pièce de théâtre

Le chant des abysses (Elsa Myleene, Brigitte Mounier, 1999)


Le chant des abysses (Elsa Myleene, Brigitte Mounier, 1999)
titre original :Le chant des abysses
type :pièce de théâtre, 60 min.
année :1999
pays :France
mise en scène :Brigitte Mounier
auteur :Elsa Myleene
direction artistique :Christophe Gens (''oscéanographie'')
interprètes :Frédérique Sauvage, Pierre Jean Descaux
producteur :Compagnie des Mers du Nord (Dunkerque, Grande-Synthe), Nausicaa, IFREMER
site web :http://www.compagniedesmersdunord.com/index.htm


A propos de cette œuvre

Le chant des abysses, œuvre théâtrale, s’inspirant quelque peu du roman de fiction Vingt mille lieues sous les mers de Jules Verne, repose pour une grande part sur les écrits et les travaux scientifiques que sont Vingt mille vies sous les mers de Lucien Laubier (Ed. Odile Jacob, 1992), La Vie dans les Abysses de Patrick Geistdoerfer (Ed. Pour la science, 1995), ainsi que sur les Études des chercheurs de la Station Marine de Wimereux et des professionnels de l’Ifremer.
C’est donc entre rêve et réalité que nous convie la Compagnie des Mer du Nord. Rêve apporté par la présence du héros mythique créé par Verne, et réalité issue des connaissances actuelles que les sciences des fonds marins nous apprennent. Ainsi, le capitaine Nemo et une jeune océanographe prénommée Océane se partagent cette aventure écrite par Elsa Myleene et mis en scène par Brigitte Mounier. Prenant place à bord d’un bathyscaphe de l’Ifremer, ils ont pour mission de rapporter les informations qu’ils auront puisées au gré de leurs observations. De la sorte, nous étudierons par leur entremise et en leur compagnie, les divers aspects scientifiques que recèlent ces lieux, comme l’étude de la tectonique des plaques sous l’analyse de la lithosphère et de l’hydrosphère, ou bien encore le biotope. Puis, tout en s’enfonçant dans les profondeurs océaniques, lieux qui virent naître les premières formes de vie terrestre, ils remonteront le temps, et débattront sur les diverses théories de la création du monde.

Brigitte Mounier

La comédienne et metteur en scène Brigitte Mounier a étudié l’art de la scène à l'Ecole du Théâtre National de Strasbourg. Celui-ci était alors dirigé par Jean-Pierre Vincent de 1975 à 1982. L’enseignement qu’elle y reçoit de ce dernier lui permet de s’affermir dans cette discipline. Elle va alors commencer à la fin des années 70 sa carrière artistique, égrenant sur les planches ses talents de comédienne, cela jusqu’au début des années 90. Puis, toujours dans une perspective scénique mais quelque peu différente, elle est engagée dans le cirque de Jean Richard où elle officie au trapèze. Elle débarque ensuite à Dunkerque, en 1995, pour créer l’année suivante la Compagnie des Mers du Nord, où elle met en scène des pièces contemporaines et quelque peu engagées, tout en désirant au-delà de la scène conserver une certaine proximité avec le public.

Jacques Romero, 11/2007


~ Interview ~

Entretien avec Brigitte Mounier, décembre 2007

Brigitte Mounier s’est aimablement prêtée à nos questions. Nous l’en remercions vivement.

 

1/ Dans votre pièce, mis à part la présence du capitaine Nemo, qu’avez-vous conservé du roman de Jules Verne ?

J'ai conservé le dépassement de la dernière limite connue. L'idée que la science n'a pas encore dit son dernier mot et donc, il y a encore l'espace de découvrir du fantastique. Également les descriptions de l'ivresse des grands fonds, qui chez notre personnage Nemo/Haddock remplace volontiers l'ivresse de l'alcool.

 
2/ A cet égard, dans votre pièce, Nemo a-t-il encore quelque once d’amertume envers l’humanité dont il faisait preuve sous la main de Verne, ou bien son rôle est-il tout à fait différent ?

Oui, Nemo est resté chez nous Misanthrope et .......machiste. La surprise de la fin, c'est que notre jeune scientifique qui l'accompagne finit pas enlever sa salopette jaune Ifremer, cela après une évolution à rebours (sa queue pousse) et quelques borborygmes dignes du "phone home" (celui du film E.T. l’extra-terrestre). Elle rejoint alors sa famille primitive, les femmes poissons, les sirènes.


