pour cette dernière, des artistes peintres avaient apposés leur vision picturale sur plusieurs romans de Jules Verne, tels Michel Bentegeat et Jacques Poirier pour respectivement Vingt mille lieues sous les mers et L'île mystérieuse (Gründ rééditait alors cette collection créée en 1960 par les éditions Lidis). Didier Graffet, qui illustre ainsi ces deux romans de Jules Verne au début de ce 21ème siècle, s'inscrit quelque peu pour l'ensemble de ses travaux dans cette lignée d'artistes français, mais aussi et surtout dans celle fantastique d'un Manchu (avec qui il a participé à la création d'une fresque vernienne lors des Utopiales de 2005 et qui en 2000 illustrait la couverture de Vingt mille lieues sous les mers pour Le Livre de Poche dans sa collection jeunesse), d'un Lionel Bret, d'un Wojtek Siudmak ou encore des deux Philippe, Caza et Druillet, voire d'un Servais ou d'un Jean-Claude Gal pour certains de ses crayonnés. Cette filiation artistique imposante à laquelle on peut facilement le lier est due à l'aura qui émane de ses toiles, mais également au-delà de ses choix et de son style dans la représentation scénique et les atmosphères qu'il sait graphiquement tempérer. Aussi, fort de son expérience et de sa stature acquise au sein du monde de l'illustration dans le domaine du fantastique et de la mythologie depuis 1992 (pour les éditions Bragelonne, Mnémos, et Nestiveqnen), Didier Graffet fut auréolé l'année même de la publication de ''son'' Vingt mille lieues sous les mers du Grand Prix de l'Imaginaire 2002 dans la catégorie du meilleur illustrateur pour l'ensemble de son oeuvre, ainsi que du Prix du Public Visions du Futur 2002, et du Prix Art&Fact 2002. Dans cette même période également, comme il l'écrit lui-même sur son site, la gestation de son travail sur Vingt mille lieues sous les mers lui aura pris alors quelques neuf mois qui, au final, verront la parution de l'ouvrage, ainsi que la naissance de son fils prénommé Lancelot. Ses travaux verniens seront eux aussi récompensés en 2002 d'un Jules Verne Awards Special au Festival Jules Verne Aventures.

Didier Graffet expose sur son site internet nombre de ses travaux. On peut d'ailleurs y découvrir que son ouvrage pictural sur Vingt mille lieues sous les mers fut prolongé peu après par le désir de réaliser une maquette du Nautilus d'après les plans qu'il avait lui-même dessiné, plans dont on trouve justement une planche parmi ses illustrations dans le roman de Jules Verne. En 2002, le sous-marin conçu en carton et en bois était terminé. Avec ses quelques 100 cm, sa forme élégante et imposante à la fois, la sensation face à la matière utilisée, et quelques parties électrifiées de sa structure en font une très belle ''sculpture''. L'inspiration quant à sa ''morphologie'' est assez évidente, celle-ci étant puisée dans la création de Harper Goff pour l'illustre long-métrage de Richard Fleischer et la compagnie Walt Disney Productions. Toutefois, il utilise les divers éléments s'y rapportant en les appliquant de manière plus délicate, conservant pour une partie de la structure primaire la forme arrondie de la longueur qui était celle des illustrations originales de Neuville et Riou. Le Nautilus de Didier Graffet a ainsi une silhouette moins anguleuse que celle dessinée par Harper Goff, de même que la matière le composant semble moins lourde que celle du Nautilus disneyen étant tout de fer vêtu. Cela lui confère une certaine vie, et l'une des magnifiques illustrations qu'il a signé pour le roman le montre tel un autre mammifère parmi un groupe de baleine franche australe (Vingt mille lieues sous les mers, seconde partie, chapitre XII). Quant à la représentation du capitaine Nemo, l'influence est axée vers les dessins originaux du roman, notamment de par certaines postures classiques du personnage, et incidemment de par la puissance physique que le héros vernien dégageait au travers de ces gravures.