3/ Il aurait peut-être été possible de faire une telle pièce sans l’apport du roman de Jules Verne. Était-ce pour vous important de l’associer aux sciences et découvertes actuelles ? Cela permettait-il d’offrir deux axes d’appréhensions du monde sous-marin, à savoir le rêve et la réalité, ou encore le passé et le futur ?

Il a paru indispensable d'ouvrir le propos scientifique vers une fiction intemporelle mais plausible. Les 11 000 mètres sont la dernière limite connue aujourd'hui ; la science n'est pas un dogme fini, elle accepte la possibilité qu'on puisse découvrir encore... Jules Verne porte en ce texte cette idée là : le fantastique est peut-être scientifique.
Dans notre pièce, la confusion volontaire est très serrée entre la science et la fiction. Dans le temps comme dans la forme. Le trou noir de l'espace peut s'ouvrir après les 11 000 mètres. Les fumeurs noirs dans les cheminées peuvent être l'origine de l'homme. Le passé et l'avenir s'y rejoignent. Le spectateur peu averti n'a pas pu démêler le faux du vrai.

 
4/ Pour cette plongée théâtrale, avez-vous accompagné de quelques éléments sonores ou musicaux le jeu des comédiens ?

Nous avons utilisé plusieurs extraits de la bande son de Nausicaa (le Centre National de la Mer à Boulogne-sur-Mer). Le compositeur a travaillé avec plusieurs enregistrements live des fonds sous marins à bord d'un navire en Océan Indien. Nous avons également employé des dialogues enregistrés en fond, dans le Bathyscaphe de l'Ifremer, au cours de leurs descentes.


5/ Il me semble que vous ayez prêté au bathyscaphe (dont l’utilisation est maintenant révolue, remplacée par la technologie des sous-marins de poche) une forme squelettique proche de celle de la baleine. Y a-t-il un sens précis à cela ? Quelque analogie à la naissance du monde ou autre... ? Ou est-ce tout simplement une image poétique ?

Oui, c'est bien le squelette d'une baleine (pour mêler tous les imaginaires et aussi avoir peu de place physiquement pour les occupants/acteurs), c'est aussi Moby Dick, mais surtout un mammifère marin. L'homme retourne dans la matrice pour s'enfoncer dans le placenta originel et retrouver son origine. Il y a aussi l'idée du cimetière des éléphants qui est venue parfois. Aller mourir là où on se sent le plus à l'abri, dans le ventre de la mère/mer.
Le squelette de la baleine, c'est aussi plastiquement la plus belle image que nous ayons trouvé pour raconter tout ça à la fois, en coup d'oeil du spectateur, et sans devoir rentrer dans une explication verbeuse.


6/ Les observations des comédiens étaient-elles accompagnées d’effets visuelles ? Ou tout était-il centré sur les dialogues ?

Tout était dans le texte et le jeu, mais l’élément dramaturgique/scénique essentiel était la lumière. Nous avions un cyclo et un éclairagiste génial qui a restitué toutes les nuances de vert, de bleu, bleu noir, noir lumineux et d’autres encore. La lumière était en mouvement tout le temps et créait un sentiment peu à peu d’enfermement dans la beauté. Cela n’est pas évident à décrire.

 
7/ Une grande part de votre oeuvre évoque des thèmes sociaux. Dans votre Chant des abysses, malgré cet univers très éloigné de la vie de tous les jours, y a-t-il toutefois quelques aspects évoquant ce genre de thèmes ?

Je m'insurge contre de qualificatif de "social" pour décrire mon théâtre. J'utilise et préfère de loin le terme de "politique".
Politique au sens utilisé dans le théâtre grec, c'est à dire le citoyen dans sa cité. La parole de l'Homme pour dire sa vie. Ici on vit en bord de mer. L'industrie y a volé et saccagé nos plages aujourd'hui interdites sur 20 km. L’homme est devenu étranger à son espace géographique. Ici la mer est objet de luxe pour les touristes sur quelques centaines de mètres. Ici la relation de l'Homme à la Mer passe par le CAC 40 et  les décisions des groupes Arcelor Mittal/EDF/Total, et bien d’autres.

Rappeler que la mer est source de la vie, de vie, de nourriture et de poésie n'est hélas pas inutile.
Quand nous avons joué pour des scolaires, une élève de terminale a dit au débat : ah mais alors la mer c'est vivant ? On habite à côté, mais on ne s'en rend pas compte....

 

C’est sur ces bien belles paroles que nous remercions à nouveau Brigitte Mounier, de nous avoir accordé un peu de son temps, pour répondre à ces quelques questions.



2008-01-07

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