Trois ans plus tard, en 2005, Didier Graffet retrouve l'univers de Jules Verne et par là-même le capitaine Nemo. Ainsi, toujours pour les éditions Gründ, il illustre L'île mystérieuse à l'occasion du centenaire de la mort de l'écrivain. Comme pour l'ouvrage précédent, le volume des travaux qu'il déploie est impressionnant, créant près de 50 illustrations en couleurs et une vingtaine de dessins crayonnés en noir. Sur son inspiration quant à la représentation de la géographie de l'île, Didier Graffet s'exprime de la sorte sur son site : La réalisation de ce livre m’aura permis de mêler des lieux inventés et des lieux réels. Des rochers des côtes d’Armor y sont représentés, des bords de mer du Morbihan, des végétaux que j’ai photographié au jardin botanique de Caen et au jardin des plantes de Paris... Puiser son inspiration dans la géographie proche pour imaginer un lieu de fiction éloigné – comme il le fait également pour d'autres sujets – suggère que parallèlement au temps, l'espace est une question de sensibilité, et que tout voyage repose en quelque sorte, comme les illustrations de Didier Graffet l'évoque, sur une réflexion interne de notre imagination... les lieux qui nous sont fort éloignés – surtout les imaginaires – seraient ainsi à un certain degré aussi proches que ceux que nous côtoyons.
Si Didier Graffet a revu à cette occasion l'iconographie originale des deux romans mettant en scène le capitaine Nemo, il aura su conserver certaines mises en scène en étant issues, celles-ci étant indubitablement liées au récit, tout en y apportant sa propre optique. Pour exemple, avec L'île mystérieuse, la scène dessinée par Jules-Descartes Férat montrant Nab et le jeune Harbert ayant retourné une tortue sur sa carapace, et laissant apparaître celle-ci dans une fâcheuse position, sera exposée différemment par ses soins. En effet, Didier Graffet illustre cette scène alors que la tortue soulevée par les deux naufragés n'est pas encore retournée, cela lui permettant de dessiner la rotondité de la carapace au lieu de sa surface plane – le plastron –, ce qui d'un certain point de vue esthétique peut être plus beau à représenter et à observer (quoique dans le domaine de l'anatomie artistique toutes les parties d'un corps sont intéressantes à reproduire). En ce sens, il fait comme quelques autres illustrateurs ayant exposé en cette scène la beauté d'une carapace de tortue, tels les talentueux italiens Severino Baraldi (en 1973) et Leonardo Mattioli (en 1956).
On pourrait encore commenter de nombreuses autres illustrations, comme celle où le brick est soulevé par une trombe d'eau, Didier Graffet donnant à celle-ci la même intensité que Jacques Poirier illustrant L'île mystérieuse pour Lidis et Gründ. Avec sa maitrise de la vision du fantastique, il donne à voir également un Ayrton au regard en folie tel un Ben Gunn que l'on revoit en mémoire au travers de diverses représentations dans L'île au trésor. Ou encore, la scène où la seule allumette à la disposition des naufragés leur permettra d'allumer un feu est représentée par Férat par le dit foyer et ses flammes s'élevant dans les airs, alors que Didier Graffet met l'accent sur l'allumette en l'illustrant entre les doigts de Pencroff comme l'espagnol Vicenç Badalona Ballestar le fit en 1973. L'illustrateur navigue ainsi entre créativité et inspiration, se reposant à la fois sur le texte de Jules Verne, les gravures originelles, ainsi que ses propres visions du récit : une autre de ses toiles illustrant la scène représentant le moulin conçu par les naufragés fait référence dans sa perspective au dessin de Férat tout en accentuant la contre-plongée – Didier Graffet ayant recourt à de nombreuses reprises à cette technique qu'il sait admirablement mettre en valeur –, celle-ci étant appliquée également à la scène de la chasse ou plutôt de la pêche aux tétras, alors illustrée par Férat dans un plan classique, que Didier Graffet modifiera en donnant à cette image une profondeur de champ multipliant l'effet d'une telle procédure de la part de Pencroff.

Ainsi, après plusieurs décennies qui ont vu publier diverses éditions de ces deux romans de par le monde, et avec pour accompagnement une création iconographique, Didier Graffet participe à ce renouvellement de l'imagerie vernienne en imposant avec maestria son univers pictural.

Jacques Romero, 05/2011

Les illustrations sélectionnées et exposées dans la galerie d'images sont copyright © Didier Graffet / Ed. Gründ


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